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J’ai fait une grande journée, j’ai beaucoup de travail !

J’ai pas pu écrire sur mon tableau.. il faudra que tu m’achètes des feutres 🙂

Je suis rentré tard, jattends le bus a 20h, je regarde le ciel d’un bleu qui existe pas. J’ai pris l’apéro au bureau avec Émilie et Valérie, elles ont tenté de me faire parler ces fouinasses, plusieurs fois. C’était évident. J’ai rien dit, je leur ai donné de la viande fascinante et romancée à la place. Elle parlait que de cul et de chinailleries.

Tous les gens sont décevants..c’est la réalité. Mais tu parais encore plus belle à côte de ce tableau.

Il était fatiguant d’enfants ton week-end ? J’espère que ça sera mieux cette semaine.
Demain j’ai une journée de réunions..

Pour Santa, je garde un espoir.. je vois aucun résultat nul part.. c’est bien de gagner.

Je t’embrasse fort, plein de fois 🫂

CHLOÉ 

J’ai oublié le goût du temps.
Dans ma tête, deux jours peuvent être deux mois. Ici, les minutes sont de la boue qui colle, ça s’allonge et ça racle l’espoir. Avant la grande nuit j’étais déjà dans la rue, les poches pleine de l’argent de ma famille d’accueil. Sous le plancher du vieux le pactole avait bien grossit avec tous les visiteurs dans ma chambre. Quand tout à vriller, j’ai cru que la rue était à moi.
Mais les monstres se sont réveillés, ceux qui savent sentir les animaux blessés, comme ceux qui venaient dans la chambre.
Les gros gitans ils m’ont ramassée.
Ils m’ont attachée comme une chèvre qu’on garde en réserve. Une chaîne courte, un piquet planté dans la terre froide, juste assez pour que je puisse m’accroupir, pisser et manger. Pas plus. J’ai fini par m’habituer à la morsure du métal contre mes poignets. La peau s’est ouverte, ça pique, ça suppure un peu. Je sens l’odeur de fer, de crasse et de peur.
Je sais pas si ils veulent me bouffer cet hiver ou si je vais assurer la descendance de cette famille de cauchemar.

Ils parlent fort, boivent, rient avec des ricanements de hyènes. Des fois, ils me regardent avec ce genre de faim qui ne se calme pas avec du pain. Les deux femmes restent proches, elles ont l’air éteintes, usées par trop de nuits comme celle-ci. Elles ne me disent rien. Une m’a glissé un quignon de pain hier. L’autre détourne le regard, comme si j’étais un miroir trop cru.

Le feu dans leur baril grésille. La fumée colle aux branches basses du bois de Vincennes. Ça sent la graisse brûlée et le vieux gasoil. J’entends le bruit des panneaux solaires qui grincent quand le vent les secoue au-dessus de la caravane. Le chef sait bricoler..

Je ferme les yeux.
J’écoute mon cœur taper.
Il y a un silence étrange, celui qui précède toujours le carnage.
Je me rappelle de Lennon mon chien quand ils l’ont bouffé.
Je crois voir sa tête, la bas, qui dépasse dans le bois. Mon corps vit encore, mais mon âme est cassée ça y est.

Puis d’un coup, un craquement, un souffle, et la nuit s’éclaire. Derrière, une caravane est ensevelie par une vague de flammes. Le bois de Vincennes prend un air d’enfer africain. Les hommes crient, jurent, s’élancent dans la direction du brasier. Deux des types passent près de moi, ils courent si vite que je sens l’air déplacer mes cheveux.

Et c’est là que ça commence.

Le chien sort du bois lancé comme un missile. Il est réel. Un homme le suit fusil à l’épaule.
Trois détonations sèches, brèves, nettes. Le premier s’effondre à deux mètres de moi, un trou noir au milieu du front, comme si on avait éteint sa lumière d’un clic. Le second tombe en arrière, le visage ouvert, les bras qui moulinent encore un instant avant que son corps comprenne qu’il est mort.

Je respire mal. Je voudrais crier, mais ma gorge se bloque.

Les femmes hurlent, des cris d’animaux. Elles se replient autour de moi, pas pour me protéger, je crois, mais comme si j’étais le dernier bien à sauver. Les deux cousins en patrouille rappliquent comme des dératés, c’est des coriaces. Ça pue la poudre et le sang chaud.

Je comprends pas tout, mais peut-être que ce soir, quelque chose bascule.

Le feu lèche la toile de la caravane du fond, ça craque comme des os dans un feu de camp. Les ombres dansent sur les troncs. Les gitans restants s’enfoncent dans le bois à la poursuite d’un fantôme, pas au hasard, comme des prédateurs qui ont connu bien des proies. J’entends leurs pas, lourds, précipités, qui s’éloignent dans le noir. Leurs cris deviennent plus petits, plus lointains.

Il ne reste plus que les deux femmes et moi, et le cousins dans cette lumière de brasier. Elles me fixent. Leurs yeux brillent d’un mélange de haine, de peur.
Moi, j’attends. Le mec et son chien ne voient pas les 2 autres arrivés comme la mort.

Deux ombres jaillissent de derrière rampe de béton, comme des diables sortis de leur boîte. Des silhouettes crasseuses, les yeux pleins de rage. Ils lui tombent dessus en hurlant. L’un tire à bout portant, l’autre fonce avec un couteau.
J’attends que le destin se joue la.
Le barbu sans cheveux et son chien essuient une rafale qu’il esquive de justesse en roulant derrière un tronc en bien trop petit. Acculé.Les coups résonnent, secs, métalliques, l’écho se fracasse contre les troncs. Ça va pas finir comme dans les films, le héro va crever. C’est une question de secondes.

Le feu me brûle les yeux, je vois plus que des formes noires qui passent et disparaissent dans les lueurs de braises. J’ai la bouche sèche, je sens le goût de fer et de poussière.
.
Les balles arrachent des éclats de bois, ça me vole au visage, ça me coupe la joue. Il respire fort, je l’entends d’ici, un souffle d’animal traqué. Il lève son arme, riposte à l’aveugle. Une rafale part, déchire la nuit, mais les deux hyènes se planquent et ricanent.

Je tremble, mes mains secouent ma chaîne, un bruit sec, ridicule, inutile.
Et soudain, il est là.

Un type que j’ai jamais vu. Il surgit du bois, silhouette maigre mais raide, le flingue encore chaud entre les mains. Il marche vite, sans hésiter, comme s’il savait que la mort lui colle aux talons mais qu’il a décidé de la regarder en face. Ses bottes s’écrasent dans la terre humide, son souffle fait vibrer l’air.
Il s’approche. J’ai l’impression de rêver. Ses yeux balayent la scène, durs, mais pas cruels. Pas comme les autres
Puis un sifflement. Une ombre qui traverse l’air comme une étoile filante. Et un coup de feu, un seul, mais net. Un des deux types s’écroule, raide, le visage éclaté par la balle.
Un homme qui sort du bois comme s’il avait attendu toute sa vie ce moment. Chapeau de travers, sourire de fou, flingue au poing, la démarche d’un cow-boy revenu d’entre les morts.

Il tire encore, sèche le deuxième d’une balle dans la gorge. Le type s’écroule comme un sac mouillé, les bras écartés, une grimace figée. Jean souffle la fumée qui s’échappe de son canon, comme si c’était un western, comme si le monde n’était pas pourri jusqu’à l’os.

J’entends son prénom que cri le barbu : « Jean »
Je regarde l’autre sortir de derrière son tronc. Sa poitrine monte et descend trop vite, son front dégouline, mais il tient debout. Ses yeux cherchent les miens, et je crois voir un éclat, quelque chose qui s’accroche encore à l’idée de sauver.
Il me fixe une seconde. Ceux là sont pas venu pour me bouffer.
Et moi, je comprends que la chaîne n’est peut-être pas éternelle.
Jean le cowboy à l’air fou, je crois qu’il a flingué Le reste de la bande.

Il reste que les 2 femmes qui transforment leurs cries en complaintes pathétiques.
Mais je sais la lame qu’elles cachent dans leur cœur.

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