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J’ai toujours apprécié Mr Padinngon, il ressemblait à Ned Flanders dans les Simpsons.

Il faudrait regarder les dernières saisons, histoire de voir si ils avaient prévu tout ce bordel..

Le plus drôle dans tout ça c’est qu’il s’appelait Ned..

Ned c’était le seul prof que je mettais pas mal à l’aise.. même pendant les mauvais moments..

Aujourd’hui il n’y a plus de classes, plus de fac, plus de système scolaire ou de système du tout..

En voyant la porte du n°123 ouvert, je sais qu’il y a eu un problème..

Ça n’est pas le modèle le plus cher du catalogue d’Atlantys Sécurité mais ce petit bunker familial est sensé résister à tout.

Aux attaques nucléaires, aux drônes russes et armes à infra ondes..

Pourtant la lumière de l’été tombe droit sur les marches qui s’enfoncent dans le sol..

Qui plus est, l’entrée était bien cachée.. en pleine forêt entre 2 plateaux rocheux  à plus d’une heure de la 1ere ville..

On peut difficilement tomber dessus par hasard..

Et les cartes et systèmes GPS ont cessé d’exister..

A part dans me tête..  qui enregistre tout.. imprime comme une machine folle..

Parfois je me sens un peu coupable de préférer le monde d’aujourd’hui.. qui ressemble à un enfer pour la plupart des survivants..

Autour de la bouche ouverte du bunker , des installations rappelent une vie de camping à l’air libre..

Sont ils sortis d eux même..?

Kennet son fils handicapé et lui, venait souvent ici les week-ends pour profiter de la nature et apprendre à survivre avant la cission..

Ils ont peut être voulu retrouver la lumière..

Ou ils ont été assieges par des pris d sabotage,  qui ont piqué niquer sur le victoire quelques temps..

Je reste devant la porte qui plonge dans le noir.. vers la vérité..

Je ne veux pas vraiment savoir.. les mauvaises émotions arrivent,  envahissantes..

Ls mêmes que Wilson Churchill appelait son chien noir..

Alors je ferme les yeux, respire et glisse ma main dans ma poche…

Pour le sentir dans ma main, le petit bijoux qu’elle m’a laissé avant de disparaître..

Elle aurait su ce qu’il fallait faire..

Et même à ses côtés moi même j’aurais su..

Dans ma paume..Le petit trèfle au bout de la chaînette en or aussi fine que ses poignets de poupée

Je repense à elle.. M absence du choix, de la décision ..

Elle était le tout contenu dans le rien des choses.. La vie entre les temps endormis..
Tout ce dont je rêvais et toute la beauté que je ne savais pas encore imaginer..

Avec le petit trèfle entre mes doigts je me souviens, cette façon qu’elle avait de faire bien les choses..
J’aimerais qu’elle soit là pour plonger dans le noir avec moi..

Elle parlait jamais beaucoup, mais toujours les quelques mots qu’il faut, au moment ou il faut..

Je m’attends à trouver la mort..
Je crois entendre des bruits.. non c’est mon imagination.

Je ne suis pas en moi même quand je descend les marches. 25 marches en béton armé de 25cm pour le modèle alpha-3, parmis les moins chers du catalogue. .
Je suis dans le souvenir de sa petite main alors que la mienne glisse lentement sur le garde corps métallique.

Je suis un peu rassuré par l’absence de cette odeur..
Cette odeur que j’ai trop souvent connue, celle des cadavres..

L’espace en dome 25m2 apparaît dans l’ombre..
Il est vide, depuis un moment on dirait..
Il n’y a plus de provisions.. Le nounours de Kenneth est encore sur le tapis

Ils ont du partir précipitamment et certainement avec les cris du garçon.

Les derniers visiteurs ont vidé chaque caisse.. ils ont même démonter le générateur pour emporter des batteries.

Soudain J’entends un bruit entre 2 respirations.. c’est imperceptible.. mais quelque part quelque chose est en train de bouger faiblement..

Pourtant, je peux couvrir toute la pièce du regard..

Je me fige pour éviter les bruits parasites.. Du côté du lit superposé.. mais je ne vois aucun signe de mouvement..

Quelqun est peut etre en embuscade sous le lit..

Je me penche doucement et aperçois le sol jusqua la plinthe..
Rien..

Il est forcément en hauteur sur le 2eme couchage..
Je m’approche par l’angle du lit pour éviter un éventuel assaut surprise..
Je sors la hachette de son étui et je me tiens prêt..

Les mouvements ne se sont pas arrêtés..
J’attends le saut, ça ne peut être qu piège.. Le n 123 serait devenu un traquenard pour les arpenteurs..

Et soudain la bête sort sa tête de sous la grosse couverture..
Un peu surprenante, une petite tête curieuse, qui semble sortir d’un long sommeil..

Aucune tête au monde n’aurait pu avoir l’air plus inoffensive que celle là..

Un petit chiot a lequilibre maladroit sur le matelas me regarde.

Il a une grosse tâche noire autour de l’œil droit..

Voilà sûrement un enfant de Fouino.. cestait le signe distinctif qui donnait au petit chien querelleur lair davoir toujours un oeil au beure noir.

Ça veut forcément dire qu ils ont fuit, Ned n’aurait jamais laissé le petit animal..
Le choix de le laisser a 1m90 du sol sur le matelas est plus étrange..
Soit s’était véritablement une cachette soit c’est l’œuvre de Kenneth..

Quoiqu’il en soit j’ai un petit être inoffensif et dépendant en train de me faire fondre le cœur de son œil innocent.

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La petite boule de poil ne peut pas rester là et moi non plus. L’endroit n’est pas sur.. les derniers visiteurs pourraient revenir.

Je vais confectionner une nacelle sur mon sac à dos pour ce petit être maladroit incapable de faire 2m sans s’affaler de tout son poil..

Une petit caissette de croquettes vide, 2 morceaux de couroies prélevés sur me groupe électrogènes et un peut de tissu pour asseoir confortablement le petit roi.

Je ne veux pas seulement le sauver, je crois qu’ils va me sauver un peu.. un compagnon, un qui ne parle pas.. 900gm d’innocence

Elle l’aurait adopté aussi, instantanément..

Cette idée m’accompagne avec te tendresse tout l’après midi.

Je l’emmène sur ma route..
Je reecris le destin de ce petit être et le mien aussi.

Je m’écarte de la route pour éviter de tomber sur des arpenteurs, avec mon petit compagnon pret a couiner a tout moment..

« Il est rare d’en croiser des gens Oggy, mais avec toutes ces traces de campement on va faire attention.. »

Je l’ai appelé Oggy.. je lui parle, déjà.. c’est peut être ça la solitude..

« Comment tu penses qu’on devrait suivre la piste des campeurs pour mieux anticiper? »

« T’as peut être raison mon petit Oggy »

J’avance dans la plaine, bercé par la respiration du petit animal sur ma nuque..
J’attends les moments où il vient coller sa petite truffe humide à mon oreille.. j’y vois un geste de fraternité.

Pour ouvrir un bunker de l’extérieur ou bien forcer ses occupants a fuir, il faut être un groupe d’hommes, et bien préparés.

Le genre de groupe qui laisse forcément des traces.. soit parquils transportent tout le nécessaire à leur survie, soit parcque il doivent trouver ce nécessaire dans la nature..

Parallèlement j’essaye de trouver ce qui aurait pu d’une autre manière pousser Ned à partir.. la folie peut être..

Pour ma propre survie, je prépare un endroit où passer la nuit.
A l’abris des regards, en hauteur pour limiter les rencontres animales..

La semaine dernière j’ai été réveillé par un ours noir en train d’éventrer mes provisions pourtant à labris dans une caisse de stockage..
Bien content qu’il n’est pas éventrer son propriétaire.

Avec les ours noirs il faut faire profil bas.. Avec les bruns qui sont visuellement plus impressionnants il est recommandé de crier et de faire des grands gestes pour les faire fuir. Mais quand on fait ça avec ces petits ours noirs de 200kg, si vouz faites ça, ils vous chargent.. et vous mourrez, invariablement..

Il faut que je penses à rejoindre le prochain bunker, un modèle Beta-6, pour récupérer des bombes au poivre et des munitions.

Ce modèle était très vendu dans tout le pays et en dehors de l’état.
Inspiré des modèles militaires, le préféré des survivalistes, équipé pour survivre et neutraliser qui voudrait vous en empêcher.

Atlantys avait fait son succès sur la peur et la paranoïa.. les prévoyants aussi.. les inquiets.

On est peut etre dans la première crise terrestre ou la loi de la sélection naturelle va fonctionner à l’envers.. ou les survivants seront en grande partie les abrutis du monde d’avant.

Je me souviens de tout, dans les moindres détails, c’est pour ça que j’étais embauché chez Atlantys sécurité.
Je me souviens de la grosse moustache de Bobby, de sa casquette Make Americ Gréât Again. Il était très intéressé par les armes du modèle beta-6.

« On va peut être bientôt revoir Bobby, mon petit Oggy, tu veux voir le gros monsieur qui sent la saucisse » je dis au petit animal interloqué qui me regarde tendre le hamac entre 2 gros chênes..

Je n’ai pas oublié son odeur.. ce genre de personnage ne devrait pas survivre plus d’une semaine à l’état sauvage..

« Pas plus loin que la 1ere rencontre avec un ours noir, hein Oggy »

En réponde un petit gémissement, la naissance d’un aboiement.

Avant de m’endormir avec mon petit compagnon, je mets ma dernière pile dans le lecteur mp3 que m’avait donné Lisa un jour à la plage, alors que l’internet était déjà mort. Il contient 6 titres d’Alex Turner que j’écoute en boucle depuis une durée que j’évalue a 6 mois.. peut être plus.
Ces mélodies me rappelle sa douceur et la poésie de ses gestes.
J’ai un peu envie de faire écouter à oggy. Je m’endors dans un sourire.

On se lève avec les cris des 1er oiseaux, aucun ours n’a fracassé notre réserve de nourriture.

Nous allons reprendre la route tranquillement.

Nous nous offrons le luxe d’avancer au hasard, ou plutôt la ou le chemin nous est agréable..

La vie prend un autre sens déshabillé de ses objectifs économiques..

Cette stratégie se réveille payante, car assez rapidement nous arrivons à un autre campement de surface..

Et plutôt chiadé..
Dans une clairière.. une simple tente adossé à un énorme rocher, il y a un générateur relié à une heolienne en haut d’un pilote.. et un panneau solaire plus loin perché sur un container reconverti en stockage..
Un stockage ouvert et encore une fois un campement sans personne..

Mais dans ce cas, on peut voir qu’il est beaucoup plus récent.. l’eau dans quelques bidons de stockage est encore claire..

« Alors oggy? On les suit? »

Le coquin me répond avec un soupir..

Je ne vois pas de trace de lutte, il n’y a pas l’odeur..
Je suis habitué à trouver les gens terrés dans leur boîte de luxe..
Des gens qui ont payé très cher pour etre enterrés vivants..
Pas des des anquilles..

Que faire, maintenant que le jour descend j’ai envie de m’allonger et partir dans mes pensées.. pour ne faire qune chose.. m offrir un moment où ne penser qu’à elle.

« Oggy que faisons nous? »

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On reste un peu ici avec Oggy..
Je le laisse gambader en liberté en imaginant naïvement qu’il va me flairer quelque chose..

Je plonge mes mains dans la réserve d’eau pour avaler 3 énormes gorgées.
J en verse une gamelle au petit fouineur qui raplique immédiatement dans un petit sprint oscillant de maladresse..

Je fais le tour des installations c’est un beau travail de fortune, même pour Ned ça a pas du être facile..

Je me demande bien d’où il a pu ramener ce panneau solaire..

L’éolienne est plus rustique mais le bougre avait de l’énergie quelque soit la météo..

J’analyse bien le terrain alentour, parfois les occupants se dissimuler dans une cache à l’approche d’arpenteurs.
Ils ressortent une fois le danger passé. Pour peu que le danger ne s’installe pas trop longtemps..

Je réalise quelque chose de très étrange.. je ne vois aucune trace..
Ça veut dire que quelqun les a effacées..
Je crains que Ned et Kenneth n’aient pas pensé à faire ça..

Leur poursuivants peut-être.. Dans ce cas c’est un petit comité, habitué au pistage ou à la chasse. Peut être des gens du coin..

Il vaut mieux que j’ai le plus d’infos possible, des chasseurs sont peut être déjà en train de nous observer.

Je redouble d’attention pendant les fouilles..

Avant d’élargir le périmètre pour détecter d’éventuelles traces de véhicule, plus difficiles à camoufler, je retourne entièrement la tente..

Je trouve une paire de jumelles, un coup de chance..

Je cherche des cheveux noirs et courts.. mais je tombe sur un long fil qui me semble etre un cheveux long et roux..

« Ned aurait trouver de la compagnie mon petit Oggy? »

C’est plutôt improbable dans ce nouveau monde..

Je m’aperçois que je n’ai plus signe de vie du petit Oggy depuis quelques minutes..

Je file dehors sans m’avouer la panique qui m’embrasse..

Je retrouve le petit animal, qui s’est éloigné.. il a bien flairé quelque chose le bougre..

Une magnifique merde.. je le retire de sa trouvaille avant qu’il ne leche plus le petit trésor marron..

Avec le petit explorateur dans les bras je m’aperçois qu’il a réellement fait une trouvaille..

C’est une merde d’homme, à n’en pas douter.. d’un homme qui mange très mal..
Elle n’a pas plus de 2 jours..

Mais un homme qui efface ses traces et ne pense pas à enterrer ses productions .. de plus en plus troublant..

Productions plus que généreuses soit dit en passant..

Je ne suis pas si rassuré, j’aime comprendre, j’aime savoir.. on ne peut pas prévoir les mouvements de ce qu’on ne comprends pas..

Ça ne ressemble pas à des bandits.. trop peu de traces hormis le trésor d’Oggy..

Sûrement des gens du coin.. a moins de 2 jours, dans cette zone inhabitée.. il n’y a qu’une ancienne exploitation de volaille et plus au sud un petit village qui borde la route principale de l’état.
Mais le village est bourré d’arpenteurs à ce que j’en sais..

Je charge le petit molosse et je me dirige vers l’exploitation, en prenant garde d’éviter d’être trop en terrain dégagé.

Je me dis qu’on trouvera peut être de la nourriture ou du matériel.

Le bunker de Bobby est encore loin.
Et avec Oggy on a besoin de se nourrir..

En arrivant sur l’exploitation, je remarque les sols morts, sur les anciennes parcelles ou était cultivé intensivement des céréales..

Des milliers d’hectares, découpés en rectangles d’herbes brûlées et de pousses de blé roussies.

Par endroit il reste quelques plants qui survivent.. peut etre les vainqueurs dune sélection naturelle entre pesticides et sécheresse..

 

Ça doit faire plusieurs années que la ferme n’est plus irriguée.

En s’approchant du centre de l’exploitation je tombe sur des barbelés. Derrière il y a la ferme et un bâtiment qui ressemble à une volière usine..
Les poulets on du subir le même sort que les plans de céréales..

Les quelques parcelles situées derrière les barrières ont l’air mieux entretenues.
Des gens survivent ici..
J’ai probablement trouvé ceux que je cherche.

Je sors les jumelles.. et dans l’ombre des bâtiments rafistolés et sales je crois bien discerner 3 silhouettes, étrangement immobiles.

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Je m’allonge derrière une butte avec Oggy à 300m des bâtiments.
Pas de risque d’être repéré si on s’endort.

On va attendre la nuit..
Ces 3 silhouettes ont quelque choses d’étrange, dans les gestes que je n’arrive pas à reconnaître..

Je regarde l’infini des étoiles avec le petit chien..
Dans le silence de la nuit, on entends quelques volailles qui s agitent en chœur..

J’en profite pour pointer les jumelles vers le bâtiment a un endroit ou brûle une faible lumière..

Ces gens n’ont pas l’électricité..
Ils ont peut être essayé de récupérer le panneau solaire sur le campement..

Il fait très sombre, la lumière orange une lampe à huile peut être, n’éclaire qune seule pièce de la bâtisse..

Je décide d’attendre.. l’un d’eux va peut être finir par passer dans l’encadrement de la porte..

La lumière orange de train fantôme oscille.. Le vent sans doute..
C’est long de planquer..

Je jette un œil un œil à mon petit garde du corps qui s’est mit à ronfler contre ma jambe..

Je regarde les étoiles qui tombent jusqu’à l’horizon avant de replonger mes yeux dans les jumelles, pour retrouver la maison.. et l’ennuie

Mais c’est autre chose qui se passe..
Oggy se réveille en sursaut tant mon corps s est raidit sous le choc..

Je vois tout, sous la lumière orange, dans l’ouverture de la porte..

Ils sont 3!
2 homme et une petite femme plus trappue derrière..

Ils ont vaguement l’air de sortir du moyen âge..

C’est impossible à cette distance mais ils ont vraiment l’air de regarder dans ma direction..

L’un des 2 hommes à l’air gigantesque..

Instinctivement je zoom rapidement sur lui.. il tient un poulet mort par le cou casse de la bête..

Il est énorme et je vois à son visage qu’il n’est pas tout à fait normal.

Ça n’est certainement pas le chef du groupe, plutôt un demeuré à l’énorme gueule obèse..
Un visage d’une violente aphatie ou on a peut de chance de trouver la conscience..qu’on sait instantanément hors de l’humanité

Absorbée par cette vision digne d’un Stephen King, je ne me suis pas aperçu que les 2 autres larons on disparus chacun de leur côté..
Tandis que le géant roux marche lentement dans ma direction..

Ça doit etre une coïncidence..

T’en penses quoi mon petit Oggy..?

J’entre timidement dans le hangar avec mon petit compagnon qui supporte l’allure prudente..

Je fais attention à ne pas faire grincer la porte chargée de rouille..

Le hangar est immense..il devait y avoir des 10zaines de milliers de poulets..quand il y avait encore de quoi les nourrir dans les champs..

Dans le silence de cathédrale résonne sur le bardage métallique de la structure quelques bruits isoles et relativement lointains..

Des bruissement d’aile, des caquetages et ce son étrange dans sa régularité..kriikkss … krikss.. kriss..

En avançant dans la pénombre je me rend compte que 2 poules en libère a côté de leur mangeoire vide me regardent avec espoir..

Oggy renifle les animaux plus assez vifs pour faire un esclandre..

En suivant sa truffe il finit dans un des poulailler.. je le regarde avec tendresse figé devant 3 gros œufs..

Comme si il attendait pour partager le festin..

Je ne résiste pas à lui faire ce plaisir..

Je saisis le 1er.. range les 2 autres

Krikkss.. je casse l’œuf en 2 et lui sert le trésor au bec..

J’aime voir son air.. Un mélange morfal de bonheur et d’affolement..

Je décide d’avancer avec un nouvel optimisme en quête d’autres trésors..

Mais l’impression bizarre que quelque chose échappe à ma conscience..

Je ne sais quoi.. mais j’avance toujours..

Ça y est je comprends..

Trop tard !

Krikss krikss, le bruit je viens de le reconnaître.. Le bruit d’un œuf qu’on brise..

Je ne l’avais pas vu avant dans l’ombre des derniers placards à poule..

Le mastodonte roux, de dos.. en train. De casser des œufs dans un vieux sot.. en pleine nuit..

On a du le réveiller sur la faim..

Ça doit faire le 5eme..

Je me fige..oggy aussi..quand il arrête de casser .. il a du nous entendre..

Non il attrape une grosse louche et la plonge dans le sot..

Et de versé des louches d’œufs crus dans sa gueule offerte au ciel..

Le son de sa déglutition.. est terrifiant..Un dinosaure.

C’est probablement leur seule nourriture.. des litres d’œufs..

Je comprends alors l’aspect douteux de la merde d’homme denichee par Oggy..

Et pour quoi cet homme probablement attardé à céder à une envie pressante sans penser à effacer ses traces..

Les 2 autres larons doivent être plus futés..

Je me retire doucement..mais devant cette consommation de trésor oggy ne peut se contenir..

Et inonde le monstre d’abooiemens aigus pour l’inciter au partage..

C’est foutu..

Le visage apeuré se tourne vers nous dans un sursaut etonament rapide pour quelqun de cette taille..

En comprenant que n’est que nous et pas la mère sans doute.. l’expression se transforme en colère..

Il lâche la louche et sans prendre le temps d essuyer les litres d’œuf qui pensent à son menton énorme il attrape la haché..

Dans un moment de clairvoyance propre aux moments de survie je reconnais la haché.. Un modèle unique celui de Ned..

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Il faut réagir vite..
J’ai peur que le reste de la famille raplique..
Ce géant qui s’approche à l’air complètement idiot mais également terriblement puissant..
Il tient la hache de Ned comme un jouet.. il ne sait probablement pas s’en servir..

Je pourrais en venir à bout avec un coup bien placé, mais dans un monde sans hôpitaux ni pharmacies on évite tout risque inutile..
Tout peut très vite mal tourner..

Et je me dis que je peux raisonner cette créature.. il tient toujours sa soupe d’œufs dans l’autre main..

Leo:
« Salut mon grand, je suis Leo, je suis un ami »

Grolar:
« Je dois dire à maman, personne peut rentrer chez nous, que si maman décide »

Leo:
« Oui c’est normal je vais m’en aller..tu veux m’accompagner à la sortie? » Je lui dis en espérant nous éloigner du danger pour pourvoir le faire parler plus tranquillement.

Mais cette idée semble l’irriter, très rapidement.. son vjsage change.. comme celui dun enfant en proie a ses emotions ..je crois que l’idée de marcher avec moi plutôt que de finir sa soupe est insupportable ..

Grolar:
« T’as qu à te casser ou c’est moi qui vais te casser » Il se met à rire de sa propre tirade, je comprends que c’est une phrase qu’on lui a apprise et qui doit le faire rire à chaque fois qu’il l’a répète..

Le temps joue contre moi..
Je tente quelque chose..

Leo:
« Tu vas finir de manger tes oeufs? »

Grolar:
« Oui c’est qu’à moi, touche mes œufs je te tue en bouillie.. »

Leo:
« Bien sur c’est qu à toi.. et ta maman elle sait que tu manges les œufs là nuit en cachette ? »

Son visage se transforme à nouveau.. je vois la panique qui alterne avec une colère qui hesite à éclater..

La soupe au œufs éclabousse le sol depuis le sot qu’il agite..

C’était peut-être pas la meilleure idée..

’essaye de rattraper le coup

Leo:
« T’inquiète pas..personne dira rien..
Tu peux manger tout les œufs. Tout pour toi »

L’expression sur son gros visage se radoucit.. ses bras et ses jambes sont démesurées..

« Mais pour manger les œufs il faut la louche..Pas la hache »

A ma grande surprise l’énorme masse fait volte face lâche la hache sur le sol pour attraper la louche..
Il recommence à remplir sa gueule de louchées gluantes en nous fixant d’un œil avide..

C’est bien, je me dis intérieurement, il a laché la hache..

J’en profite..
J’aurais peut être le temps de sauter sur l’arme..
J’aurais du prendre mon arc..

Mais je me risque à une autre question .. » c’est une jolie hache ça, tu l’as trouvée où? »

J’attends qu’il reprenne son souffle entre 2 bouchées qui finissent en partie sur le sol.. : c’est la hache l’homme à moustache, la hache qui coupe fort! »

Ça y est c’est sur ils ont eu à faire à Ned.. il est peut être même ici..

Je lui demande : « il est où l’homme à moustache »

La réponse me glace le sang, et au fond ne me surprend pas tant que ça, compte tenu de la famille qui vit ici..

Il me répond par une autre question.. : « Quel morceau ? »

Est il vraiment en train de me parler de Ned, le bonhomme qui me donnait des cours de physique..

Je me sens etourdis par ces 2 mots.. je vacille..

Et c’est à ce moment que Oggy, qui était rester immobile jusque là, décide de prendre une initiative.

Faisant fi de la tension ambiante, il s’avance en quelques foulées joviale vers les restes d’œufs qui tombent du sot et de la gueule de l’ogre roux.

La réaction est immédiate.. Le visage est remplacé par un masque d’effroi et de colère.. devant le chien qui avale le blanc d’œuf collé au sol..

Il lève une de ses grosses jambes pour écraser Oggy sous sa semelle !

Rapide comme une anguille le petit chien produit une esquive roulée pour finir dans mes pattes..

Il fixe maintenant l’ogre comme un loup féroce de 2kilos..

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Je sais pas quoi faire, je bondis sur le sol pour assurer ma prise sur le manche de l’arme..
Je roule en arrière pour avoir l’espace d armer mon coup..

Le gros n’a pas vraiment le temps de réagir..

J’ajuste l’impact d’un petit bond d’escrimeur et je lance mon bras de manière à toucher entre les 2 yeux.

Je frappe avec le côté non tranchant, comme avec marteau.. il survivra probablement ce gros benêt..

Le bruit des os du nez qui se defont me donne la nausée..

En même temps je vois ses yeux s’éteindre dans leurs orbites..

La masse s’écroule sur le sol et rapidement une tâche grenat se forme sous sa chevelure orange..

Agar quelques instants devant cette image qui me rappelle la soupe aux œufs qui coule juste à côté.

Je suis sorti de mes pensées par le petit grognement d’Oggy qui a repris courage une fois l’ennemi au sol..

Je décide de progresser dans le bâtiment, avec de la chance Kenneth à peut être survécu.

Dans la 2eme partie du hangar je découvre un endroit où il a du y avoir des vaches.

Elles ont eu moins se chance que les poulets, ou elle était bcp moins nombreuses.

Elles n’ont pas su affronter la vie sans antibiotiques avec ces 3 tarés dégueulasses..

Plus loin j’arrive dans une porcherie qui d’après l’odeur est encore occupée.

J’avance très prudemment pour évidé un concert de cochons qui réveillerait la famille Adams.

Bien sue c’est à ce moment que le petit sac à puces qui me suit avec de plus en plus d’assurance décide de renverser plusieurs gamelles en inox qui viennent se fracasser sur le sol en béton..

Par chance aucune réponse de la part des porcs..

Il n’y en a peut être plus qun ..et il est peut-être malade..

Je progresse plus tranquillement..

L’odeur se fait plus lourde et j’arrive au fond de l’allée, il y a un dernier boxe .. je m’attends à voir un cochon mort ou pas loin..

L’odeur est indescriptible..

Je me penche timidement au-dessus du portillon..

Ce que je vois me retourne l’estomac et me révolte en même temps.. il n’y a pas de cochon ..

Ni aucun autre animal..

Ce qui est la ..est un homme..

En sale état..

La moustache ne laisse aucun doute..

Je reconnais évidemment ce visage

Ned n’est pas mort, il est là enchaîné à la place d’un cochon..

Dans une flaque de son propre sang et de merde..

Le pire c’est qu’il lui manque une jambe qui semble avoir été désossée.

Ses propos semblent incohérents mais je comprends vite ce qui s’est passé..

Ils ont transformé Ned en réserve de viande..

Ils le gardent vivant pour le conserver..et prélèvent des morceaux..

Je comprends mieux pourquoi l’autre gros m’avait demandé « quel morceau ? »

Je dois le sortir de la..

Mais Kenneth..?

Il m’apprend qu’il a réussi à fuir alors qu’il les retenait..

Il lui a crier de rejoindre Atawalpa un amis à eux..

Il n’est pas du tout sur qu’il y soit parvenu..

Il m’importe de partir à sa recherche.. de le laisser là.. que c’est finit pour lui..

Il est au bout du rouleau..

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Quelque part, j’ai envie de frapper les chaînes de Ned comme un forcené pour qu’elles cèdent..

Mais comme souvent mes émotions restent à distance, ettoufees par quelque chose..
C’est comme ça depuis toujours.. toujours être inadapté..

Pourtant dans certains moments ça peut s’avérer utile, dans ce monde..surtout dans ce monde ça permet d’être un animal..

Alors au lieu de frapper la chaîne.. j’attrape la hache haut sur le manche, et me faufile vers le coeur de la bâtisse pour éliminer le reste du troupeau..

je crois voir dans mon âme, derrière la peur, un sentiment de plaisir, une exitation, un contact grisant avec la nature profonde de toute chose.. une violence primitive..

Je ne vois plus le danger, ni une famille de cannibales à moitié consanguins. A cet instant je suis le danger.

Et j’avance en silence comme une fatalité.. j’arrive dans le dernier bâtiment, une maison qui semble restée 100 ans en arrière, le bois grince sous les pas patients de prédateur..

Je reconnais la cuisine et la puanteur..
Je passe devant des chambres, vides.. je nentends presque rien, le vent qui s’infiltre entre les planches..

3 chambres sont ouvertes..
Ils ne sont pas tous en train de dormir..

Le frère est peut etre déjà en train darpenter les pièces pour chasser les intrus.

Je me plaque contre la porte pour écouter..

J’entends.. et je comprends qu’il se passe tout autre chose..

La mère et le fils.. l’idée m’écœure, je pousse légèrement la porte..
Aucun bruit..
J’observe à travers 1cm dentrebaillement.

Un vieux matelas taché de moisissure est installé directement sur le sol. Dessus la vielle couverture est animée de mouvement équivoque..

J’ai envie de mettre fin à tout ça..
Ça sera facile.

Puis une suite d’image, comme des flash, en saccade, mon bras qui sabbat prolongé par le manche et le petit bloc de métal tranchant.

L’impact sur la couverture, le bruit des eaux qui se brisent, les cages thoraciques qui s’enfoncent.. Le gazouillis du sang dans les voix surprise de terreur.. Le tressaillement des corps cidérés.
Et les cris qui s’éteignent à mesure que je frappe encore et encore sur la masse cachée sous la couverture innondée de sang..

Je reprends mes esprits, un peu choqué de ce que vient de produire ma pensée.
J’ai peur de ce desir, de basculer dans un endroit d’où on ne revient peut etre pas.. en dehors de l’humanité..

Et en même temps je sais que si je pars maintenant j’emmènerai avec moi le regret de la bête..

Je repense a elle, au petit trefle delicat dans ma poche.
Mais je dois rester un homme, pour lui proposer mieux qune bête.

Alors je referme la porte.. je la coince avec une planche solide, et j’attaque la poignée avec un morceau de corde. Et je sors mon briquet tempête.. et prépare plusieurs foyers..

Rapidement les murs sont inondé d’une lumière dansante orange et affamée.

Je file dans la porcherie fracasse la chaîne et charge Ned et Oggy dans une brouette.

Je cours au hasard, droit dans la nuit..
Arrive à bonne distance et m’arrête pour reposer mon corps exténué..

J’admire le spectacle de l’horizon en flamme..
Le bûcher est hypnotique et emporte avec lui les souvenirs de l’horreur.

Je fais boire Ned, il me parle encore de la route à prendre pour retrouver Atawalpa. Je me rends compte que c’est pas loin du tout, et que c’est un drôle de nom pour un amis de Ned..

Je vais m’endormir la.. je prends le risque de m’endormir la..contre un arbre.

On partira demain..

Quand je le réveille, je sens le courbature, jette un œil au squelette noirci de la ferme Adams..

Ned n’est plus pale, il est gris.
C’est pas bon signe..

Je me mets en route vers une coline qu’on voit à 1h de marche..
Son ami vivrait sur ces hauteurs.

Il était investisseur en cryptomonnaie avant de se retirer avant la cission..
Il a ete un des premiers. Forcément avec un métier pareil.

Ned à l’air de l’admirer.

L’heure pour arriver au sanctuaire du dit Atawalpa est interminable..
Même avec une jambe en moins il doit encore faire 80kg..

L’homme est bien au rdv..
La surprise est totale.. l’homme est assis en tailleur sur un tapis d’indien.. il domine la vallée depuis sa copine..
Il est habille entre le chamane indien et le druide.. il a une tête et une peau de cerf sur le dos.. des gris gris autour du coup…
Le style est parfait jusqu’aux mocassins de mohicans..

Il y a un canard à.ses côtés qui semble faire office d’animal de.compagnie..

Un lézard est en train de.rotir sur le feu. Et un narguilé encore fumant derrière lui.

——————-

Je lâche la brouette, en même temps que tous mes muscles congestionnés. Mes jambes me proposent se flageller ou de m’affaler sur le sol..
Je choisis le sol.. je m’abandonne dans ce lieu agréable..

Atawalpa, à choisi de s’installer en haut d’une coline, dans une trouée de la forêt qui la recouvre

On se sent en sécurité à labris des regards et on a une vue sur toute la vallée.. on remarque l’architecture calcinée qui a brûlée cette nuit..

J’ai une petit pensée pour les poulets.. il faudrait les libérer..

Peu à peu je prends conscience du tableau dans lequel je me trouve..

L’homme en tailleur contre l’arbre nous observe en silence sans bouger..

Il s’est simplement mis à carresser la tête du canard qui est venu se réfugier entre ses jambes..

Un petit pivert est sorti de l’arbre pour se poser sur une des cornes du bonhomme..

Je réalise que je suis devant un type qui porte une peau de cerf, avec la tête..

Qui fait ça.. mon cerveau encore en état de burn out à du mal à processer les informations..

Avec ça, le gars a une assurance incroyable.. et il continu à nous regarder avec un calme manifeste..

Il attrape la branche qui embroche le lézard et délicatement il croque directement dans la créature, par la tête, en me regardant avec des yeux intensément fous..

Mal à l’aise je vais m’annoncer, il n’a peut être pas reconnu Ned..

« Je suis Leo, je viens parccqq… »

Il me coupe la parole « je vous attendais » dit il avec in ton un peu théâtral

Comment ça.. il nous attendait..

« Vous avez reconnu votre amis Ned? »

Il hésite en regardant dans la brouette « Bien sur ! C’est Ned.. »

« Oui, il faut faire quelque chose ! Il va crever la, je n’ai plus de médicaments. Vous avez trouvé Kenneth son fils ? »

« Le petit bizarre, oui il est avec willy dans le pré plus bas »

« Posez Ned ici » dit il en désignant un espace devant son tapis.
« Je vais faire un rituel »

Il a besoin d’antibiotiques je me dis.. Pas d’un rituel.
Je m’apprête à protester mais le type me lance un regard de pure mépris. Un gars avec un tel aplomb doit savoir ce qu’il fait..

Ned m’avait parlé d’un investisseur en cryptomonnaie richissime.. Le grand écart est conséquent..

J’hésite mais je lui demande comment il en est arrivé là alors qu’il est en train d’écraser des herbes dans un creuset..

Il paraît ravis de l’occasion et me raconte son histoire :

Atawalpa-

« Dans le monde d’avant j’avais tout, tout le tableau de la réussite américaine. J’ai tout réussi dans ma vie, les voyages, la maison immense dans le plus beau quartier, mon bureau dans la tour la plus haute, une voiture sur laquelle tout le monde se retourne, pareil pour ma femme. Tout ça pour une seule raison, je gagnais énormément d’argent.. j’en dépensais énormément également.
Tu sais combien ça coûte un yatch convenable? 20 millions et 20% de son prix chaque année en frais. »

Il tire un peu sur son narguilé, ça sent clairement la drogue..

Il poursuit tout en riant « Tu sais que des fois on prenait juste le jet pour aller chercher un gâteau d’anniversaire en France ou une bouteille de vin en Italie.. «

Le type aux allures de chamanes rajuste sa posture et son récit par la même occasion.

Jusqu’au jour où tout est parti en couille..
J’ai été un des premiers à comprendre que l’internet était en train de mourir..

D’abord il y a eu de plus en plus de bots et de moins en moins d’humains.. au fur et à mesure que les IA devenaient plus performantes que nous.
Les gens ne s’en rendaient pas compte, mais quand ils allaient sur instagram ou Twitter la plupart des contenus très viraux était des créations de robots, les milliers de commentaires aussi. Tout ce qui donnait le plus envie aux humains de liker, de commenter ou partager était la création d’IA.
Les marchés boursiers..pareil que des robots.. enfin des humains qui utilisaient des robots..

Au bout d’un moment 90% du trafic internet était occupé par des robots.. plus rien n’était vrai.. et devant la qualité des fake image ou vidéo.. Le contenu Web est devenu d’abord très adictif puis un mensonge généralisé que les gens ont finit par abandonner.

Pour la bourse c’est encore différent tous les modèles d’algorithme étaient tellement efficaces que que des milliards de transactions pouvaient etre passées en quelques secondes, tout en échappant au contrôle humain.

Plus personne ne gagnait , excepté le propriétaire de l’algorithme dominant.

Un monopole trop dangereux qui allait entraîner la nouvelle guerre et la cission.

Je l’ai vu avant tout le monde.. je l’ai vu venir..
Quand j’ai compris, dans mon bureau .. j’ai voulu me tuer.

J’ai ouvert la fenêtre du 33em étage de la tour nord du quartier d’affaire.

J’avais tout perdu, toute ma vie tissée avec des dollars..
Mais le pire c’était de réaliser l’absurdité de mon metier.. non seulement son inutilité révélée mais sa nuisance..

J’ai sauté dans le ciel bleu.. j’ai senti l’accélération de mon propre poids.. j’ai pensé à mon corps qui éclate sur le trottoir..

Mais la chute à été bien plus courte que prévue..

En réalité j’ai atterri sur la nacelle des laveurs de carreaux.. Un étage seulement plus bas..

Allongé sur le métal la nacelle, les yeux plongés dans le ciel, j’ai eu une révélation, alors que c’est 2 pigeons me regardaient.

Ils voulaient me dire quelque chose, de partir construire le nouveau monde.. depuis j’ai une tendresse spéciale pour tous les oiseaux
Alors je me suis isolé dans la forêt pour devenir chamane guérisseur..
J’avais des clients, enfin des patients avant que la population s’évapore..
C’est grâce à ça que j’arrive à survivre seul.. j’ai appris, un peu différemment que tous ces survivalistes..

Il tire une autre énorme latte sur le narguilé..la fumée monte jusqu’au feuillage..

L’homme cerf est complètement Stone..
Si j’avais pu, j’aurais googleliser ce type.. pour voir si il vendait pas des formations énergétiques ou si il existait pas une secte de l’homme cerf..

Dur de savoir si il est perché ou si il raconte n’importe quoi pour construire le culte se sa personnalité..

En tout cas il dois manquer de disciples..

Ned est de plus en plus gris.. je lui fais savoir que j’ai apprécié l’histoire et que j’aimerais passer maintenant à la pratique niveau médecine..

J’ai envie de lui demander, pourquoi ce costume.. mais je ne le fais pas..

Je le regarde recouvrir le moignon de Ned d’une pâte verte à consistance de plâtre.. et il lui fait boire une tisane.. j’ai reconnu le pavot pour la douleur et des epines de conifères pour l’infection..

Rien de miraculeux mais le gars sait ce qu’il fait finalement..
Mais d’un seul coup il se met à chanter en faisant des percussions sur une vieille cannette de coca..

Des chants qui sont exactement les sons qu’on pourrait imaginer sortir de la bouche d’un vieil indien pendant une cérémonie..
Je me demande si il invente tout..

Je perds un peu de ma confiance..
Je pars sur le seul sentier qui se dessine dans la clairière pour trouver Kenneth et voir qui est ce willy qu’il aime temps..

Mais j’hésite, est ce qu’il va aimer voir son père dans cet état..

———————————

L’homme cerf commence a chanter plus fort.. je le laisse avec la emversion zombie de Ned..

Je vais retrouver Kenneth dans le pré..
Le gamin n’a aucune réaction.. il me rappelle moi..
J’apprends que le willy qu’il aime tant est un âne.. Ça semble réciproque..

Je lui dis qu’on va aller se promener, évidemment il me répond non, enfin avec un grognement de mécontentement très compréhensible..

Je comprends vite qu’on va devoir partir à 3..

Me voilà reparti sur des chemins inexplorés avec un âne et un enfant handicapé et grognon..

On va laisser plus de traces qun régiment.. alors on évite les voies les plus directes..
On s’enfonce dans les chemins noirs.. Le bunker de Bobby est à 1 journée de marche.
2 avec mon équipe de choc.. même si l’âne porte les sacs sans broncher.

J’espère que le gourou va pas péter un câble en ne trouvant plus willy.

Je regarde le gamin caresser l’animal entre les 2 grandes oreilles qui s’agitent..

Cette image me plonge dans son souvenir..
En moi l’idée de caresse ne concerne plus qu’elle.
Un jour elle est arrivée, comme tombe la foudre. Par surprise, pourtant tout en moi était comme prédestiné à l’accueillir.

J’annonce qu’on va planter la tente.. au fond j’ai besoin d’un moment pour ne penser qu’à elle. La laisser m’envahir..

Demain matin je réfléchirai à la façon d’aborder Bobby. Ça sera pas facile.

Je me souviens de ce gars. Un trumpiste complotiste qui rêvait d’être attaquer par des arabes pour utiliser sa collection d’armes.
Il visitait son bunker les week-end comme on va au camping..
Le survivalisme en théorie, tout en virilité mais avec une vraie surcharge pondérale de texan.
Son visage tirait vers le rouge de sa casquette Maga, make america Gréât Again. C’est mal barré. Il respirait fort..comme un bœuf asthmatique.
Il a choisit le modèle bêta 6 pcq il est bardé d’armes et de systèmes de défense.
Certaines personnes souhaitaient survivre simplement, d’autres voulaient éliminer la concurrence..
Car ils le savaient..on viendrait leur prendre. Les envieux, les jaloux..

C’est dans ces conditions que Bobby va m’accueillir. Avec sa femme qui a du probablement perdre le peu d’esprit qui lui restait après une vie faire de tâches ménagères et de week-end au bunker..

L’âne est docile et l’enfant suit l’âne..
J’ai fauché quelques morceaux de navets pour récompenser Willy sur la route.

On longe un bois, ça fait un détour mais c’est toujours plus simple si on doit se dissimuler en cas d’imprévu..

Je réfléchi à un mode d’action, ce genre de bunker militaire possèdent des système de détection dans un périmètre de 200m autour du bâtiment.

Soit je laisse mes 2 compagnons à la lisière du bois pendant que j’évite ou neutralise certains systèmes.
Il y a des caméras et des détecteurs de mouvement.
La nuit j’ai une chance de le surprendre dans son sommeil.. il est incapable dimaginer que quelqun a les clefs d’un bunker à 900 millions.

Ou alors je tente une technique tout aussi audacieuse qui permettra peut être d’éviter la violence.

Le défaut de la méthode est de nous laisser à la merci d’un disciple de Donald Trump.

Je peux simplement taper à la porte, passer innocemment dans les détecteurs avec mon enfant handicapé et invoqué sa charité chrétienne.

Je sais par expérience que beaucoup des habitants de bunker ont perdu la tête, enfermés, sans internet sans occupation, ça fait pourtant moins de 2 ans..

Mais un esprit substitué par 140 chaînes du câbles, et des réseaux sociaux.. ne peut pas survivre indemne dans me vide.

A certain nous avons vendu des tombes très luxueuses, a ces espèces de pharaons modernes..qui ont investi dans une grande tombe en béton pour le prix d’un yatch.

Je repère le 1er pilone et le 1er arbre ou sont dissimulés 2 caméras thermiques.
Je me mets bien en évidence avec Kenneth.
Je pends l’air affaiblit et désarmé.

A l’heure qu’il est le vieux Bobby doit avoir l’œil halluciné rivé sur son écran.
Il est peut-être en train de prier le christ d’être épargner par arpenteurs qui arrivent ou viser juste quand il va nous cribler de balles.
Il a peut etre déjà pointé une arme dans notre direction.
Sa femme a le profil à virer dingue s’est peut-être mise à taper sur des casseroles de stress..

On est devant la porte..et le silence..mais je sais qu’il est là derrière à attendre qu’on bouge.

« Bonjour la dedans, y aurait il une âme charitable par jésus pour aider mon fils handicapé ? »
Je cherche des médicaments, on peut faire du troc, j’ai du tres bon whisky »

L’idée du whisky me vient comme une intuition.. je sais que le type va apprécier.. il a bien le profil..et ça devient une denrée rare sous terre..

C’est un bon choix..Le type répond. Mais j’entends à sa façon de parler qu’il est extrêmement énervé et sa stabilité mentale déjà affectée..

« Oui bien sur que je veux du whisky.. vous voulez quoi exactement ? »

Je parles d’antibiotiques..

C’est dur de capter l’attention de quelqu’un qu’on ne voit pas..

Le type reste un moment silencieux, c’est pas tres bon, il est en train de cogiter..

Il se demande ce que 2 gars désarmés font seuls à se balader.. et comment on a pu survivre..

Sans tout à fait comprendre il devient méfiant..
Et pourtant on sent qu’il n’a pas parlé à d’autres êtres humains depuis un moment..

Et bien dans ces conditions il nous proprose quelque chose d’inatendu..

« Foutez vous en caleçons et mains sur la tête, je vais vous ouvrir, vous allez rentrer l’un après l’autre, le gamin bizarre d’abord »

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On s’éloigne de la grotte du gros Bobby..
Kenneth est content de retrouver Willy, il commençait a etre agité..

On marche lentement, pour faire croire qu’on rentre chez nous, mais je nous dirige vers un endroit discret dans la forêt en dehors du périmètre de détection du bunker de défense bêta 6.

Maintenant il faut forcer le gros bonhomme à sortir..
Je pourrais déverrouiller la porte principale ou la porte dérobée dissimulée à 100m au nord.
Je pourrais rentrer mais c’est le genre de type à dormir avec une arme..

Les caméras ne facilitent pas la tâche..
Pour ne pas attirer l’attention nous laissons passer 2 nuits.. dont 1 ou nous avons plus rien à manger..
Kenneth à avaler ma dernière conserve de pêche au sirop..

Ensuite je vais détruire 2 caméras en évitant bien de passer dans leur champ de vision.

Le gros pensera que c’est Un problème technique en observant aucune attaque.

Les 2 caméras que je choisis sont celles qui ont vu sur l’entrée dérobée du bunker. C’est en réalité plus une issue d’urgence pour les occupants plus qu’une entrée.

En l’occurrence l’option qu’il ont paye le prix fort pour les sauver va leur poser problème ce soir.

C’est le défaut de leur installation seulement 2 caméras sur la 2eme sortie, et assez passablement dissimulées ..

Apres 3h a patienter derrière un buisson, je constate que le gros ne prend pas le risque ou la peine de sortir pour constater la panne.

Je peux passer à la phase 2 du plan, ouvrir la porte, le plus simplement du monde. En rentrant le code. Je les ai tous dans un carnet.. mais le sien comme bcp d’autre, je m’en souviens..
La petite trappe à même le sol s’ouvre derrière la pierre qui la dissimulé.

A ce moment je sais que le gros va etre averti et que ça va etre la panique.

Alors je bloque le mécanisme à verrin avec un morceau de bois et des pierres que j’ai ramasse au préalable.

Au bout de 10 sec la porte de 500kg est programmée pour se refermer automatiquement.

Alors le mécanisme va broyer mes pierres et le bois dans le tenant du mécanisme.. la porte ne pourra normalement pas se refermer complétement..

Je fais le plus vite possible..!

Le bruit du verrin à déjà du alerter Bobby et sa femme.
Les pierres explosent sous la pression et d’incruste dans fermeture..

Le verrin qui actionne la porte bégaye et par accoup se referme en 3 temps jusqu’à laisser un entebaillement très étroit..

Le mécanisme est plus efficace que ce que je pensais, j’aurais du prendre le temps de trouver une pièce de métal..

Mais la gueule du bunker est suffisamment ouverte pour se faufiler en rempant..

J’ai plus qu’à attendre, je me place derrière la trappe ronde bloquée ouverte à 20degrés.. il ne pourra pas me voir venir à moins que Bobby se transforme en serpent..

J’attends..
J’attrape une belle pierre ronde pour offrir à Bobby sans lui perforer le crâne..

1h.. 2h.. il doit être terrifié de devoir faire la guerre en vrai..

Soudain un bruit .. j’entends son souffle .. il essaie de faire sortir un petit miroir pour observer les angles morts alentour..
Mais il s’y prend mal dans la panique ,il le fait tomber et il se brise..

J’entends alors la voix de sa femme tarée « sept ans de malheur »

J’entends le.gros grincer des dents

Alors à ma surprise ce salop envoie sa femme.. Ça pourrait ruiner mon plan si il sait avec certitude que quelqun l’attend..

Elle passe facilement par lentrebaillement avec son corps sqelettique..

J’ai pas le cœur à lui enpierrer le crâne..
La bonne femme sort.. échange un regard.. ou je ne vois aucune surprise .. uniquement le vide..
Et médusé je la regarde s’éloigner vers la forêt comme si de rien était

En silence sans répondre au bombardement de questions de son gros mari..

Il doit la regarder s’éloigner sa femme folle, décontenancé..

Sans le savoir la bonne femme en peignoir à joué en ma faveur ..
Le gros doit maintenant penser qu’il n’y a aucun guet appens..

Il prend son courage à deux main.. je l’entends grimper au barreaux de l’échelle, il essaye de détecter le dysfonctionnement den bas un Long moment mais cest impossible.
Il aurait fallu quil actionne lui même l’ouverture totale de la porte puis quil sorte a la surface pour nettoyé les dégâts..
Mais avec le stress ou avec sa bêtise il n’y pense pas et enfin commence a se faufiler dans lentrebaillement..

Et la le sort s’acharne..Le voit la casquette Maga rouge sortir.. Un Bras, 2 bras et.. Un cri étranglé..!

Le bonhomme ne passe pas dans l’ouverture, il force et se retrouve coincé comme un spéléologue obèse..

Je ne peux m’empêche de sourire.. je contourne la trappe et me présente à lui.. je vois la peur dans ses yeux de lâche qui vient de sacrifier sa femme.. il comprend. Il voit le gris galet dans ma main..

Il implore ma pitié.. il veut nous aider maintenant..

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Pour etre sur et éviter de faire sauter une boîte crânienne je prends le temps d’arnacher willy et je saucissonne les bras du gros bonhomme qui est réfugier dans le silence.

Je crois qu’il s’est fait dessus..

Je fais démarrer l’âne doucement mais il semble avoir compris la manœuvre et démarre comme un cheval du tiercé. J’entends un craquement dans les épaules de Bobby qui se déboitent..

Le corps innerte du bonhomme est traîné sur 2 mètres.. comme une poupée de chiffon..

On sous-estime la puissance d’un animal de 200kg..

Pour etre tranquille je fini d’attacher la poupée ventrue et inerte avec le reste de la corde.

Et je me faufile comme un serpent vers le centre de la terre à la recherche de trésors..

Je connais par cœur l’agencement du bunker.. je commence par la cuisine et récupère des rations de survie et des pailles pour filtrer l’eau.

Dans la réserve d’arme je récupère une arme 2 poing avec 3 chargeurs et 2 grenades. Je ne pourrai pas charrier plus.. il me faudrait un véhicule..

Je réalise que willy la mule serait bien utile.. on a pas besoin de le recharger en essence.. il broute..

J’imagine 1sec ne pas le ramener à Atawalpa mais je dois récupérer Oggy..

Je prend dans la pharmacie plus que nécessaire.. des antibiotiques et de quoi recoudre la chair.

Je laisse tout le reste, j’actionne l’ouverture de la porte pour la réparer et je refermerai en partant.

Je regarde avant de sortir les traces de la vie d enferment.. la saleté.. Le drapeau américain.. les impact de balles sur une cible improvisée..

Je ressors avec plus de facilité que le gros

A la surface j’appelle kenneth qui sort de sa cachette.

Il temps de revenir voir Ned.

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J’ai bien changé les codes d’accès..
Aujourd’hui Bobby est le 1er prisonnier de l’histoire à avoir financer sa cellule..
Tout compte fait sa femme est peut etre mieux à parler aux oiseaux et à câliner les arbres qu’avec ce supo de Trump..

Je crains un peu pour sa survie à long terme malgré tout..

Pour le trajet retour nous prenons un autre chemin.. sans détour.

Plus besoin d’éviter les systèmes de détection de Bobby..

La route est plus pratiquable, c’était d’ailleurs une vraie route à l’époque où on croisait encore des véhicules..
Ni l’odeur ni me bruit ne me manquent.

Nous traversons la banlieue d’une ville, des barres d’immeubles pas seulement usées par les intempéries, mais par des attaques..

Tout est désert et silencieux.. quelques croassements de piafs noirs viennent remplir le silence.

Je suis absent dans mes pensées, bercés par des souvenirs de vie dans les tours en bétons, du monde avec du monde.. bercé aussi par le son en rythme des sabots de willy sur l’asphalte..

Mais à force de l’écouter.. je perçois quelque chose.. ou l’absence de quelque chose..
Je nentends pas l’enfant..
Je sais qu’en me retournant je vais voir qu’il n’est plus là..

Je panique d’abord.. mais si il m’a faussé compagnie c’est tres récent.
J’entends encore ces sons étranges qu’il adressait à l’âne.

Je rebrousse chemin, j’appelle.. je crie ensuite.. évidement..il ne répond pas. Si j’étais un âne peut etre..

Je me mets à fouiller tous les bâtiments.. c’est long, il faut faire attention avec l’usure.. tout peut tomber en ruine.. on peut vite se retrouver blessé..

Je me demande ce qui a pris Kenneth..
Je passe les pièces les hall.. les escaliers les toits.. certains à plus de 6 étages..
Je découvre des scènes figées dans le passé.. Un musée des intimités..

Au bout d’une heure, alors que je vais perdre espoir, une nouvelle scène.. mais cette fois ci avec un vivant..

L’enfant est assis dans une ancienne chambre..a regarder dans le vague.. il a ramassé un nounours..

Le gamin a du reconnaître l’endroit, cette pièce a du être sa chambre, en filant il a peut etre voulu revoir l’ancien monde.. la vie plus simple sans imprévus.. les garçons comme kenneth supportent mal le chaos..

Je décide de le laisser tranquille un moment et poursuit mon exploration pour confirmer quelques doutes que j’ai eu en traversant le bâtiment..

Un réchaud, 3 sacs de couchages roules dans un coin.. Un bougie avec de la cire fraîchement coulée..

Des arpenteurs campent ici.. coïncidence malheureuse..

Ça veut dire qu’ils peuvent débarquer à tout moment..

Il vaudrait mieux les éviter..
Si on part maintenant on a une chance de les croiser sur la route.. Un terrain trop dégagé si ils sont armés..
Si on se cache il faut rester discrets et attendre qu’ils levent le camp..

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Je regarde par la fenêtre, pas de mouvement apparent..
Il faut filer vite..
Il faudrait s’éloigner de la route.. mais malgré tout la géographie ne permet pas de bien se dissimuler..

On prend la route on va plus vite..
1 chance sur 2 de croiser des arpenteurs ..
On va s’éloigner.. tant pis si on est ralentis..
L’âne et l’enfant laisse beaucoup de traces … Ça me rend parano..
Je sais trop bien de quoi on est capable quand on veut survivre..

J’aurais du fouiller leur affaires.. essayer de découvrir qui ils sont.

J’ai oublié certaines de mes règlements depuis que je voyage avec cette étrange meute..

Je tape un peu sur les fesses de willy quand kenneth regarde ailleurs..

Je ne me dirige pas directement vers le camps Atawalpa, j’attends de voir si on est suivi..

Le pire serait d’être assailli pendant la nuit ou par surprise.

Sur la terre sèche je remarque qu’on laisse un nuage de poussière.. surtout avec un âne de 200kg..

Une idée me frappe subitement ! Si les arpenteurs le voient.. ils ne verront pas un âne.. mais 200kg de viande..

La plupart des arpenteurs ceux qui vivent en surfaces, sont les vainqueurs d’une nouvelle sélection naturelle qui a commencée après le black-out..

Il y avait ceux qui étaient préparés, et ceux qui étaient prêts à se servir quoiqu’il en coûte..

Des micro sociétés semblent s’être improvisées..
Les groupes comme les gitans étaient déjà un peu plus adaptés..

Aujourd’hui on se méfie de tout le monde..
Investir dans l’auto suffisance seulement est une idée trop optimiste. Dans un monde sans lois il faut être son propre justicier.

Après 1 journée je vais recuper le bonne itinéraire pour rejoindre Atawalpa et le petit Oggy qui le manque un peu..

Je regarde une dernière fois vers la route.. à contre jour je vois ce qui pourrait être un nuage de poussière soulevé par 3 silhouettes..

Je suis sur qu’ils savent.. on ne peut pas le voir d’ici mais je suis persuadé qu’ils avancent dans notre direction..

Je prends les jumelles et je m’appuie sur le dos de Willy pour me stabiliser.

Je les vois à peu près bien, 3 hommes je dirais, ils sont chargés avec leurs sacs, ils ne comptent pas revenir sur leurs pas..

Ils n’ont pas pu rater nos traces..
Je crois voir qu’ils sont armés, j’imagine peut-être.. mais ils ont l’air de vrai chasseurs.

Avec un enfant et un âne.. ils vont finir par nous rattraper..

Je ne peux pas impliquer Atawalpa, il n’a l’air d’être adapté pour la guerre.

Je pourrai laisser notre matériel et des vivres..
Mais c’est un aveux de faiblesses, ils pourraient tout prendre et venir chercher le reste. Certains arpenteurs mangent les humains ou les prennent comme esclaves.

L’avantage avec les pièges c’est qu’on punie que ceux qui s’y avancent..

J’entreprends de poser notre camp, d’après mes estimations ils seront sur nous cette nuit.

Je prends bien soin d’agir comme si je ne me savais pas suivi.

Je rassemble les affaires, j’attache l’âne de manière à ce qu’il puisse s’enfuir si il panique.

Je met le camp à couvert de petit massif rocheux. Ils devront le dépasser pour nous avoir en visuel.

Je fais un feu, ils verront nettement la lumière du feu au milieu de la nuit.. ils se penseront avantager.

Si ils sont les vieux chasseurs que je pense il va falloir les duper. Et on a aucune chance dans un affrontement contre 3 hommes armes au milieu de rien.

Je me sens comme le chien des prairie que je vois passer avec affolement.. une proie.. dont le destin peut prendre fin cette nuit dans le.grand cycle de la nature..

Je dispose notre caisse en évidence derrière le massif rocheux pour qu’ils la voient en premier..
J’attrape les 2 grenades de Bobby, je les règles sur 1sec, des grandes offensives à fragmentations capable de déchiqueter plusieurs hommes dans une périmètre de 7m.
Je crée un 1er piège évident et grossier devant la caisse. Ils le verront immédiatement, et ils auront l’information que le contenu de la caisse est important.. alors qu elle ne contient que le 2eme piège.. quand ils ouvriront la caisse ils entraîneront un fil attaché à la goupille ils recevront le souffle et les centaines de fragment d’acier projetés à 300km..

Autour du feu je dispose les sacs de couchage que je fourre pour simuler nos présences endormies..

Je me posterai plus loin dans la pénombre où la lumière du feu commence à faiblir..
J’aurai une position de tir avec le pistolet automatique de Bobby.

Je laisse kenneth près de willy.. je suppose qu’ils nabattaient pas un gamin. Et qui plus est ils ne se sentiront pas trop en danger en voyant un enfant autiste et un mulet..

L’attente est longue dans la nuit je ne voit pas la progression des chasseurs.. Pas de torches.. Pas de bruits..

La lutte contre la fatigue est compliquée. Même le feu faiblit
.
Jai sans doute rêve, ils ne nous suivaient pas.. ou ils ont changé d’avis..
Je finis de me rassurer en voyant sur le début su jour va bientot arriver. Les étoiles sont moins visibles..

Mais soudain une explosion. Non 2 a la chaîne, les 2 grenades on explosé..

Puis des cris de colère, qui viennent de 2 directions.. Le trio devait se déplacer en formation militaire pour nous encercler, ne nous laisser aucune chance, de part et d’autre du gros rocher!
Jaurai du y penser.
J’ai peur pour kenneth.. il y en a forcément un qui va arriver de mon côté.. je dois réagir vite, ils vont vite comprendre en voyant les sacs de couchage rester immobiles..

Coup de chance Willy panique et s’enfonce dans la nuit avec Kenneth dont j’entends le cri strident s’éloigner..

Le cri pour celui qui l’entend pour la 1ere fois en pleine nuit peut être très perturbant..

J’imagine que ça doit ralentir leurs décisions..

Je ne comprends pas pourquoi ils n’arrivent pas..

J’ai envie d’avancer, mais je dois attendre sans me révéler, c’est le stress qui parle..

Il fait jour et toujours, rien à un moment il va falloir boire, manger.. je ne vois personne, je regarde tout autour de moi, à 360 pour vérifier ne pas avoir été contourné, j’ai comme abris un simple fourré.

Je suis près à craquer quand j’entends une voix

« Hé la, on peut discuter «

Je comprends ce qui c’est passé.. ils ont du faire une erreur , un à du exploser avec la grenade, mais l’autre à du être touché aussi, par un fragemt, il n’a peut être pas respecter la distance formation en pleine nuit..
Alors le 3em doit avoir un blessé sur les bras et il ne sait pas que je suis seul.

Je réponds un mensonge bien venu « Faut que j’en parle avec mes gars »
« Qu est ce que tu veux » je rajoute

Il répond intelligemment, » on sait tout les 2 pourquoi je suis la »
Une réponse qui me confirme son expérience..

Il me propose un pacte de non agression, on dépose les armes et chacun repart de son côté.

Je lui crie « Vas y pars d’abord, je ferai rien »

Il me répond « tu sais bien que je peux pas accepter »

Je bluff « je sais que tu as un blessé, et c’est vous qui nous suivez depuis hier! »

Il répond encore intelligemment « si vous n’avez pas attaqué, c’est que toi aussi t’es seul! »

————————

Je veux montrer ma bonne volonté, j’envoie une trousse de 1er secours, par dessus le rocher qui nous sépare.. il y a de quoi stopper des hémorragies, suturer, désinfecter..

Le matériel médical fiable est rare par ici..

Et je lui demande de partir..

Il me repond: « C’est très malin mais c’est peut être une technique pour nous endormir et mieux nous abattre.. » « et puis de toute façon je ne peux pas transporter Donald tout seul dans son état.. «

J’entends gémir.. je crois qu’il a commencé à s’occuper des blessure de son amis..

Bien sur qu’il allait répondre ça..
Je suis bien avancé..

Il rajoute: « si vous nous laissez votre mule.. je pourrai l’amener en lieu sur .. dans son état il ne pourra plus voyager ou.etre utile à quoi que ce soit… je ne sais même pas si je peux trouver un groupe suffisamment stable pour prendre en.charge un infirme.. il est déjà peut être condamné de toute les manières.. «

Qui accepterait un inconnu, une bouche à nourrir, qui n’est utile à rien..
Il doit etre salement amoché pour dire ça..

Je vais le prendre à son propre jeu.. je bluff..: »Tu n’as qu’à l’abandonner de suite et partir »

Il me surprend encore par l’honnêteté de sa réponse..: je suis avec Donald depuis le début.. après ça je n’aurai plus rien.. je n’arrive pas à le faire.., juste j’y arrive pas »
« Il m’a même proposé de couvrir ma fuite avec le dernier bras qui lui reste »

Oui il est complètement amoché.. c’était des vraies grenades de l’armée américaine qu’il y avait chez Bobby..

Le gars est desarmant de sincérité, il a accepté le sort et ce nouveau monde.. c’est troublant de partager cette forme d’intimité avec quelqu’un qui s’apprêtait probablement à vous trucider.. Ça aussi il l’a bien accepter.

J’ai le sentiment que nous avons basculer vers autre chose.. Ça n’est sûrement pas une technique pour me manipuler.

Je ne vais pas lui laisser Willy, mais je lui propose de ramener lui et Donald avec nous à condition qu’ils se rendent et déposent toutes leurs armes..

Je pourrais conclure en lui disant de sortir les mains en l’air mais je crains un autre refus . Alors je décide de faire le 1er pas et d aller à leur rencontre avec lâne pour démontrer ma bonne foi..

Je m’annonce: si t’es OK je vais m’avancer avec mon âne, et je veux te voir les mains en évidence et avec tes armes à bonne distance «

Bien sur qu’il est d’accord..
Ce qu’il ne.sait pas c’est que j’avancerai a masqué des genoux au épaules par l’animal.. en plus de m’offrir une protection en dernier recours je pourrais tenir mon revolver à la main en toute discrétion.

« C’est bon je suis prêt » me crie t il
« Moi c’est Joe et toi »

Je répond leo avec un volume de voix qui n’exige plus de crier en arrivant à leur niveau.

Le tableau est évident, conforme à.mes prévisions.. mais en pire..
Toute la posture du corps de Joe, un solide barbu au crâne rasé, indique qu’il a bandonné.
Assis en tailleur à côté du corps de son amis Donald..
Il lui manque un bout de jambe, un avant bras ne tient plus que par un lambeau de chair et de tissu..des éclats on entamé son abdomen sous l’auréole grenat de sa veste..

Joe s’affaire à bander les zones à vif.. étonnamment le gars a gardé conscience, il a l’air de s’accrocher à quelque chose..

Je ramasse ses armes, le fais se déshabiller pour éviter qu’il cache quelques surprises…
Je charge le fusil de chasse sur mon dos..et range l’arme de poing de Donald dans mon sac..
Avec ça ils auraient pu facilement nous abattre..

Il charge Donald sur la mule, il prend la même couleur grise que Ned.. il a perdu trop de sang..
Je fais marcher Joe 3 pas devant nous en guidant Willy, de sorte à toujours l’avoir en vue..

Kenneth, reste derrière en hochant la tête comme ces jouets avec la tête montée sur ressort..
J’ai peur d’avoir cassé Kenneth en lui montrant cet homme démembré ..
Mais finalement je crois plutôt que c’est le fait de voir quelqu’un sur son âne..

La route est longue.. je rechigne à les amener chez Atawalpa.. mais il n’y a pas d’autres bunkers disponibles à proximité et nous manquons de ressources..

Et il a besoin des même antibiotiques que Ned.. on verra ce qu’on fait deux plus tard..

Sur ne chemin il me raconte sa vie..
Il était comptable..Donald était son kiné.. il a rapidement perdu son travail et des les premiers signes de la cission il a quitté le monde numérique. ils parlaient souvent du monde d’après sur la table de massage, de la politique, des complots, de l’avenir..

Il n’a jamais eu les moyens d’investir dans un abris.. mais avec Donald ils faisaient régulièrement des stages de survivalisme..

Ils avaient les bases pour passer les 1er temps dans le monde d’après. Ensuite ce monde leur a appris à redevenir vraiment primitifs, des animaux en quelque sorte..

3 compagnons nomades, qui jusque-là avaient réussi à.sen sortir.. en étant discrets, ou opportunistes parfois.. quitte à se salir les mains..
Mais quand on voit trop horreurs les crimes deviennent acceptables.

A 3 on ne peut s’établir nul part, ça n’est pas suffisant pour produire en autonomie et se.defendre des groupes plus importants..

Mais ils sont rares à ce qu’on dit..

Joe évoque rapidement l un d’eux, des psychopathes à la gueule noire.. qui préemptent toutes les ressources avec tous les pouvoirs, des véhicules. Des compétences diverses, une petite société improvisée autour du fantasme su pouvoir total et des désirs qui ne trouvent pas de limites..

Il ne s’étend pas sur le sujet, comme si il préférait oublier certaines images..

J’ai eu mal à penser qu’on était sur le point de s’entretuer quelques heures plus tôt..

Enfin nous retrouvont Oggy qui bondit comme un diable enjoué..
Atawalpa..découvre mon chargement supplémentaire..
J’attends sa protestation.. mais il réagit avec un calme et une sagesse surjouée.. et je décele un certain plaisir à trouver un auditoire plus large pour dispenser sa vertu comme un néo gourou..

J’enferme routes les armes dans une caisse cadenassée et nous passons une soirée agréable.
Les 2 blessés sont installés prêt du feu et reçoivent les mêmes traitements.. il n’y a plus qu’à attendre..

Je vais me bientôt me coucher avec mon arme sous le coude.. mais juste avant je fais quelque pas pour aller faire mes besoins.. et j’aperçois furtivement entre 2 arbres qui m’offrent une ligne de vue sur Joe et j’ai le cœur qui se barricade ..
Je le vois ajuster et cacher sous sa ceinture une longue lame de poignard étincelante qui m’envoie un reflet froid dans la nuit..

————

Je ne peux pas croire ce que je vois.. il a gardé un poignard.. mais pourquoi.. après ce qu’on a partagé..
Je suis sur quil n’a pas fait semblant.
Je dois sanctionner.. je sens la rage qui monte, je veux lui fracasser le crâne, ce traître, ce maniganceur..

Je m’arrête à 2 mètres de sa paillasse.. je me calme.. j’imagine les autres explications que la colère recouvre..
Il veut peut être se défendre des animaux.. tailler du bois ou refaire les bandages de Donald..

J’y pense mais, je suis sur sa paillasse, la pierre est dans ma main, le coup est déjà tombé..

Les yeux de lendormi se sont ouverts dans un bruit sourd..
Directement dans l’inconscience, figés dans le vide. Comme si j’avais interrompu un rêve pour l’enfer.
Donald pourtant gris comme la nuit vient d’assister à la scène..
Il m’envoie la seule chose dont il est capable.. Un regard de haine..
Sa poitrine se souleve avec sacades.. il souffle la vengeance..paralysé, immobile, à part ses yeux qui roulent vers moi..

L’intensité du regard de ce démembré m’effraie, je lui en veux pour ça.. Un 2eme coup tombe.. Un dernier râle s’éteint dans le silence de la nuit..

Je commence à faire les affaires.. nous devons partir..

Je convie le gourou cerf.. dont on a souillé le sanctuaire et qui semble content d’avoir trouvé si ce n’est des disciples, des compagnons avec qui on peut dormir tranquille..

Il était en train de bouffer un lézard la 1ere fois que je l’ai vu.

On est maintenant, 4, avec un enfant attardé, un cul de jate et un gourou chamane.. plus un âne et un chien..

On a vu plus efficace pour survivre en monde hostile..

Je dois les amener dans labris de grande taille plus proche..

Je me souviens de ce type dans le New Hampton qui a investi dans un modèle se luxe pour toute sa famille.. Bernard Henry Khan qui a fait fortune dans les fonds d’investissement et la cryptomonnaie..

Je me dis qu ils ne voudront jamais partager.. même si ça femme au lèvres gonflées militait dans toutes les assos caritatives de l’état..

Alors je me dis que c’est ce genre de type qui nous a mené la ou on est.. ceux qui en voulaient toujours plus. C’est toujours eux.. ceux  qui en ont jamais assez, ceux  qui donnent la pièce pour consommer votre reconnaissance en pensant que c’est de la générosité..

Les ia au départs étaient régulés, alignées avec le bien commun..
Mais tellement puissantes. Ce genre de type avec le pouvoir des dieux entre les mains.. habitués à avoir plus que les autres..

Ils n’ont pas su s’en contenter..
Pour faite mieux que l’autre, pour prendre l’avantage ils ont fait sauter les verrous dans le code de ses machines, moins de sécurités c’est plus d’efficacité, plus de puissance.

Les chinois, les russes, les états unis, les investisseurs ils ont tout risqué. Malgré les alertes.

Ça aurait pu être le paradis de Gaiia comme à la fin de fondation.
Aujourd’hui ces connards vivent l’apocalypse sous terre..

Privé de la connaisse la plus basique comme faire du feu ou survivre plus de 3jours dans la nature..

Je pense à ce passage de la bible.. Le premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers..

Même si l’entreprise avec laquelle nous avons massivement produit des dispositif de survie pour les nantis change un peu la donne.

Il est peut être l’heure de ré équilibrer les comptes..

Nous traversons une ville déserte, la route cesr plus facile pour pousser une brouette. Et les nombreux bâtiments permettent de se dissimuler un peu pendant les nombreuses pauses que je dois faire.

Je marche avec ma troupe étrange a travers les ruines..
Ils pensent que je marche vers le même espoir.. vers la sécurité,ils pensent que je les sauve..
Pour moi tout pourrait bien finir si je ne la cherchais pas.
En réalité il n’y a qune chose dans ce monde qui anime encore mes pas.
En réalité c’est peut-être eux qui me sauvent.. avec leur envie de vivre..

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On s’installe dans le grenier dune vieille maison qui n’attire pas l’attention..
Facile à surveiller, difficile à repérer, toujours.. je préfères les hauteurs, peut-être un instinct d’ancien prédateur.. les proies préfèrent les possibilités de fuite qu offrent un terrier aux multiples galeries..

Je les regarde s’installer, ils ne s’inquiètent pas vraiment, ils en ont pas l’air.. ils ont confiance.

J’ai envie de leur dire qu’il font confiance à un mec qui n’a que le but de trouver un tresor personnel, qui n’aura pour eux peut etre aucun sens.

Peut être qu’ils auront moins confiance après ça.. il me prendront pour le fou que je suis.
ou peut être pas..ils auront plus confiance..dans un monde sans loi, une personne qui abandonné son destin à son cœur, de manière si irrationnelle et totale, c’est peut être le meilleur compagnon possible au final..
Avec qui etre en paix..

Je leur raconte.. simplement l’idée de le faire, fait monter une émotion, je sens que ça va etre difficile, mais tous les yeux se sont tourné à travers la flamme de la petite lampe improvisée..

« Avez vous connu quelqun dont simple présence vous parle, dont le contact du corps fait revenir votre âme..? »

C’est très abstrait pour tout le monde.. sauf pour Atawalpa dont j’observe les yeux briller d’une nouvelle lueur..

Alors je raconte tout comme une histoire.. sans essayer d’expliquer les choses insensées qui s’agitent à l’intérieur, les sentiments..

Le jour ou elle est arrivée au bureau.. puis tous les jours qui ont suivi, réécrivant irrémédiablement le destin..
Par les hasards, les coups du sorts, la découverte de cette beauté pure..

La surprise devant la possibilité d’être touché si profondément par un autre etre humain.. comme si il vous connaissais depuis toujours..

Il faudrait que je raconte le reste de ma vie pour qu’ils comprennent ce que ça a d’exceptionnel.

Je ne leur dis pas que je les abandonnerais pour la retrouver, juste que c’est elle qui me donne la force de continuer..

Je leur dis ses petites mains en porcelaine, la beauté toute simple..
La culpabilité des gens trop honnêtes..

Je crois qu’ils ne me trouvent pas fou, je crois que c’est rassurant quand il ne reste rien de se raccrocher à un rêve humain.. qui est au-delà de la survie. Fusse t il celui de quelqun d’autre..

Ils ne posent pas de questions.. comme des enfants attendant d’être bordés qui nont pas du tout cru à la réalité de l’histoire qu’ont vient de leur compter..mais qui en ont tiré tout le fantasme gourmand..

Qui croirait que je pourrais la retrouver.. aujourd’hui, après tout ce temps.. d’où vient cette confiance, pas dune folie.. mais de ce que je lis la nuit en regardant le ciel, une prophétie des étoiles, quelque chose de plus grand que les préoccupations humaines.

Ils vont dormir.. j’ai l’impression d’avoir pris la place du gourou du type en fourrure..

J’envoie kenneth et l’assistant gourou, à la recherche de quelques pièces pour bricoler une cariole..
Je leur dis bien de rester dans cette rue, je leur indique un ancien garage que je peux garder à vue.

J’en profite pour parler à Ned, il reprend un peu des forces, mais quelque chose semble cassé dans son esprit.. quelque chose de vaincu..
Sa vie à celui là, il l’avait consacré à s’occuper du petit kenneth.. au point de s’être ignorer..
Aujoud’hui qu’il n en est plus capable il reste un vide.. et un monde tout aussi vide pour me remplir.. il trouvera..
Il faudrait lui faire une prothèse ou lui trouver une béquille à ce pirate de Ned..
Ça ira mieux en étant debout, plutôt que d’être balader comme un poids mort..

Je ne dors, je pense trop à ce que je peux faire avec les pièces que m’ont rapportées les 2 explorateurs.. je ne sais pas attendre et dormir en même temps

A rdc se la maison pour pas faire de bruit, je fabrique mon idée.. j’essaye de faire une cariole pas un brancard roulant ou Ned sera allongé comme un mourant.

« Je crois que j’y suis arrivé  » je dis en regardant Willy attaché dans l’ancienne cuisine dont un mur manquant laisse apercevoir la rue..

Quand le jour ce lève, je suis pressé de montrer ma trouvaille à l’assemblée..

Je vois surtout de la surprise dans les regards..

J’ai moi même envie de rire en voyant Ned assis dans son petit char montes sur 2 roues de velib.
Il ressemble beaucoup trop à un jockey moustachu qui va prendre le départ d’une course avec un âne..

Je sens que Kenneth apprécie l’image..
Nous allons repartir.. avec un char à mule, un homme cerf poussant un caddie de sdf.. et moi avec Oggy..

Joli tableau pas du tout intimidant pour les diverses rencontres..

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On prend la route, le char de Ned et le caddie d’Atawalpa roulent bien.

On progresse dans les ruines.. les immeubles hauts commence à pencher dangereusement.. l’humidité a rongé leur squelette rapidement. La terre soulève déjà le sol faisant éclater l’asphalte..

J’ai l’impression qu’il faut sortir de la, chaque immeuble, chaque sous terrain, tous les recoins renferme l’ombre.. qui sait ce qu’il y a dedans qui attends..

Ça fait plusieurs fois qu’on passe de ces inscriptions peintes sur les murs..

Bienvenue au sanctuaire..

J’ai pas vraiment confiance.. c’est trop facile peut être..

Mais ça plaît à Atawalpa.. peut être pour l’aspect spirituel.. il se voit déjà assis en tailleur sur une coline avec une petit foule qui écoute sa sagesse..

Pendant il trajet il dit des phrases comme, « il n’y a pas de hasard, que des rdv »

La phrase me dérange pas, mais il l’utilise comme ça l’arrange..

Je crois qu’il voit que je suis agacé.. Le malin me parle de Lisa.. il glisse en moi l’idée qu’on pourrait bien la trouver ou trouver des indices la bas..

Et malgré tout, une part de moi veut le croire..

Je repense a sa présence.
Il ny a pas plus grande joie que d’être avec quelqun qui voit le monde avec les même yeux que vous.. c’est comme apprendre qu’on est pas fou..

Le reste du groupe est séduit par l’enthousiasme du gourou à fourrure.. qui a comme argument principal et irréfutable son intuition..

Nous suivons les flèches à travers les rues..
Visiblement il y en a au 4 coins de la ville, et elle est déserte.. peut etre tous les survivants du coin sont ils partis dans ce sanctuaire.

La scène ou j’entre dans le sanctuaire et je tombe sur elle tourne en boucle dans ma tête.
J’arrive mal à penser..

On quitte la ville, les peintures sont toujours là, sur des vieux panneaux publicitaires ou directement sur des rochers..

Le sanctuaire est quelque part hors de la ville.. ils ont peut être réussi à installer quelque chose de sur..

Mais on ne peut pas seulement frapper à la porte.. les autres jusqu’à présent n’ont été que des problèmes..

On est dirigé vers une coline qui surplombe la ville.. Le bâtiment entouré de bois à l’air d’être une ancienne maison de retraite.. ou un hôpital psychiatrique.. les palissades renforcées lui donnent des airs de caserne..mais le portail est grand ouvert..

J’approche seul, pour essayer d’apercevoir des gens.. mais rien..
Je trouve ca étrange.. il sont peut être peu nombreux ou sortis..
Ils ont peut être attires des gens mal intentionés avec leurs panneaux..

Je pousse jusqu’à arriver en contact avec les grilles.

A bien y regarder, l’intérieur de la cour semble entretenue.. il y a sûrement des gens qui vivent ici..

Je vois même une trace de véhicule.. il a du sortir..

Je m’avance dans la cour, après tout je sais être discret quand je ne suis pas avec ma meute de bras cassés..

Je crois que c’était un hôpital psychiatrique.. les palissades ont été rajoutées après..

Des gros sacs poubelles devant l’entrée me confirment que des gens ont fait le ménage récemment. L’herbe est encore couchée tout autour.

Je charge mon arme et je la place à portée de main..
Dans le premier bâtiment qui devait etre autrefois l’espace d’accueil, je vois des installations de fortune, quelques lits, des réchauds et un brasero dans l’entrée..

Il y a l’air d’avoir du monde la dedans.. j’ai comme l’impression quand on est arrivé pendant les vacances..

Je me demande quand ils vont revenir.. j’aimerai pas que des gens en colère me trouvent dans leur chambre la gueule enfarinée.

Mais si c’est vraiment un sanctuaire je devait sûrement voir arriver des moines ou des gens en sarouel..

Je continue prudemment, ils ont forcément laissé quelques personnes pour garder les lieux..

Je passe dans le bâtiment d’en face, j’estime qu’il doivent au moins être 20 personnes à vivre ici..

A l’entrée du bâtiment d’en face j’entends du bruit.. je m’approche de la fenêtre pour observer depuis les jardinières..

Je vois 2 types en tablier faire le ménage..
Ils ont vraiment l’air à cheval sur la propreté..

Je ne les vois pas armées, juste quelques ustensiles de cuisine plus loin dans la place..

J’opte pour une stratégie volontairement innocente.. je joue les voyageurs perdus arrive au sanctuaire..

J’avance bruyamment pour ne pas les surprendre et je m’annonce avec un bonjour sciemment timide..

Les 2 types ont l’air surpris.. ils se regardent plusieurs fois dans un moment de flottement.. comme si ils devaient choisir comment procéder..

Le plus gros des deux rompt ce petit silence malaisant..

Et il me souhaite brièvement la bienvenue, en s’approchant..
Il a l’air habitué à accueillir les nouveaux visiteurs, il enchaîne les questions rapidement pendant que le 2eme va nettoyer son tablier..

Je lui raconte des banalités, que j’habitais pas loin d’ici dans une ferme isolée et que j’ai du fuir..

Au cas où je rajoute que j’ai un groupe qui doit me rejoindre.

Ils sont contents et ont bien réagit quand je leur ai dit ne pas etre seul.
Ils me proposent de m’installer dans une petite pièce pour me reposer, ils vont me faire à manger en attendant..

Le reste de leur communauté doit rentrer ce soir..

Après un moment le gros revient avec un repas..
Une énorme plat de viande en sauce.. j’avais oublié que ça existait.. surtout dans cette quantité..

Ces gens sont vraiment à l’aise ou alors très généreux..
Mais je me goinffre de la sauce qui imprégne les lentilles dans la grande assiette.
Je réfléchirai plus tard..

Je décide de m’allonger un peu, pour réfléchir.. j’ai l’impression qu’on peut attendre le reste de leur bande..
J’irai chercher les autres plus tard..

J’ai envie dendemander aux 2 gros comment ils se débrouillent pour les ressources mais ils se sont éloignés.

Je regarde par la fenêtre mais celui que j’aperçois est loin, entrain de pousser le portail que j’entends grincer..

En attendant, Je vais maffaler dans un vieux canapé qui vieillit dans un coin de la pièce..

Je du m’endormir quand une sensation étrange me réveille..

Quelque chose de chaud et humide m’envahit le visage..

J’ouvre les yeux mais une masse poilue sur mon visage m’empêche de voir

Il me faut quelque seconde pour repousser cet assaut baveux..

Oggy! Qu’est ce que cette petite fouine fou la??
J’aurais pas du faire confiance à Atawalpa.. Le petit chien a du suivre ma trace et et se faufiler à travers un défaut de la clôture..

Je suis content de le voir et comme d habitude prends sa petite tête entre mes mains pour écraser sa truffe d’un gros bisou.

Mais l’animal a le museau dégueulasse, rouge de confiture? De sang!

Il n’est pas blessé, qu’est-ce qu’il a mangé..
La réponse est derrière lui dans la grande pièce..

Il a eventre un sac poubelle pour en étaler et goûter le contenu sur le sol fraîchement lavé.

Je suis rassuré… mais pas longtemps !

Quelque chose me glace..

Je regarde la trouvaille du chien qui setend sur plusieurs mètres depuis le sac éventré..

Un filament rouge et suintant qui serpente sur le carrelage..

Je crois que j’identifie l’organe qui est la sous mes yeux..

C’est un intestin.. Un intestin d humain !

Je crois que je comprends tout..

L’accueil dans un sanctuaire, les sacs poubelles, la viande et l’embonpoint des 2 hôtes..
Et le ménage.. Ça serait des cannibales..

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Le gros type qui est parti fermer la grille revient dans ma direction..
Le 2eme a foutu le camp je ne sais où..

C’est l’occasion rêvée..
Je lui fait signe et je lui raconte qun petit chien blanc à salopé la salle qui venait de récurer avec tant d’attention..

Il est surpris évidemment et se ramène en vitesse.. je sais qu’il va tomber sur de l’intestin déballé et qu’il va paniquer..

C’est bien l’idée.. j’ai la main sur mon arme sous ma veste, j’attends qu’il passe la porte.
Il balaye la salle du regard s’attendant à m’y trouver..
D’un seul coup il se fige sur les 3 mètres d entrailles collées au carrelage alors que je suis dissimulé derrière la porte.

C’est le moment!
« Bouge pas le charcutier ou je te fais péter le caisson.. »
Je vis un moment de dissociation ou la réalité s’éloigne, c’est une expression que j’ai enregistrée dans un vieux film de mafieux..
Aujoud’hui c’est moi qui tient l’arme.

Le gros panique légèrement, non pas que ca soit un faible.. mais il comprend de suite qu’il a gros à se faire reprocher ce bouffeur de viande..

Il n’essaie pas de nier mais adopte d’emblée une autre stratégie..
Il me propose de partager leur combine.. de faire partie de leur secte de rôtisseurs d’humains naifs.
J’ai la tête qui tourne et toute la réalité avec..
Le bonhomme s’en aperçoit, on dirait qu’il va tenté un truc..

Mais j’ai pas le temps de voir quoi que ce soit..
Une explosion !
Elle vient de ma main, la crosse vivre jusqu’à mon épaule, le projectile est expulsé du canon et vient exploser son abdomen.

Le carrelage reçoit une nouvelle dose de sang..
Le type reste figé une seconde comme incrédule..
Dans les film, les méchants s’écroulent ou sont projetés à travers une fenêtre..
Le gars vrille en mode survie, il me fonce dessus! Je ne vois plus que c’est yeux rouge qui palpitent a la fois de rage et de peur.
Son visage est collé au mien, il veut littéralement m’étrangler.

Les mains sont déjà autour de mon cou, j’ai l’impression que mes yeux vont sortir de ma tête. J’ai l’impression que je vais m’évanouir.

Je pense finir en viande en sauce, je pense que l’autre gars va pas tarder a rappliquer.. Ça sera terminé

Je pense à Oggy et les bras cassés qui attendent dans la forêt..

Par chance je sens la pressions des grosses main faiblir sur ma gorge et je vois des gorgées de de sang noyer la moustache et le menton de mon assaillant alors qu’il tousse et râle le fond de ses tripes.
Ses mains descendent sur le canon de mon arme pour ecarter la bouche du canon qui crache la mort.. mais un deuxième coup part et lui fait éclater un genoux.

Il tombe à les pieds en serrant l’arme si fort qu’il l’emporte dans sa chute.
Je dois reprendre mes esprits.
Mais déjà j’entends les pas de course d’une personne arriver en courant, et j’en aperçois une troisième !
Un type flippant et grand et maigre à la gueule de croque-mort qui tient un couteau de boucher..

Je dois réfléchir vite, je panique, Le gros se roule par terre en serrant mon arme sur lui..
Pas le temps de la récupérer.

Je m’éloigne des 2 arrivants en essayant d’analyser la situation le plus vite possible.

La grande salle, la cuisine, le bar un cellier derrière, un ancien frigo a bestiaux je dois me cacher.

J’ai plus d’arme, ils l’ont sûrement récupérée et ils sont 2.
Après ce que j’ai fait à leur compère il vont sûrement pas m’épargner..

Je n’ai pas d’autre issue que celle qu’ils sont déjà en train d emprunter.. je les entends..

Je me cache dans une grande poubelle juste avant l’entrée de la cuisine..

Je contemple mes faibles chances de survies.. mais je n’ai aucune émotions.. mon cerveau fonctionne parfaitement.. je peux réfléchir..

Je les entends.. ils sapprochent avec prudence.. il ne savent pas que je suis désarmé et que j’ai tué l’autre involontairement..

Le grand maigre.. parle plus.. il est plus malin que l’autre, ils visitent chaque pièce à 2, l’une après l’autre.

Le gros obéit et semble etre chargé de rentrer en 1er.

Il sont à 30cm de moi.. j’ai peur de respirer..
Tout peut se terminer maintenant..

Ils entrent dans la petite cuisine pour faire le tour de L’îlot et vérifier les meubles..

Je dois agir maintenant, fuir et prier qu’ils n’aient pas mon arme.

Je saute de ma cachette le couvercle en plastique fait claquement sec qui fait sursauter les 2 limiers.. Ça me laisse une petite seconde d’avance..

Je vois leur couteaux, je vois leur intention dans leur yeux quand ils me voient désarmé..

Dans le feu de l’action je remarque un détail, je change de plan, comme une intuition, une fulgurance venue d’ailleurs..
Je vois la clef sur la porte de la cuisine..

J’évalue la distance qui me sépare des 2 enragés, je saisis la poignée.. je claque la porte d’une main..
L’autre est déjà en train de se diriger vers le trousseau qui pend à la serrure..

La porte sabbat sur une tête, je dois pousser de toute mes forces pour finir le mouvement et parvenir à actionner le loquet

Clic.. je me détend légèrement et remonte un peu sur l’échelle de l’espoir..

Ils tapent comme des forcenés, même la cloison tremble autour de la porte..

J’ai peu de temps ..
Vite Oggy ! Je le trouve pas ! Il a du se cacher de peur..
Pas question que je le laisse se faire bouffer..

La porte va céder..
Je panique je cherche, je retourne les pièces.

Je m’arrête une seconde dans le cellier, en voyant des produits de nettoyage qu’on ne trouve que dans les cuisines industrielles ou collectives..
J’ai une idée.. je vais peut être me débarrasser de ces 2 fous..

J’attrape un bidon d’eau de javel qu’on t’utilise pour tuer les germes et une bouteille de détartrant..

Je me dirige vers la porte qui tremble.. pour gagner du temps je les interpelle comme si je voulais négocier..

Pédant ce temps je versé tout me bidon de javel dans la pièce à travers la bouche d’aération de la cuisine, puis idem avec le détartrant..

Le détartrant est un produit acide contrairement à l’eau de javel basique qui va réagir à son contact et dégager du chlore sous forme de gaz..

Il commence par brûler les yeux, les voix respiratoires , provoquer des essoufflements severes ou des arrêts respiratoire..

J’entends les cris qui s’étranglent, les mains qui griffent et les corps agités de spasme qui glissent rapidement le sol..
Je m’éloigne au son des faibles respirations qui semblent tenter de chercher l’air sous interstice de la porte.

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Je cherche le chiot.. sous les meubles, dans les recoins.. je l’imagine tapis de peur devant cette violence avant de me dire que ça ne lui ressemble pas…

Je retourne près des sacs poubelles et je le retrouve dans un coin de la salle à labris des regards en train de déguster une portion d’intestin.. je l’attrape sous le bras et commence à courir..
Une fois dehors je le repose sur ses pattes..
Le brave petit me suit dans ma course. A en juger son attitude bondissante et joyeuse c’est visiblement plus par jeux que par peur..
J’essaye d’ouvrir la porte mais elle est bloquée par un cadenas et la palissade est entourée de barbelés, si on escalade c’est un coup à rester pendu comme une offrande blessée.
Je continu à courir le long du mur en espérant trouver un défaut.
Oggy me suit sans lâcher sont trésor qui traîne derrière lui sur plusieurs mètres..

Je vais bientôt avoir fait le tour du terrain..quand soudain je trouve un panneau mal scellé, j’attrape l’angle de la tôle pour agrandir le passage, de toute mes forces les 2 pieds contre le montant..

Le chiot visiblement plus au fait de l’enjeu que je pensais, disparaît d’un bon dans l’ouverture.

Je le suis péniblement sans laisser quelques centimètres de peau.
Dans l’urgence je remarque que j’ai laissé des ongles en tirant sur la tôle comme un animal paniqué.

Je me retrouve dans le bois.. mais je dois retrouver les autres.. je ne sais pas me repérer après avoir tourné en rond.. il faut que je reprenne la route..

Je suis à nouveau la pallissade barbelée pour rejoindre l’entrée.
Le petit chien cours toujours à s’en faire éclater le cœur..

Je met les pieds dans une terre étrange, je m’enfonce à moitié et une étrange odeur remonte du sol..
Je baisse les yeux avec horreur des os affleurent la surface du sol.. comme si des morts voulaient revenir.. des asticot grouillent dans l’orbite d’un crâne encore frais..

J’accélère le pas avec horreur.. je m’enfonce dans un charnier..

Il faut que je retrouve les autres vite fait.. j’ai peur que le reste des mangeurs d hommes rappliquent.
Le soir commence à tomber.

On arrive sur la route, je regarde une dernière fois le portail scellé..

Plus que quelques minutes et on sera au campement..

C’est bien qu’ils n’aient pas eu à voir ça..

Je continue au pas de course malgré la fatigue .. oggy est un peu à la traîne.. et je vois qu’il irait jusqu’à bout du rouleau pour ne pas me perdre.. c’est très touchant..

Arrive au niveau du camp je ne vois que ned dans sa Charette.. évidement les 2 autres sont partis chercher le chien..
Brillante idée Atawalpa..

Au même moment un bruit de moteur..
1 camping car , puis 2 passent sur la route à plein régime .
J’ai à peine le temps de me dissimuler..

J’ai l’impression qun des occupants a l’arrière ma aperçu..
J’ai peut être rêvé..

Ils vont pas apprécié ce qu’ils vont trouver à la maison..

J’ai leur qu’il fouille le coin et partent à notre chasse..
Ou qu’ils trouvent les 2 autres d’abord..

Je raconte pas à Ned qui sont les campingcaristes..

En plus avec sont char et le mioche on va pas fuit très vite..

———————-

Les 2 camping car vont sûrement faire demi tour..
Je sais pas quoi faire.. m’enfoncer dans les bois le plus vite possible et peut être perdre Kenneth et le gourou..
Ne parlons pas de Ned, il n’a aucune chance avec son char à mule..

Si je commence à faire des recherches les cannibales vont nous tomber dessus..
Dans 5 min ils vont découvrir mon carnage et faire demi tour..

Si je parviens d’une manière ou d’une autre à bloquer la route ils seront un peu retardés..

Ou éventuellement ils nous pourchasseront à pied ce qui nous laisse une chance équitable..

Avec Ned le boiteux c’est trop compliqué d’avancer rapidement dans un bois..

Je cherche une solution…
En 10 min j’ai pas le temps de faire tomber un arbre en travers de la route.. et puis ils auraient vite fait de le déblayer..

Ils sont au moins 20 dans ces 2 camions.. une armée de mangeur de chair..

Je panique …mon cerveau débranche.. je ne ressens plus de peur. J’ai envie de me laisser aller à ce sentiment agréable mais je sais que les camions vont débarqués..

Je sais que j’ai aucun plan valable ..
Sans conviction j’attrape 2 plaques de tôles qui traînent sur le bas côté..
J’ouvre mon sac à outil.. celui qu’on fournie avec les abris.
Avec la pince je découpe dans les coins 4 triangle de métal sur chaque plaque, dans chacun d eux je fais 3 coupes de quelques centimètres vers le centre de l’objet. Et je replis chaque angle dans des directions opposés..

Si un pneu passe la dessus il va crever..
C’est déjà ça, j’ai rien trouver d’autre..

Je lance les 8 petits objets sur la route de sorte à repartir les chances..

J’attends au bord de la route les yeux dans le vague…mais je réalise soudain que je peux pas rester là.. il ne faut pas qu’ils ralentissent avant je dois prendre l’avance, mon petit piège va peut être même pas les ralentir.

J’attrape l’âne et je m’éloigne sur la route.. Ned capte l’incertitude sur mon visage et pâli sans bien savoir pourquoi..

Je peux pas lui dire qu’on risque d’être déguster comme ça jambes disparue..

Le petit chiot s’arrête et se dresse derrière nous !
Il les a entendu d’abord..
Je vois le.nuage de fumée soulevé par la vitesse et les silhouettes passises des 2 véhicules lancées comme des boulets..

Les moteurs crient pousses a leur limite, ces tarés doivent être pieds au planchers..

Je sais qu’ils nous aperçoivent.. , ils pourraient rouler plus prudemment pour rattraper une mule et 2 piéton mais ils sont animés par la rage..

À cette distance maintenant je vois presquent les visages qui se tordent..

J’arrête de marcher.. c’est inutile, tout est joué.. je contemple le destin déboulé à tout berzingue..

Une explosion me sort de mes pensée et un réflexe de peur me fait fermer les yeux..

Quand je rouvre les yeux j’observe incrédule une image surréaliste..

Le premier véhicule sont le pneu avant à éclaté fait une ambardée !

Maintenant en travers de la route il en est à son 2eme tonneau dans un vacarme de plastique et de bois qui explose.
La grosse carlingue tournoi en l’air dans un nuage de débris qui se dispersent sous la force de l’inertie.
Je crois voir des corps éjectés de la carcasse.

La grosse masse désossée et diforme retombe lourdement en se traînant encore quelques mètres sous la force du choc.

J’ai à peine le temps de réaliser ce qui vient de se passer alors que le 2me véhicule lancé juste derrière tente d’esquiver le nouvel obstacle et sort de la route emporté par son propre poids pour sencastrer dans un gros arbre.
Le tronc ne bouge pas d 1 millimètre..
La vision est irréelle le véhicule disparaît contre le tronc, tout son volume paraît absorbé en même temps que ça structure se disloque et se compresse sur elle même..

Le silence total, choquant après le vacarme.. rien ne bouge..
Juste des gémissements, la fumée , des corps qui traînent d’autres encore coincés dans la carrosserie.. plus un seul capable de tenir debout..

Je ne sais plus bouger, une réaction en chaîne vient de terminer dans une boucherie..

De manière inattendue, nous sommes entiers et j’observe la bouillie de 20 salopards..

J’en vois ramper comme des limaces , d’autres qui sont en morceaux .. certains sont peut être seulement sonnés..

———————–

Je quitte le champ de bataille.. je veux plus entendre ces gémissements.. je tape sur la croupe de Willy pour qu’il emmène Ned loin d’ici..

La langue du petit oggy traîne par terre, il a l’air épuisé. Je le charge dans le chariot avec Ned..

On va se cacher plus loin.. je profiterai de la fin de journée pour chercher Atawalpa et l’enfant..

Après avoir pris de la distance je découvre un sentier oublié qui s’enfoncent dans le bois.
J’y conduit Ned et willy et je camoufle l’entrée du sentier en taillant quelques branches.

j’ai peu de chances de les trouver, je retourne au 1er campement .. si Atawalpa a réfléchi ils sont du y retourner pour nous attendre la..
Mais j’ai pas trop confiance.. ils ont pu se perdre.. ou fuir si ils ont entendu le vacarme inquiétant ou les coups de feu..

En arrivant sur place évidement je ne trouve personne.. je ramasse une petite poche à frange que le gourou a du oubliée.. Le genre de saccoche qu’on pouvait porter si on etait un hippie ou un indien..

Ça sent la drogue.. jespere que cet enfoiré est pas parti drogué en forêt avec un enfant handicapé..

J’avance encore, sans conviction..
Je suis fatigué et j’ai besoin de manger..

Je m’arrête avant la lisière du bois quand j’aperçois l’hôpital.. Le portail est défoncé..

J’ai pas envie de retourner la dedans.. mais je me dis qu’ils me cherchent peut-être la bas..

J’ai envie de rester là à réfléchir à l’infini..
Mais je me fige.. encore un bruit de moteur.. Ça me donne la nausée..

Je plonge à couvert derrière des fougères.. il en reste 2 ! je vois leurs silhouettes dans un petit buggy qui roule à tombeaux ouverts..

Je les regarde passer à ma hauteur .. mais soudain je les reconnais.. j’en reste ébété..

Ils passent sans me voir, dans même me chercher..
La fourrure au vent Atawalpa rivé au volant du petit véhicule de plage.. avec kenneth en copilote.. ils ressemblent à 2 jackass.

Et je ne sais pas où ils vont.. je suis sur quil est drogué.. je vais les retrouver dans les flammes avec les 2 camping cars plus bas..

Je rebrousse chemin, en suivant la lisière.. je croise un survivant qui remonte la route.. il titube, il a les 3/4 du corps carbonisé..
Je ne peux pas m’empêcher à la texture de la viande grillée sur le barbecue .

Je récupère la mule et sa cargaison à 5 pattes..
Ou diable sont ils allés.. je réalise que je ne peux compter ni sur l’un ni sur l’autre pour prendre des décisions logiques..

Avec des réserves d’essence ils peuvent traverser tout le compté en moins d1 heure.. et attirer fortement l’attention au passage..

Je sais pas quoi dire à Ned.. on va rejoindre l abris de la famille Khan.

J’ai plus que Ned pour implorer leur pitié.. de toute façon c’est pas le genre de bonhomme à faire la charité..

Mais ya sa femme et les 2 enfants .. Ça peut jouer en notre faveur .. ou contre si je dois les forcer..

C’est un abris extrêmement cher.. avec plusieurs années de vivre, une pharmacie avec une ia diagnostic autonome hors réseau (elle doit toujours fonctionner)
Il y a même un véhicule de sortie.

Mais il y a tout le système de défense qui va avec.

L’occupant peut activer avec un joystick innocent des lance flammes et des mitrailleuses.. et regarder périr ses visiteurs sur un petit écran.. comme sur un vulgaire jeux vidéo..

**Rappel sur Bernard Henry Kahn**

On doit y aller, on doit survivre..
Il faut recreer quelque chose, un début, réensemencer le monde avec les bons humains..
Et.. Il faut la revoir ..

————————–

C’est facile à pister des enfants, ça se méfie pas, je poursuis l’innocence comme un renard dans la plaine dorée par le soleil.
Ils se dirigent vers une vallée reculée de l ohio, ou on cultive. Bien le genre d’endroit ou on s’attend à ne rien trouver.

Je marche toute la journée à marche forcée pour les suivre, avant d’arriver à la fin du voyage. Je m’attendais pas à parcourir une telle distance derriere 2 gamins.
Qu est ce que ça fou des mioches à ballader dans un monde éteint comme si ils allaient rejoindre Charles Ingalls.
Je découvre quelque chose que je ne m’attendais pas à voir,
De la vie.. des allées et venues, des animaux, des gens qui n’ont ni l’air de prédateurs ou de proies..
Des visages sans les yeux de la peur.
Un village d avant, d’avant notre avant..

Depuis ma planque je les vois rejoindre leur famille, une engeance rustique avec six mioches qui sentent la sueur, la terre et la peur de Dieu. Avant le grand noir, quand les écrans hurlaient encore leurs lumières froides, on les prenait pour des attardés joyeux, des anachronismes en calèche, barbes folles et robes jusqu’aux chevilles. Maintenant que les villes crèvent dans leur propre silence, que les fils ne chantent plus rien d’autre que le temps qui passe, ce sont eux les rois du monde cassé. Une ferme debout, des chevaux pleins de muscle, du lait chaud dans les seaux et des prières mâchées entre deux rangées de maïs. Ils n’ont jamais eu besoin de Wi-Fi pour survivre, juste de leurs mains, du ciel, et d’un peu de crainte dans le ventre. Les enfants courent pieds nus comme les rivières sales, et dans leur regard, on lit une certitude que les anciens ont perdue : ils savent que le monde est revenu à sa juste laideur.

Pour eux c’est le paradis ce monde, la perite église de planches doit brûler d’une ferveur céleste.. devant cette justice divine..

Une cloche sonne
Des fillettes arrêtent leur jeux près du ruisseau.
Les barbes sous les chapeaux noirs s’activent. Ils se rassemblent mais pas vers l’église..

Les enfants seulement poussés par leur mères sombres..
Un pasteur du moyen âge scelle la lourde porte en bois..

Les hommes se répartissent dans l’unique rue..
2 gros chevaux de traits tire une barricade au milieu du chemin..

Avant que je puisse me poser la question de la survie de ce petit havre de paix, j’ai la réponse sous les yeux..

Ils se défendent ..

Un groupe d’hommes est arrivé à l’ouest, dissimulé par les cultures de maïs.. des arpenteurs.. ils ont l’air plus affamés que dangereux..

Certains des châteaux noirs sont armés de vieux fusil de chasse.
Les assaillants ont été rapidement submergés par la cohésion de la petite population..
Les hommes réagissent vite comme animés par un esprit collectif
3 coup de feu…2 hommes à terre, les autres qui se rendent sont saisis comme des bestiaux et amenés dans une grange au bout de la rue.

Ces gens pourraient nous aider.. je me vois deja travailler la terre, boire dans le petit ruisseau et jouer avec le bétail, finir mes jours au coin du feu. Moins aller à la messe.

Ned et kenneth seraient protégés.

Vont ils nous accueillir comme ces 4 voleurs.. ils ont survécus, ils ne doivent pas prendre de risques..
Je me méfie des reactions gens très religieux..

Après tout ils ont été attaqués..
J’attends jusqu’au soir.. a observer la petite vie d’entant.. je regardai la réponse dans les etoiles.

Juste avant la tombée de la nuit je vois plusieurs hommes sortir avec une charette jusqu’à la sortie du village. Dans un enclos ou 6 petites croix sont plantées dans la terre.. ils commencent à creuser.
1, 2, 3 , 4 tombes..

———————————

Le ciel est large et gris comme un pendu au-dessus de la plaine, sans un bruit d’oiseau, sans le moindre bourdon électrique. Juste le vent, tenace, qui siffle entre les cabanes qui racontent un farwest.

J’ai le dos en vrac, ma jambe droite traîne comme un sac de ciment humide. Dans la carriole bricolée Ned, mon vieil ami au cerveau fracassé, un type qui rie tout seul à des blagues imaginaires depuis qu un consanguin lui a boiffé une guibole. Un rire doux, enfantin, planté dans un corps d’adulte qui puait la vieille pisse et la charpie de souvenirs cramés.

Un vieux panneau moisi annonce “Lancaster, ohio”. Plus rien n’est droit, sauf peut-être la foi tordue de ceux qu’on appele Amish. Des types avec des barbes tristes et des yeux comme des lames émoussées. Pas de courant, pas de machines, juste des chevaux, des champs, et Dieu à chaque repas. Le monde s’était effondré, eux ils avaient haussé les épaules. Rien de nouveau sous le soleil.

Hier soir ils ont enterré 4 types. Des gars affamés, crasseux, sous le regard de dieu
Les Amish ont tiré sans trembler. On le sait : ils ne sont pas tendres, juste déterminés à garder la peste à distance. Et dans cette ère nouvelle, l’humanité était devenue une maladie à éviter.

Quand j’arrive arrive au pied du village, deux hommes m’attendent. L’un tenait une fourche, l’autre une carabine. Ils ne crient pas. Ils levent la main, l’ordre muet. Je m’arrête les paumes en l’air.

— « Je cherche pas d’embrouilles » J’ai un blessé. Un ami » en montrant Ned qui ricane dans sa cariole »

Pas de réponse. Juste leurs regards, vides et scrutateurs. Un troisième s’approche, plus jeune, un garçon à la mâchoire trop large et aux yeux presque tristes.

— « vous êtes seuls ? »

Je hoche la tête. Puis ajoute, la voix râpeuse :

— J’cherche son fils. Il est… différent. Pas vif, mais pas méchant. Il a disparu y a 2 jours dans le chaos. J’pense qu’ils suivent les lignes droites. Ils aiment la route.. je mentionne pas le buggy

Ils prennent mon sac, Ils fouillent. . Pas d’armes. Pas d’électronique. Pas de bible non plus.

Ils me font signe d’avancer.

Mais ce n’est pas l’entrée dans un village. C’était une arrestation.

Deux hommes mescortent jusqu’à une église au clocher muet. à l’intérieur, ça sent la cire froide, le foin sec, et la prière collée aux murs.

Ils me laissent là. Juste là. Pas de menottes. Pas de cris. Juste les portes refermées comme un cercueil qui attend le dernier clou.

Je passe la nuit sur un banc, ned à mes pieds sur une couverture délirant doucement.

Le matin arrive avec une lumière blême.

La porte s’ouvre.

Trois hommes, une femme. Vieux, sérieux, propres. Ils parlent peu, et quand ils le font, c’est avec des phrases qui ressemblent à des verdicts. La femme s’appelle Ruth. Elle regarde Ned d’un air figé, et se plante dans mes yeux.

— « Il ne parle plus ? »

— « Juste dans sa tête. Mais elle est cassée »

Ils hochent la tête. Puis Ruth demande :

— « Et l’enfant… il est… comme lui ? »

— Moins abîmé. Mais… il n’a jamais su lacer ses godasses.

Un silence. Presque religieux. Je sens une brèche s’ouvrir, mince comme une fissure dans un mur de béton.

— « Vous dites la vérité ? »

— « À quoi bon mentir maintenant ? »

Ils me laissent dans l’église encore une nuit. Mais cette fois, avec du pain, du lait, et une paillasse.

Puis vient le deal. Ruth revient, seule. Elle s’assoit sur un banc à deux mètres. Comme on parle à un chien perdu qui pourrait mordre.

— » Nous allons soigner votre ami. Et nous allons chercher le gamin. Quelques jours. Pas plus. Nous avons nos propres bouches à nourrir. Nos propres âmes à garder propres. »

Je la remercie. Sans trop d’effusion. Il savait que dans ce monde, la gratitude n’avait plus le goût du miel, mais celui de la rouille.

Et dans cette lumière tiède, entre les planches usées d’une église sans électricité, entouré de ceux qui avaient dit non au monde bien avant qu’il ne s’effondre, je sens quelque chose qui ressemble presque à de la paix. Pas de la joie. Pas du bonheur.

Ils me laissent cheval.
Pas un beau. Pas un rapide. Une bête grasse et molle qui puait le vieux poil. Mais il tenait debout, ce qui nous faisait déjà un point commun. Ned est attaché derrière, Willy. Il rie toujours, parfois il pleure sans raison. Je le couvre avec une vieille couverture piquée dans l’église. Elle sent la cire et la résignation.

Ruth m’accompagne avec un de ses fils. Elle monte un cheval plus nerveux, plus digne. Elle porte un fusil. Pas pour me protéger. Pour le cas où je tournerais chien. Je le sais, elle le sais.

On a quitte le village au matin. Le soleil perce à peine, comme s’il hésitait à éclairer ce monde foutu. Ruth prie doucement, à voix basse. Pas pour moi. Pas pour Ned, Juste pour tenir le cap. J’écoutais sans écouter. C’esr joli, dans un sens. Des mots vieux, fermes, usés par le temps. Moi, mes prières étaient mortes avec internet.

On a suit la route. Fissurée, craquelée, avalée par les herbes. Là où les voitures passaient, ya maintenant des chevreuils, des carcasses, et des silences longs comme l’enfer.

— » l’enfant … il s’appelle comment ? »

Je reste silencieux.

— « Kenneth, je finis fini par dire. »

— » C’est un beau nom » souffle telle

Je said pas si elle le pense vraiment, ou si elle dit ça pour me garder humain à ses yeux.

On a croise une maison brûlée. L’odeur de la cendre est encore là. Des vêtements d’enfant noircis pendent à un fil. Ruth a fait le signe de croix. Moi, je regarde ailleurs. Je supporte pas ces petits bouts de fin du monde.

Puis, au bord de la route, on le voit.

Une silhouette.

Petite. Fragile. Assise. Les jambes croisées comme s’il attendait un bus qui viendrait jamais.

J’ai crois que mon cœur va s’arrêter.

— Kenneth ? j’ai crié.

Mais c’est pas lui. C’était une fille. Peut-être onze ans. Les yeux vides. Elle tient une poupée sale dans une main, l’autre main couverte de sang séché.

Elle bouge pas quand on est arrive.

— Elle est choquée, a murmure Ruth.

J’suis descend. Je maccroupi devant elle.

— Tu t’appelles comment ?

Pas de réponse. Juste le vent.

— T’as vu un garçon ? Il est comme toi. Il parle pas beaucoup. Il suit les routes avec un monsieurdéguisé. Il s’appelle Kenneth.

Elle leve les yeux. Deux trous noirs dans une petite face boueuse. Puis elle tend un doigt tremblant, droit devant.

— Il… est passé… là-bas. Il m’a donné de l’eau.

Ma gorge se serre comme une corde humide. Ils sont passés par ici. Ils sont vivants.

— Merci, petite.

On l’a emmene avec nous. C’était pas prévu. Mais dans ce monde, les plans sont faits pour les morts.

Ruth ne protesté pas. Elle ajusté simplement sa capuche et dit une prière de plus.

On est repart, lentement, vers le doigt pointé.

Et moi, je recommence à respirer un peu.
Pas trop. Juste assez.

On a trotte longtemps. Trop. Ned s’est endormi, la fille aussi, la tête contre mon bras maigre. Ruth prie à voix basse, encore et encore, comme si chaque kilomètre était une épreuve divine, un test de sa foi.

Puis, dans un virage dévoré par les ronces, on tombe sur les traces.

Des marques de roues. Pas de vélo. Pas de charrette. Je descend. Je touche la terre.

— « Un buggy. Une bricole. Artisanale. »

— « une bricole? murmura Ruth comme si je venais de prononcer un mot obscène. »

— « Ouais. Un vieux truc qu’ils ont récupéré «

Elle ne rien dit. Elle n’aime pas ça. Le progrès, même mort, puait encore le péché dans son monde.

Mais moi, je souri. Parce que Kenneth adorait ça : les trucs qui roulent, qui font du bruit, qui filent droit.

On suit les traces. Ça grimpe vers les collines. Le ciel se couche lentement, le genre de rouge qui te rappelle que le monde saigne encore.

Puis on les a vus.

À travers les arbres, près d’un ruisseau, deux silhouettes. Un enfant — le petit bizarre — assis par terre, les jambes repliées, les mains pleines de baies. Il les porte à la bouche, l’une après l’autre, concentré comme s’il lisait une Bible en braille.

À côté de lui, un homme.

Grand, mince, la peau mate, les cheveux en longues tresses huilées. Il portait un poncho sale, cousu de fils dorés. Une barbe fine. Un regard allumé comme une vieille lampe clignotante, moitié sage, moitié fou sous une peau de cerf.

Il chante doucement. Un truc en espagnol, ou en latin, ou dans une langue qu’il avait inventée dans un délire sous acide. Et devant eux, sur un petit feu, un lézard se fend lentement, la peau qui grésille sous un la flamme, le jus qui suintait comme de la sueur.

J’ai sens Ruth se raidir à côté de moi.

— « C’est lui ? L’enfant ? »

— « Ouais. C’est Kenneth «

Mais je bouge pas. Je regarde l’autre, le gourou. Il a les gestes d’un prophète de pacotille, mais une douceur étrange. Il ne force pas le gamin. Il partage juste. Les baies, le silence, le feu.

— On va y aller calmement, j’ai murmuré. Il faut pas le brusquer.

On laisse les chevaux à l’ombre.

J’avance seul. Doucement.

— Atawalpa, j’ai dit, comme un souffle.

Il tourne la tête. Lentement. Son visage se fend. Pas un sourire. Juste une absence de peur. C’était déjà un miracle.

— Kenneth, dit. J’ai mangé des bonbons bleus.

Le gourou se lève. Pas brusque. Il me regarde comme on regarde un orage approcher. Ni haine, ni accueil. Juste… acceptation.

— Il avait faim

Il sourit. Avec des dents blanches comme des os lavés par le temps.

— Les baies qu’il bouffe, elles sont toxiques, guide suprême je lui crie. Tu le sais ?

Il a hausse les épaules.

J’attrape Kenneth doucement par le bras.

— Viens. T’as rien à faire ici. Il est pas fiable

— Non, a dit Atawalpa. Je suis pas fiable. Mais je suis pas un danger non plus.

Il s’assoit à nouveau, a tourner le lézard sur la flamme.

— Tu veux rester ? Partager le feu ? Le lézard est presque prêt. C’est sec mais ça nourrit.

Je serre les poings au lieu de lui foutre dans la gueule. Mais kenneth tire sur ma manche.

— J’ai pas fini mes baies.

Je le regarde. Les lèvres déjà bleutées. Un peu de sueur au front. Les pupilles dilatées.

Merde.

Je fait un signe à Ruth. Elle s’approche. Ned est loin, encore assommé dans la carriole.

— Il est malade, je dit. Ces baies… faut le faire vomir.

Atawalpa a hoché la tête.

Il se laisse faire. La chaleur de son corps contre le mien, douce, rassurante. Comme un rêve qu’on avait cru mort. Même s’il puait la baie pourrie et le lézard cramé.

Atawalpa se remet à chanter. Lentement. Une litanie pour les paumés.

Je le laisse la.

Sous les arbres.

Avec ses illusions et ses restes de lézard.

——————–

On rentre au village avec la lenteur des bêtes blessées.
Kenneth dort contre moi, le ventre vide et la bouche sale, ses doigts tachés de baie et d’enfance. Ned, dans sa charrette bringuebalante, babille des comptines aux vers bancals.
Et Atawalpa… Atawalpa marche.
Il marche comme un pèlerin sans dieu, poncho déchiré au vent, le regard posé quelque part entre ici et ailleurs.

Ruth dit rien, mais je sens que ça lui déplaît. Ce type, il vibre pas dans les bonnes fréquences. Trop souple. Trop étrange. Trop vivant.
Mais elle dit rien. Elle prie. C’est sa façon de cracher.

Les chevaux sentent la fin du voyage.
Et quand on repasse sous l’arche de bois, avec les croix gravées à la main et les regards plantés comme des pieux dans notre chair, je sais que c’est pas un accueil.
C’est une parenthèse.
Un sursis.

Les enfants nous regardent passer avec des yeux pleins de questions qu’on leur interdira de poser.
Un des anciens hoche la tête, lentement, comme s’il voulait peser chaque seconde qu’on allait leur voler.

On nous installe dans la grange, à l’écart.
Pas une prison. Pas une chambre. Un entre-deux, moite et tiède, où la paille gratte et la nuit renifle la peur.

Kenneth dort quatorze heures. Peut-être plus.
Quand il se réveille, il dit rien. Il joue avec une ficelle, l’air de rien. Ruth lui apporte du lait. Il boit sans un mot, comme si son corps savait ce que l’âme avait oublié.

Atawalpa s’assied à l’ombre du mur. Il chante encore.
Parfois en silence. Parfois avec des mots qui n’existent pas.
Un gosse l’a écouté une minute.
Sa mère l’a giflé d’un regard, et l’a tiré loin.

Le lendemain, Ruth revient.
Pas seule. Avec deux anciens. Leur foi en bandoulière comme des fusils invisibles.

— « Vous pouvez rester encore deux jours, dit-elle. Ensuite… »

Elle ne finit pas. Elle a pas besoin.

Je hoche la tête. Je sais les règles.

La nuit, je parle à Atawalpa. Ou j’essaie.
Il parle en visions. En souvenirs d’un ailleurs.

— « Pourquoi t’as aidé Kenneth ? »

Il me regarde comme si j’étais un urluberlu.

— « Parce qu’il était là. Parce qu’il avait soif. »

Je veux lui coller une vérité sur la gueule, mais j’ai plus la force.
La colère, ça coûte cher dans un monde sans filets.

Le deuxième soir, Ruth revient encore.
Elle regarde Kenneth jouer avec des cailloux. Puis elle dit :

— « C’est pas un mal, ce gosse. C’est une énigme. Et dans notre monde, les énigmes… faut les laisser passer. »

Elle me tend un petit sac. Du pain, du sel, un savon fait maison.
Un cadeau d’exil.

— « Vous partez demain matin. »

Je hoche la tête. Je dis merci. Pas parce que je le pense. Parce que je le dois.

Dans la nuit, Atawalpa chante un dernier chant. Une chose lente, basse, tremblée.
Même Ned s’arrête de délirer pour l’écouter.
C’est peut-être ça, une prière. Un truc qu’on comprend pas, mais qui vous tient un peu debout. Un truc qu’on sait avec le ventre, un truc du temps d’avant qui grondait dans les forêt.

Comme quand je pense à elle..

Je me réveille avant l’aube. J’ai peut-être un coup à jouer.

Le monde attend dehors, brut, crevé, sans GPS ni miracle.

Peut-être qu’ils sont pas foutus eux. Pas encore.

———–

Je suis parti dans la nuit.
Pas un mot Pas un bruit. Juste un sac, un flingue vide, une carte froissée, et Oggy, mon petit ronchon, les pattes maladroites mais la truffe excitée.
Ned dormait, ou rêvait, ou bavait ses pensées dans la paille. Kenneth était recroquevillé contre lui, un bras autour de sa hanche fantôme. Atawalpa, lui, était assis droit, les yeux ouverts dans le noir, comme s’il priait un dieu qui l’écoutait encore un peu.

J’ai soufflé un « pardon » à personne.
Puis j’ai filé.

Pas de courage là-dedans. Juste du réalisme. Je suis pas taillé comme un bénitier.
J’aurais pourri le village. Et Ruth m’aurait flingué dans le dos avant la récolte.

Oggy trottine à côté de moi, la langue pendue, les yeux qui brillent à chaque bruit.
Il est mignon, et si faible a courir derrier l’innocence.
On partage la même odeur : la sueur, la peur et le refus de crever.

On prend la route vers l’est.
Ohio. Les collines sales. Les maisons crevées.
Parfois, une bagnole retournée, digérée par les herbes.
Parfois, un corps oublié, mangé par les pluies.

J’ai une adresse dans la tête. Un nom qui pue l’argent froid et les décisions à distance.
Bernard-Henry Khan.

Un type qui vendait des rêves toxiques derrière son clavier pendant que d’autres crevaient dans des hangars.
Gestionnaire de fonds, ou parasite de luxe qui parie sur la faillite de votre vie pour faire fructifier la sienne.

Il avait prévu le chaos, ce bâtard. Un bunker.
Pas un trou de taupe. Un putain de sanctuaire sous terre, bardé de capteurs, de murs blindés, de réserves pour vingt ans et un fusil dans chaque coin.
Je connais l’emplacement.

Il m’avait dit, en riant : *«Vous avez quel modèle vous? Plus une cave j’imagine.. »*

On va voir, Bernard Henry

J’avance lentement. Faut plus que trois jours pour y arriver.
Je bouffe des racines, des souvenirs, et parfois un écureuil trop con pour fuir.
Les autres fuient, ils me parlent. Ils me disent des trucs que je veux pas entendre. Mais j’écoute quand même.

Le bunker est enterré sous un ancien vignoble. Ironique.
dans un monde qui s’écroule.

Mais voilà le hic. C’est pas juste Khan là-dedans.

Y’a sa femme. Lila.
Une blonde gonflée de chirurgie et d’ennui.
Les lèvres plus grosses que ses idées, mais au moins, elle souriait parfois aux gosses avant que le monde ne brûle.

Elle passait à la télé, dans des spots caritatifs : *« Offrez un avenir aux enfants d’Haïti »*, pendant que leur piscine chauffée faisait fondre un glacier de plus.

Et leurs deux gosses.
Une fille et un garçon. Pas encore pourris. Pas encore sauvés non plus.
Peut-être qu’ils lisent encore. Peut-être qu’ils pleurent la nuit.

Je sais pas ce que je vais faire.
Je pourrais attendre dehors, espérer une sortie. Voler des caisses. Manger un peu, respirer mieux.
Ou je pourrais descendre. Voir leurs visages. Tirer peut-être. M’en vouloir.
Ou pas.

J’ai le code. Mais les codes, c’est pas ça la clef. C’est les cris. Les regards les fusils. La pitié dans les yeux.
J’ai pas tué depuis longtemps. Mais j’ai la mémoire dans les phalanges.

La nuit tombe.
Je m’installe sous une ruine de station-service, à vingt bornes du bunker.
Oggy se roule contre moi. Il pue la crasse mais il a la truffe humide d’amour.

Je ferme les yeux. Je pense à Ned. À Kenneth.
À Atawalpa qui chante peut-être encore, pour des âmes trop foutues pour comprendre.

Demain, j’approche.
Demain, je vois si j’ai encore assez de crasse en moi pour briser une porte et voler un avenir.

Mais ce soir, je dors.
Juste un peu.
Juste assez.

———————–

Je dors mal, la planque suinte dans m3s rêves. Oggy veille, oppressé, le museau contre le béton froid. Ce matin, je reste immobile à guetter à travers le béton crevassé du vieux château d’eau.
Le vieux a l’air de sortir régulièrement le gamin qui deraille..
Il veut voir le bleu sans fin, éclater des crise sous le vrai ciel.
C’est moi, le rôdeur, le guetteur mouillé de peur et de calcul.
Ça sera l’occasion parfaite. La faille dans une protection à plusieurs millions. Tout ça grâce a un petit enfant qui doit hurler sa conviction sans faiblir.
L3s jumelles sur le pif, le souffle bloqué, j’attends.
Quelques heures plus tard. Le petit garçon émerge, pâle, chancelant. Il fait deux pas sur la dalle, le regard braqué sur le ciel. Il tourne la tête, cherche la mer de nuages, boit l’air. Sa lèvre tremble. Le cou bloqué vers l’infini. Pour capturer les images du paradis perdu

La mère est là, reste en retrait, comme si elle craignait d’être avalée par l’air libre. Le gnome pleure, sans son : les larmes silencieuses.

La blonde rentre vite. Comme si elle sentait mon regard.
, Bernard-Henri attend pas tres loin de l’entrée.. Toujours bien coiffé, même ici. L’homme qui voulait organiser la fin du monde comme une bibliothèque. Il tend une main au gamin, qui la repousse mollement. Pas d’amour, juste l’obligation.

Ils s’éloignent, lentement, vers la corniche. Trois cents mètres de marche droit vers l’abîme, vers la mer de ruine qui s’étale, infinie. C’est mon moment. Je remballe les jumelles, entame une approche de couleuvre. Oggy me suit, ventre collé à la terre, museau tendu.

Je longe les rochers, dévale les herbes mortes. Là, sous un pan de béton brisé , la trappe. Une issue de secours. Planquée derrière une grille, couverte de ronces et de crasse. Exactement comme sur le plan d’installation. Personne n’y pense. Trop loin. Trop inutile. Trop oubliée.

Je glisse la carte dans l’interstice. Une claque sourde. Le loquet cède. La porte râle. Une odeur d’humidité et de vieux plastique se degage. Oggy entre le premier. Je m’engouffre juste apres. On referme. Silence.

J’ai l’impression parfois que ce petit animal comprend tout..
Ou peut-être qu’il copie mes attitudes par un instinct de meute. C’est touchant. Quelque chose en moi répond à ce jeu primitif avec bonheur.

Dedans, c’est le ventre du monstre. Couloirs serrés, tapissés de mousse acoustique, comme si on voulait étouffer même les cris. Je progresse à pas comptés. Chaque néon clignote d’une lumière malade. Je compte les tournants, les portes. Je connais la carte. Je l’ai apprise. Bernard-Henri me l’a laissée, sans le savoir, avec un gros cheque il y a longtemps.

Salle de contrôle, stockages, dortoirs. Tout est là. Et moi, je suis dedans. Comme un ver prêta se nourrir. L’ombre dans leur confort.

Je trouve la salle de verrouillage. Une vieille pièce technique pleine de boutons. J’enclenche le protocole d’urgence. Le système clignote. Je ferme les portes. Toutes. Je verrouille le bunker. Ils ne pourront plus rentrer. Le monde extérieur est redevenu leur seul refuge.

Je souris. Pas d’alarme. Juste l’écho d’un royaume devenu tombe.

Je me glisse vers l’armurerie. Le digicode saute sous mes doigts. Le fusil d’assaut me tend les bras, rangé entre deux carabines de chasse. Je choisis le modèle silencieux, bien huilé, avec une sangle en cuir usé. Pas pour tuer. Pas encore. Juste pour dire que je peux. 20 fois par seconde exactement.

Je retourne vers l’entrée principale. Je grimpe sur le dôme discret, à moitié fondu dans le relief. Je me cale, j’attends.

En contrebas, Bernard-Henri et son mioche sont assis sur un banc taillé dans un bloc de béton. L’enfant dessine dans la poussière. Bernard parle. Gesticule. Le gosse l’écoute à peine.

Je n’ai pas envie de les blesser.

Je veux juste qu’ils sachent que je suis là. Que rien n’est à eux. Ni ce bunker, ni ce ciel.

J’attends qu’ils se lèvent. Quand ils font demi-tour, je parle, juste une phrase. Une seule.

« Le bunker est fermé. Allez ailleurs. »

Ils se figent. Se retournent. Je suis déjà parti, glissé dans l’ombre. Oggy à mes trousses, léger et menaçant.

Je laisse derrière moi un Bernard-Henri vidé, un gosse qui a compris avant lui, et un monde qui recommence à m’appartenir, miette par miette.

Je redescends. L’écho de mes pas s’étrangle dans les couloirs vides. Oggy me précède, museau en avant, oreilles dressées. Il sent leur peur avant que moi je l’entende.

Jannet est dans la cuisine. Ca devait pas lui arriver souvent avant la fin du monde, detre la ménagère. Elle est ebouriffée, elle a son age sans maquillage, sans filtre, juste le masque dune triste fatigue
Elle touille un fond de soupe dans une casserole d’aluminium comme si ça pouvait faire revenir la normalité. Quand elle me voit, elle lâche la cuillère. Un bruit sec. Ses yeux se figent.

— C’est vous…?

Je hoche la tête. Pas besoin de mots pour le moment. Je pose le fusil sur la table, doucement. Je veux qu’elle comprenne : je ne suis pas là pour ça. Pas pour tuer. Pas encore.

— Où est Bernard ? Elle demande.

— Dehors, avec le gamin.

— Ils vont rentrer ?

— Non.

Le silence tombe, froid comme le métal. Elle comprend. Ça tourne dans ses yeux. Elle regarde autour, cherche une issue, un plan, un miracle. Rien ne vient.

Puis elle court.

Je la suis sans presser. Elle n’a nulle part où aller. Ce bunker, je l’ai enfermé comme un cercueil. Je le connais sur le papier. Toutes les portes. Tous les accès. Même l’ascenseur de maintenance. Tout est scellé. Elle tambourine une cloison, hurle des prénoms. Des sons creux qui rebondissent sans retour.

Je la rattrape à la salle commune. Elle s’écroule sur un canapé, mains sur la tête, respiration en miettes.

— Il y a la petite, dit-elle. Rachelle. Elle ne comprendrait pas.

Je ne réponds pas. Je vais voir.

Rachelle est dans le dortoir. Allongée sur le lit du haut, des écouteurs sur les oreilles, les yeux fermés. Elle écoute une boucle de piano, vieux morceau tiré d’un monde qui ne reviendra pas. Elle ne m’a pas entendu entrer.

Je reste là un instant. À regarder cette gosse qui a grandi sous terre, sans ciel, sans arbre, sans hiver.

Je tape doucement sur la rambarde. Elle sursaute, enlève un écouteur.

— c’est qui ? Dit elle en s’adressant à sa mère.

Je n’ai pas de réponse simple. Alors je dis juste :

— Quelqu’un qui est venu rétablir l’équilibre.

Elles sont là, toutes les deux, sur le canapé. Janet en silence. Rachelle, elle, me regarde avec des yeux clairs, secs, vifs.

— Vous allez nous tuer ? qu’elle demande.

— Pas aujourd’hui.

— Alors quoi ?

Je m’assois en face. Je leur tends une ration. Pain synthétique, pâte de pois, un peu d’eau filtrée.

— On va parler.

— Parler de quoi ?

— De pourquoi vous êtes encore en vie alors que d’autres bouffent des rats. De pourquoi vous dormez dans une cave à 3 millions et de pourquoi j’ai besoin de ce que vous avez plus que vous.

Janet ne répond pas. Elle a compris que l’époque des discours est passée. Mais Rachelle, elle, me fixe toujours.

— Vous voulez quoi, alors ? Que papa paie ?

Je la regarde, longuement. Et je dis :

— Non. Je veux qu’il regarde. Qu’il sache que son abri n’est plus à lui. Que même ici, le monde peut grincer.

Silence. Puis Oggy vient poser sa tête sur les genoux de la fille. Elle ne bouge pas. Ne hurle pas. Ne pleure pas.

— Il est doux, dit-elle.

Je hoche la tête.

— Lui, il juge pas. Il sent juste.

La nuit tombe dehors. Le bunker ronronne comme un vieux chat malade. J’ai coupé les caméras. J’ai gardé la ventilation. Je ne suis pas un monstre. Juste un type avec un compte à régler.

Jannet dort, ou fait semblant. Rachelle est restée éveillée, dessinant dans un carnet qu’elle a trouvé dans une armoire.

— Et vous, vous étiez quoi, avant ? Elle demande.

Je souris. Premier vrai sourire de la journée.

— Le mec qu’on oublie dans la liste d’invités. Celui qui reste dehors quand les bombes tombent.

Celui qui a donné un abris à tout ceux qui pouvaient payer..

Elle hoche la tête, comme si ça suffisait. Et peut-être que ça suffit.

La gosse me fixe. Elle cherche la faille.
Je la laisse chercher.
Elle a ce regard… dur, lucide, comme si elle avait vu cramer la douceur dans les yeux des adultes.

Je m’assois.
On parle. Pas longtemps. Juste assez pour que les ventres se ramolissent.
Elle me dit qu’ils sont descendus là y 2 ans quand les villes ont commencé à bouffer leurs propres enfants.
Elle me dit que Bernard-Henri veut reconstruire…
Jai envie de lui répondre que les bâtisseurs de ruines rêvent toujours d’un monde où ils peuvent poser leur trône de cendres. Mais c’est une gosse, et c’est son père.
Elle comptendra sûrement jamais comment il est devenu riche peut être même qu’elle comprendra jamais ce que ça veut dite aujourd’hui d’être riche.

Elle sourit pas. Mais elle comprend.
Je vois dans ses yeux que ça fait longtemps qu’elle n’y croit plus.
Elle me demande si je vais les tuer.
Je dis non, encore.
Je viens désarmer le silence.

Je me lève. Je fais mon job.
Je vide les caisses, les coffres, les recoins.
Fusils, cartouches, grenades, drone pliable.
Je prends tout ce qui peut tuer et un peu de ce qui peut sauver.
Je pourrai toujours revenir sans risques d’être tiré comme un lapin.

Puis je passe aux rations.
Nourriture sèche, eau purifiée, filtres, pilules, antibiotiques.
Je remplis le petit véhicule électrique garé au fond du couloir 6.

Avant de partir, je leur laisse une feuille, posée sur la table entre les miettes de biscuits et les illusions :
« Le bunker est vide. Les armes sont parties. Vous êtes en vie. Faites-en quelque chose. »

Je croise le regard de Rachelle une dernière fois.
Elle dit rien.
Mais dans ses pupilles, y a ce truc rare — la colère qui n’a pas encore tourné en haine.

Je sors.
Je roule.
Dans le rétro, le bunker disparaît dans les collines.
Au loin, j’aperçois Bernard-Henri qui revient, l’enfant sur les talons sûrement des insultes plein la bouche.

Mais ce bunker…
c’est plus chez lui.

——————-

Je roule vers nulle part avec Oggy sur le siège passager.
Il pue le chien mouillé, la loyauté et la fin des empires.
Il me regarde de côté, oreilles mi-dressées, comme s’il flairait déjà le prochain désastre.

La route est un serpent fatigué, un ruban gris qui s’effiloche entre les ruines.
On croise des carcasses, des bouts de slogans éventrés par la rouille, des vieux reves en quatre par trois.

Mais j’ai une idée maintenant.
Pas une lubie
Un plan. Un rêve pour plus tard.

Un peu pour les autres.

Je vais ouvrir les bunkers.

Un par un.
Je vais les dénuder.
Les forcer à cracher leurs secrets, leurs provisions, leurs petits princes planqués avec leurs peurs et leurs projets noirs stérilisées.

Et je vais choisir.
Qui mérite de rester.
Qui mérite de survivre.
Qui est ce qu’il faut planter comme graines dans le nouveau monde.

Parce que si l’ancien est mort, c’est pas faute d’avoir eu des abris,
c’est parce que les bons étaient dehors à crever la bouche ouverte pendant que les parasites stockaient des petits fours dans des containers blindés.
Parcque certains ont joué au monopoly avec le monde.. Parcequ’ils ont fait fructifier le malchance.

Alors maintenant, c’est moi qui trie.
Pas avec un flingue.
Pas avec un badge.
Avec un cœur de guerre et les yeux qui sondent.

Je cherche pas la pureté.
Je cherche les gens capables d’aimer sans vouloir posséder,

Il faut bâtir un réseau.
Un vrai.
Pas de câbles ni de satellites.
Des gens, Des enfants debouts dans la boue avec un feu dans le ventre.

Et peut-être… que ça recommencera.
Comme un jardin. Petit à petit. Tout doucement.

Les belles choses prennent du temps.

Mais surtout, je veux la retrouver.
Lisa.

Celle qui m’aimait même quand j’étais sale, quand j’étais muet, quand j’étais mort de l’intérieur.
Celle qui savait toucher sans abîmer.
Elle est quelque part.
Je le sens. Comme une chanson sous la poussière.

Peut-être qu’elle m’attend.
Peut-être qu’elle est déjà en train de bâtir quelque chose, elle aussi, avec des petites mains delicates. Comme un miracle de fée.
Je veux lui offrir un monde pas encore foutu.
Ou lamour a la place de crier.
Sans slogans, sans cérémonies.

Oggy grogne doucement.
Y a une cabane en vue.
Je freine. Je sors.
Le vent charrie une odeur de rouille, de pin.

Je regarde le ciel. Orange et blessé.
Mais c’est encore beau.

Je me dis que peut-être, ouais, on peut faire repousser quelque chose.
Placer quelques graines.
À condition de ne pas chercher à le réparer, mais recommencer.
Avec les morceaux qui restent.
Et ceux qu’on trouvera en chemin.

Cent bornes d’autonomie sur le cadran.
Un chiffre ridicule, dans l’immensité vide.
Le buggy grince comme un vieillard qui veut pas mourir.
Oggy dort à moitié, mais une oreille reste levée.
Il sait.
Il sent.

Dans les virages la chance qui tourne.

Je vise un bunker à l’est, planqué sous une scierie effondrée d’après la vieille carte.
À vol d’oiseau, c’est faisable.
Mais la route, elle, vole pas. Elle rampe. Et elle mord.

Je planque, je fais ce choix.

Derrière un vieux silo rouillé, entre deux ballots de plastique je creuse comme un rat.
J’y fous trois armes, des chargeurs, un filtre à eau, un demi-sac de rations.
Je marque l’endroit dans ma tête :
Le cyprès fendu, le caillou noir, le pneu crevé comme une balise.

Je continuerai à pied.
Si le buggy crève, au moins j’aurai un point de chute.

Les premières heures, c’est presque paisible.
Du silence, des haies de ronces, des oiseaux fous qui ont oublié que le monde est mort.
Oggy renifle les fossés, chasse les odeurs comme des souvenirs.

Puis, sur la ligne d’horizon, ça se tord.

Deux silhouettes.
Pas des arbres.
Pas des bêtes.
Des hommes.

Je me fige.
Mon cœur aussi, il retient son souffle.
Je m’agenouille dans les broussailles, la main sur la crosse, le regard plat.
Pas de jugement, juste le calcul.

Ils sont pas beaux.
Pas moches non plus.
Juste fatigués.
Deux gars avec des sacs de fortune, des pansements sales, un flingue à l’épaule pour l’un, une machette pour l’autre.
Pas un uniforme.
Pas un drapeau.

Des comme moi.
Mais peut-être pires.

Et c’est là que ça se joue, ce genre de monde.
Pas dans les coups de feu.
Dans les silences d’avant.

Je l’ai su tout de suite.
Ces types, je les ai pas vus passer.
Je les ai vus chercher.
Ils ont flairé les traces du buggy.
Les roues mortes, les miettes de gomme sur l’asphalte pourri, les empreintes de bottes.

Alors j’ai rampé.
J’ai roulé sur la tôle au dessus d’un hangar éventré par le temps et les flammes.
Y restait plus rien dedans, juste un squelette d’architecture carbonisée.
Oggy, lui, s’est glissé sous mes jambes, contre moi, en silence.
Il bouge pas.
Même pas un halètement.
Il sent que ça pue la mort. Tout son corps tendu vers l’instinct de ses ancêtres.

Et puis y a eu la lumière.
Pas un phare franc.
Pas un projecteur.
Non.
Des flashs brefs.
Des coups d’yeux artificiels qui fouillent.
Ils balayent les rues, les granges, les restes de maisons éventrées.
Dans la nuit noire depuis ma planque j’ai vu des lumières éclaires des rues comme des éclipses. Ils cherchent. Surement moi. Sûrement oggy. Avec leurs armes en avant. Avec les yeux noirs des canons.

Ils regardent partout. Sauf ou il faut. Les ruines sont plein de terriers insondables.
Ils vont de reposer. Le destin les amène juste sous ma planque. Alignés comme dans une meurtrière. Entre la tôle et le béton d’un pilier rongé j’observe.
Ils sont deux, je les entends respirer.
L’un traîne une jambe.
L’autre tousse comme un moteur sans huile.

Mais ils ont des armes.
Et le courage des chiens qui ont plus rien à perdre.

Un des faisceaux s’arrête à trois mètres.
Sur le silo.
Sur moi.

Je retiens l’air.
Oggy aussi.

Je pense à Lisa.
À son rire.
À sa voix quand elle disait mon nom.

Mais non.
Ils s’installent.
Lentement.
Le rayon s’éteint.

Ils savent pas.
Ou alors ils doutent.
Et dans ce monde, le doute, c’est la roulette russe.

Je reste là, étalé dans le noir, à suer du feu.
Mon doigt collé au métal du flingue.
Le cœur qui cogne comme un tambour sourd.

Oggy remue.
Juste un peu.
Ses yeux me cherchent dans l’ombre, comme pour dire, on est plus fort, on est meilleur.

Ils sont la.
Juste là.
À cinq putains de pas de ma planque.
Un craquement de genoux, une respiration fatiguée, et puis un sac qu’on balance au sol.
Le tissu râpe contre la poussière.
Un briquet claque, souffle court, flamme fragile.
Odeur d’alcool à brûler et de viande grise.

Je les entends mâcher.
L’un rote, l’autre râle.
Pas de mots au début, juste des bruits de bêtes.

Puis ça parle.
Mots simples.
Pas d’argot militaire, pas de tactique.
Deux types fatigués de survivre.

— J’crois qu’il est pas loin, dit le premier.
Voix rauque, gorge abîmée.
— Ouais… ce foutu chien a laissé des traces. Il doit pioncer quelque part.

Ils sont sur mes traces, mais pas sur ma gueule.
Ils me sentent. Mais ils savent pas qu’ils sont *sur moi*.
Oggy frémit.
Je le sens vibrer sous ma main.
Il me dit : bouge pas, bouge pas ou on crève.

Un frisson me remonte la colonne.
Mes doigts se crispent sur la crosse du fusil.
Je pourrais.
Je pourrais les descendre là, tous les deux.
Un dans la nuque.
L’autre en pleine gorge.
Net.
Sec.
Rapide.

Et fuir.
Ou mieux, piquer leur matériel.

Mais fuir est difficile.
Trop prêt.
Trop de bruit.

J’écoute encore.

— Tu crois qu’on est encore loin?
— Je sais pas j’espère qu’il voudront nous recruter.
— toi t’es mécano, moi j’étais assureur.. personne n’a besoin de ça.
Ils s’inquiètent, ils vont quelque part. Il y a un endroit meilleur.

Puis ils rigolent.
Rires courts, sans fond.
Deux éclats d’os.

Je me fige.
Chaque mot est un fil barbelé.

C’est là, le nœud.
Je pourrais les tuer.
Effacer leurs visages de la carte. Ça serait simple.

Moi, le nettoyeur.
Pas de risque. J’assure le futur.

J’sens ma sueur couler dans le dos.
Le canon tremble un peu.
Pas de peur.
Mais de conscience.

Je pourrais..

Ils finissent de manger.
Chacun une clope à la bouche.
Puis ils pisssent dans la ruelle,.

Je reste là.
Sous le métal froid.
Oggy me lèche la main.
On dirait qu’il sait.

Tout peut basculer.

——————–

Je ne tire pas.
Je pourrais.
Je devrais peut-être.
Mais j’me refuse à ça.
Pas comme ça.
Pas là.

Je retiens ma respiration comme un môme planqué sous un lit.
Et j’attends que ces deux cons s’emmerdent à force de chercher un fantôme.

La nuit est moite, collée à ma peau comme une langue sale.
Oggy respire lentement contre moi, fidèle, d’une patience infinie..

Les deux mecs campent là, à quelques pas.
Ils s’assoient sur des gravats, se partagent une boîte de conserve à la cuillère.
Ils parlent bas, mais le silence est un complice. Il m’apporte leurs mots.

1— On doit pas être si loin, on va se sauver, on mange tout les jours là bas. Y’a même un centre médical à ce qu’on dit.

2— Putain, moi j’suis foutu.
J’étais assureur. Tu parles d’un ticket d’entrée.
On raconte aussi qu’ils butent tous ceux qui sont pas les bienvenus.. et qu’ils bouffent les corps.

— T’es bon à parler.
Peut-être qu’ils ont besoin de diplomates.

— Va te faire foutre.

Ils rient un peu. Un rire sans dents.
La nuit s’alourdir.

Ils se disputent pour une boite de raviolis. Le plus grand mange plus, parcequ’il en a plus besoin. Ou parcequ’il à la force de l’imposer..

Je reste là, dans mon cercueil de taule, à écouter deux âmes mortes essayer de croire encore à un futur propre.

Le soleil se lève.
Il tape comme une matraque.
J’ai plus d’eau.
Je garde le chien près de moi, même s’il râle, même s’il veut pisser.
On ne bouge pas.

Heures longues comme la guerre.
À midi, un des types s’éloigne.
Il fouille, il flaire.
Et il trouve.
Le buggy.

Je l’entends gueuler de joie.
— Eh, viens voir, putain ! Regarde-moi ça !
Un silence.
Puis une autre voix. Plus basse.
— il doit pas etre loin
— Et alors ? Il nous l’a laissé, il a compris à qui il avait à faire.

Il le prend.
Il monte dedans.
Lance le moteur. Regarde son collègue avec un nouveau regard, un visage inconnu, dernier qu’il verra.
Et il se tire.

L’autre reste planté là.
Comme un con.
Abandonné comme un chien sur l’autoroute des vacances..

La nuit revient.
Le mec s’est pas barré.
Il s’est assis, seul, dans la poussière de la fin des temps
Il a parle.
Il a pleure un peu.
Puis il ri. Tout à la fois. Lié par le tremblement d’un corps qui abandonne, qui s’effondre..

Et puis, très lentement, il a sorti son arme.
Il a collé le canon contre son palais.
Et il a tiré.

Juste un éclair.
Un bruit sec.
Et puis plus rien.

Je l’ai regardé mourir sans bouger.
J’ai pas cligné des yeux.
Comme si ça allait me passer dessus aussi.

Il s’est affalé sur le côté, la cervelle répandue comme une confiture de plomb.
La tête à sauté au niveau de la bouche. Un corps, un cou et une barbe..

Je suis resté là, encore.
Le cœur comprimé, le souffle noir.

J’aurais pu lui prendre la main..
Ce soir-là, j’ai compris un truc.

Le monde, maintenant, c’est un test.
Un immense test sans règles.
Oggy et moi, je on esr devenu l’examinateur.
Je trie pas par violence.
Er je trie par silence.

Demain, je partirai.
À pied.
Un fusil, quelques rations planquées, et mes pas.
Toujours vers le nord.
Toujours vers Lisa.

Vers un monde où l’amour vaudra plus qu’une boîte de raviolis.

Le matin me trouve en marche.
Je pense au type de la veille. Celui qui a volé le buggy. Celui qui bouffait tous les raviolis
Celui qui a laissé son pote se tirer une balle dans la gueule.
Je me demande s’il dort bien, là où il est.

Oggy marche à mon rythme, tranquille. Son flanc respire le courage simple.
Un chien, c’est un cœur sans rature.

Quelques bornes plus loin, 3h plus tard, un bruit.
Une voix.
Des insultes.
Des bruits de claquement métallique.

Je m’approche, planqué dans les herbes sèches qui colonisent l’asphalte..
Je le vois.
Lui.
Le voleur.

Penché sur le buggy en rade, les mains pleines de cambouis et de rage.

— Putain de merde de bordel de saloperie !
Il donne un coup de pied dans une roue qui n’a rien demandé.
Le buggy tousse, tousse encore, mais démarre pas.
Y a plus de jus.
Ou une merde dans le circuit. Je sais pas. J’m’en fous.

Il parle tout seul, le mec.
— J’ai la poisse bordel…
— Une chance. Une putain de chance.

Je le regarde s’enfoncer dans son propre remords, comme on s’enfonce dans une aiguille dans les veines.

Il jette un œil autour de lui. Cherche de l’aide.
Mais y a rien ici.
Rien que moi et le chien.

Je pourrais me montrer.
Je pourrais lui dire que j’étais là. Que j’ai tout vu. Que j’ai entendu ses mots la nuit, ses justifications minables, ses rêves de base secrète et de paradis.
Je pourrais lui tendre la main.
Ou le flinguer.

Mais je fais rien.
Je reste à l’ombre.
Oggy aussi.
Il grogne pas. Il a compris. C’est pas encore le moment.

Le gars se rassoit, la tête dans les mains.
Il parle tout seul.

Je laisse le temps passer.
Le soleil monte.
Et moi j’regarde ce mec cramer lentement sous ses choix.
Ce monument de connerie humaine.

Il me rappelle pourquoi je fais tout ça.

Pas pour survivre.
Pas pour moi.

Pour Lisa.
Pour l’amour.

———————–

Je laisse le gars a son sort, à sa colère. J’évite les problèmes. Qu’il aille rejoindre qui il veut. Ça sera pas la recrue de l’année.

Moi je sais où je vais.

La route tangue sous mes pas.
Un peu de poussière, un peu d’ombre.
Je la sens avant de la voir, c’est même pas une embuscade, en plein milieu de la route, c’est en fête.

Un cliquetis de ferraille, une odeur de viande grillée, de sueur et de feu de bois.
Oggy redresse la tête, oreilles au vent.
Moi, j’me planque dans un fossé, et je regarde.

Un camp.
Un vrai. Qui a avalé le tronçon de route qui se trouvait la.
Pas une merde improvisée avec deux bâches et une foi vacillante.

Une dizaine de caravanes disposées en cercle, comme un village. Une petite arène pour des spectacles que j’évite d’imaginer.
Au centre, un brasier qui crépite et innondes les visages dune lumière dansante.
Y a des herses plantées sur le bitume, comme un barrage, comme un péage ?
Des chaînes rouillées tendues en travers, et quelques chiens attachés qui gueulent pour rien.
Des barils de pétrole, des bidons soudés à la va-vite.
Des armes bricolées posées contre des tréteaux : tubes, ressorts, baïonnettes soudées, arbalètes en pièces de VTT.
De la bricole de guerre.
Du génie de survie.

Et ces types…
Avant on aurait souri devant les grosses bagues, les dents en or et la fourrure..

Y en a un, énorme, torse nu sous une salopette crade, tatoué jusqu’aux paupières, qui découpe un quartier de viande avec la nonchalance d’un boucher en série.
Un autre, maigre comme un clou, suis le rythme de la guitare en tapant sur une grosse conserve.
Une vieille, les seins à l’air sous un châle à paillettes, roule une clope avec du tabac qui fume comme un incendie, pendant qu’un môme en costume de spiderman danse autour d’elle comme un feu follet qui aurait pris chair.

Les femmes rient fort, les hommes boivent pour en finir.
Ça crache de la chanson tzigane dans une langue qui fout des coups de surin à la grammaire, à avant.
Et moi, je les regarde.
Je les regarde vivre comme des princes de rien.
Le monde vidé , ceux qui vivaient dans les marges apprennent à se répendre sur les pages .. avec la voracité d’un nouveau roi..
Le vieux monde les méprisait.
Maintenant ils sont là, souverains de ruine, artisans d’un chaos qui leur ressemble.

Et moi ? J’en fais quoi de ceux là.
Ils vont faire quoi du monde.
Qui sont ils ? Les voleurs de poules ou les gens qui ont été suffisamment libre, suffisamment courageux pour refuser le monde, celui d’avant.

Je crois encore à l’amour, à une forme bancale de bonté.
Mais pas con au point de marcher dans la gueule ouverte d’un loup qui fait la fête.

Je pourrais les approcher.
Marchander.
Demander un peu d’essence, un morceau de pain.
Mais à quel prix ?
L’homme qui mendie ici repart sans sa montre, sans son flingue, sans son chien peut-être.

Je me redresse, recule doucement.
Pas de bruit.
Pas de regard.

Oggy me suit.
Ses petites pattes animées de prudence.

Et on quitte la route.
Sans se retourner.
On plonge dans la campagne à la rencontre du silence.

Les chemins de campagne sont plus longs, plus difficiles. Tout est plus long.
Mais ils puent moins le piège.

Je marche.
La nuit tombe.
Les grillons grésillent comme une vieille radio.
La poussière colle à ma peau comme des souvenirs.

Je me dis que je suis peut-être con de pas avoir tenté ma chance.
Mais ce soir, je garde mon flingue, ma vie, mon chien.

Et c’est déjà pas mal.

On longe un champ en friche, Oggy et moi.
Un vieux champ d’éoliennes mortes, les bras tranchés net comme des géants blessés.
Le vent siffle entre les mâts.
Et puis soudain, un son.
Pas un cri, pas un moteur, pas un tir.
Une voix.
Une putain de voix.
Claire et tranquille.

— Hé, toi, l’homme et le chien. T’as une gueule à pas aimer les raccourcis.

Je m’arrête.
Main sur le flingue, cœur qui tape.
Je crois que j’ai failli me tirer une balle dans le pied.
Je le vois, assis là, sur un vieux fauteuil d’amphithéâtre planté au milieu des herbes folles.
Un type.
Ou un fou.
Va savoir.

Il a un chapeau melon, une veste de costard couleur vin et des bottes de pêche. Pas de pantalon.
Une longue barbe blanche tressée comme un cordage de pirate.
Il tient un harmonica dans une main, un livre de d’Asimov dans l’autre.
Et il sourit.
Un sourire éclaté, plein de dents en vadrouille.

— J’m’appelle Conrad, dit-il d’une voix trop tranquille pour etre totalement fou.
— Et j’en ai rien à foutre, je réponds.
— Bien. C’est un bon début, ça. La méfiance, c’est une vertu rare de nos jours.

Les fous ne survivent pas ici.

Il tape sur le fauteuil à côté.

— T’as deux minutes ou t’as une guerre à faire ?

Je sais pas pourquoi, mais je m’approche.
Peut-être parce qu’il n’a pas l’air armé.
Peut-être parce qu’il a l’air plus vivant que tout ce que j’ai croisé ces dernières semaines.

Oggy s’assoit entre nous deux. Il grogne pas. Il jauge. Il sent.

— Tu vas où ? me demande Conrad.
— Vers un autre abris.
— Pour quoi faire ?
— Pour trier.
— Trier ?
— Les vivants des nuisibles.

Il fronce les sourcils, éclate de rire.

— Alors t’es un idéaliste. T’es foutu, mon gars.
— Peut-être.
— Et tu crois qu’on peut reconstruire quelque chose avec ces animaux courent dehors ?
— Non. Mais je peux faire un peu de ménage.

Il siffle entre ses dents, comme un vieux train.

— Et l’amour, il est où dans ta croisade ?
— Je le cherche.
— Ah… la vieille chimère. C’est elle qui m’a brisé le cœur, et maintenant je parle aux oiseaux.

Il sort une boîte de conserve, en tire deux péchés au sirop et me les tend.
Je les prends.
Elles sont sucrés, tièdes du soleil..
Oggy retourne la sienne du museau avant de croquer avec excitation.
Putain, ça a presque le goût de l’espoir

— Écoute, Conrad. T’as l’air d’un type pas net, mais l’âme est juste.
— J’suis authentique c’est tout.
— Tu veux pas venir avec moi ?
— Non. Je suis là pour ceux qui se perdent. Je suis la pause sur la route.
— Et si personne vient ?
— Alors je parle aux éoliennes.

Je me lève.
Je hoche la tête.

— Prends soin de toi, vieux.
—Bon voyage. Bonne guerre

Je reprends le chemin.
Oggy trotte devant.
Le soleil baisse, les ombres s’allongent.

Et je me surprends à penser à ce foutu Conrad.
À sa barbe folle, à ses pêches, à son fauteuil au milieu de rien.

Le monde est foutu, ouais.
Mais parfois, au détour d’un champ, y a encore des êtres qui brillent dans la crasse. Qui d’impriment sur vous, juste avec leur présence.

Alors j’avance.
Encore cent bornes peut-être.
Peut-être moins.
Peut-être la fin.

Mais j’avance.

Le vent se lève, sec, râpeux, avec cette odeur de vieux monde et de cendres.
Le genre de vent qui t’épluche les nerfs.
La nuit tombe comme un rideau, et j’ai pas envie de jouer les funambules dans ce noir-là.
Oggy non plus.
Il gratte le sol avec impatience, tourne en cercles, son museau pointé vers l’ouest.
C’est toujours lui qui sent avant moi. Les planques, les pièges, la merde.

On quitte le chemin, on traverse un fossé rempli de ronces et de vieux pneus, et on tombe sur une bâtisse éventrée.
Un garage.
Ancien, cramé, probablement pillé dix fois.

Mais il tient encore debout.
Un peu comme moi.

J’inspecte l’endroit à la lampe.
Pas d’empreintes fraîches, pas de crottes humaines.
Quelques graffitis, des bouteilles cassées, des restes de vie :
un godillot solitaire, un t-shirt d’enfant sur un crochet rouillé, une poupée sans yeux.

Je choisis le local technique derrière, une pièce étroite avec une porte en métal qu’on peut caler avec un extincteur vide.
Ça fera l’affaire.
On dort pas bien, on dort juste.
Ça suffira.

Oggy s’allonge contre moi. Il pousse un soupir comme s’il dégonflait toute la journée.
Je l’imite.
J’enlève mes bottes, je déballe une barre aux céréales, je mâche sans faim.

Je pense à Lisa.
Je la revois assise sous la falaise, , avant la fin du monde.
Le regardeplongé dans la mer.
Elle me regardait pas.
Mais je savais qu’elle m’aimait.

Je me demande si elle est vivante.
Si elle pense encore à moi.
Si elle serait fière.
Ou si elle verrait la violence sur mes mains. Ça sert pas à ça un homme ? A éviter se salir les mains blanches..

Dehors, le vent gifle les tôles.
Ça siffle comme une plainte.
Je ferme les yeux.
J’essaie d’imaginer un avenir.
Un vrai.
Un avec des enfants qui courent sans peur, des femmes qui ne dorment pas avec une lame sous l’oreiller, des feux avec des chansons autour, pas des soldats.

Mais c’est flou.

Alors je me concentre sur la chaleur d’Oggy, sur sa respiration calme,
et je me dis que demain, c’est déjà pas si mal.

Je suis plus très loin maintenant.
Encore trois jours de marche peut-être. Deux si je bouffe que la moitié de mes rations et que je tire un peu sur la bête.
Mais faut garder de la lucidité.
Pour l’approche.
Pour le contact.
Pour les regards en coin et les doigts qui frôlent les gâchettes.

Je pense à ceux que je vais peut-être trouver là-bas.
Des types du vieux monde. Pas des rêveurs, pas des poètes — non.
Des gars de la terre, de la bonne terre grasse, celle qui colle aux bottes, qui fait grincer les dos et serrer les dents.
Ils s’étaient regroupés, une poignée d’exploitants du coin, quand les tensions avec les Russes montaient, quand les cours du blé devenaient plus nerveux que les marchés financiers.
Des paysans capitalistes.
Patriotes mais pas cons.

Ils ont construit ensemble. Une coopérative du repli.
Quatre bunkers.
Un pour chaque clan. Reliés par des tunnels.
Un carré de béton et de peur, enfoui sous les champs.


Le premier, c’est chez Gary et Karen Courtois.
Gros exploitants céréaliers, couple de la vieille école.
Des terres à perte de vue, des tracteurs plus chers que des bagnoles de sport.
Leur fils a fui à la ville y a longtemps, mais ils ont gardé leur fille avec eux.
Justine, 30 piges, taiseuse, forte, un corps carré comme un silo.
Ils croient dur comme fer à la propriété, à Dieu, et au glyphosate.
C’est eux qui ont financé la moitié de l’abri, a ce qui paraît.

Le deuxième bunker, c’est celui de Edward Horn, veuf depuis l’épidémie de covid 21.
Lui, c’est l’ancien.
La peau de cuir et les mains comme des écorces.
Il parle pas pour rien dire.
Il vit là avec ses deux petits-fils, Élias et Jules, des gamins d’une dizaine d’années.
Horn, c’est l’autorité tranquille. Le genre à buter un voleur en disantla messe.

Le troisième est tenu par le couple Skylar et Walter.
Ils élevaient des chèvres, faisaient du fromage bio, croyaient encore aux circuits courts.
Un peu bobo sur les bords, mais solides.
Skylar s’est mise au tir de précision quand elle a compris que la police n’arrivait plus.
Walter, lui, bidouille des éoliennes et des panneaux solaires. Il a transformé son exploitation en batterie vivante.
Ils ont deux enfants, Lina et Sam, maigres mais éveillés.
Skylar avait cette lumière dans le regard qui dit : « T’approche pas trop ou je te brûle ».

Le quatrième abri est le plus flou.
C’était censé être pour Mickeal Ben, un investisseur agricole qui vivait en ville, mais qui avait racheté des terres pour le profit, pas pour les labours.
Certains disent qu’il est jamais venu s’y planquer.
Qu’il est mort dans sa Tesla à la frontière quand tout a commencé a deconner.
Mais peut-être que d’autres l’occupent.
Des squatters.
Des survivants.
Des bêtes.

Je me demande ce qu’ils vont penser de moi.
Si ils pourront reconnaître mon visage. Les gens n’enregistrent pas tout comme moi.
Que penser d’un type seul avec un chien, un fusil, et une idée dangereuse.
L’idée qu’on peut encore trier.
Pas par race, pas par fric.
Par cœur. Par capacité d’amour.
Par la possibilité de croire encore à quelque chose.

Je suis fatigué.
Mais j’ai cette idée en moi comme une braise qu’on peut pas écraser.
Faire de ces bunkers des graines.
Pas des tombes.

——————

Je les aborde à l’interphone du bunker nord. Celui de Walter et Skylar.
Je me souviens de leur douceur. On peut pas vraiment être mauvais quand on décide de vendre du formage de chèvre bio sur les marchés.
L’entrée est planquée sous un vieux silo en tôle rouillée, presque avalé par les mauvaises herbes.
La terre a tout recouvert, sauf le boîtier d’appel, comme un espoir sorti de terre.

J’appuie sur le bouton. Une sonnerie sourde s’étrangle derrière les murs.
Une minute. Puis deux.
Puis une voix.
Grave, rêche.
Pas tout à fait morte. Pas tout à fait vivante non plus.

— Qui est là ?

— C’est Leo d’Atlantys sécurité. Tu te souviens de moi, Walter ? Y a huit ans. On s’était vus pendant les repérages. On avait discuté des plans entre les abris.
C’est pas une intrusion. C’est un appel à l’aide.

Silence.
Long. Comme une tranchée entre deux troupes embusquées.
Puis la voix revient, plus sèche.

— Tu mens. Je te reconnais pas. T’as pas de preuve. Et t’as pas à être là.

— J’ai pas de preuve. J’ai que ma voix et ma gueule. Regarde bien. J’ai juste mon chien avec moi.
Je veux pas de conflit. Juste un peu de chaleur. Et peut-être des infos.
Y a encore des enfants là-dedans ?

Un bruit parasite, comme si on avait tourné le micro en dehors, ou posé un chiffon dessus. Puis le retour :

— T’approche pas. Si tu bouges je tire. Tu devrais déjà être parti. C’est pas un endroit pour toi.

Quelque chose cloche.

Walter était pas comme ça. Il pouvait être méfiant, ou borné, mais pas parano au point de menacer au premier souffle. Walter et Skylar il étaient plutôt du genre à emballer des fromages dans du papier recyclé et des sourires mystiques.

Et Skylar ? Elle aurait parlé. Elle aurait au moins dit un mot.

Mais là, rien.
Pas un nom. Pas un rire. Pas un doute.

Juste cette voix qui sonne trop lisse, trop prudente.
Ou trop étrangère.

Alors je m’éloigne lentement. Je fais le tour du champ, je repère les trois autres entrées.
Sud. Est. Ouest.

Je tente l’interphone du bunker est.
Rien.
Le bouton s’allume. Mais pas de réponse.

Je tente le suivant.
Encore rien.
Un grésillement, peut-être. Un souffle. Ou juste un insecte collé au haut-parleur.

Dernier espoir : l’interphone du bunker ouest, celui de Garyet Karen.
Ils m’auraient reconnu. Il m’aurait demandé comment j’ai fait pour arriver jusque là.
Ceux la avaient moins de chance de tourner fou.. ils étaient 4 familles, presque un village, pour parler, pour espérer..
Le premier du nouveau monde. Qui prendrait forme dans les terres agricoles régénérées.
Le point de départ?

Silence.
Mort.

Je reste là, le doigt enfoncé sur le bouton, jusqu’à ce qu’il me brûle.
Oggy me regarde, l’air de dire : « Faut pas traîner ici. »

Et il a raison.
Y a quelque chose de pourri dans le béton.
Un leurre peut-être.
Une mise en scène.

Quelqu’un d’autre a pris le contrôle.
Ou bien…
Ils sont tous morts, et y a un survivant. Un type planqué qui veut garder le silence comme on garde un secret.
Ou un butin.

Je m’écarte. Je trace un chemin dans les maïs, assez loin pour qu’ils me croient parti. Ça rend fou Oggy qui tape des pointes et disparaît dans les allées végétales..
Je suis obligé de lui hurler dessus. Le petit diable a grandi, déjà.
Je vais attendre la nuit. Observer les ombres.
Les vivants.
Ou autre chose.
Rien.
Je vais devoir entrer pour savoir.

J’entre par l’ancienne porte de service, celle planquée derrière les cyprès morts, à l’arrière du bunker de Gary et Karen. Elle grince à peine, un souffle de métal usé, comme si elle-même regrettait de s’ouvrir. J’ai l’arme a l’épaule, doigt tendu sur la gâchette. Oggy reste derrière moi, il sait lire l’air comme un vieux sorcier. Il renifle la mort.

Il fait noir. Noir comme dans la gueule d’un vieux monde qui digere me passé.

Des traces de lutte dès le couloir. Meubles renversés, des restes séchés sur les murs, des bouts de chemise, une chaussure d’enfant. Un bunker, c’est censé être un abri. Ici, c’est un champe de bataille avec des angles droits.
Le tunnel qui relie à l’autre bunker, celui d’Edward, à été barricadé. Des meubles soudés à la plaque d’acier. On dirait que quelqu’un a voulu empêcher les autres d’entrer… ou de sortir.

Je retiens mon souffle. Une odeur de vieux sang, de pisse, de fin de partie.
Je continue. Pas à pas. La lumière défaillante rebondit sur les murs froids, sur les boîtes de conserve éventrées, sur des dessins griffonnés sur les cloisons.

Et puis je tombe sur la chambre transformée en cellule, verrouillée.

C’est là.

Karen est allongée sur le sol, une flaque de maigreur, les cheveux collés par la crasse. Gary est recroquevillé contre le mur, il bouge à peine quand j’entre. Ils sont vivants. À peine.
Des chaînes aux chevilles. Une gamelle vide. Des couvertures qui puent la fièvre.

Ils me regardent comme on regarde une hallucination. Comme si j’étais un souvenir trop lumineux dans un monde trop sombre.

— Leo ?…
Un reste de présence permet a Karen de me remettre.
Je hoche la tête. Je dis rien. Les mots, ici, c’est du luxe.

Je fouille les pièces adjacentes. Et je la trouve, leur fille. La petite carcasse gît au milieu de la pièce principale. Une balle nette dans le sternum. Dans une pourriture immobile. Pas de cri. Juste le silence des exécutions.
Je reste là. Longtemps. À la regarder. Une poupée trop petite pour la guerre.

L’armurerie est vide. Évidemment. Même les chargeurs sont partis.

Pas de brèche aux portes. Pas d’explosion. Pas de forçage. C’est venu de l’intérieur. Ça peut etre que Edward Horn. Les éleveurs de chèvres sont probablement dans le même état.

Horn, le bon gestionnaire. Horn, le rationnel. Horn, l’homme qui n’a jamais cru à la démocratie du village, mais qui souriait pendant les votes.
Il a dû débarquer quand les tensions ont grimpé. Quand les provisions se sont partagées. Quand la peur a demandé un leader au menton carré.

Et il a pris. Pris ce qu’il voulait. Pris le contrôle.

Je retourne voir Gary. Il lève les yeux, parle entre deux râles :

— Il est venu la nuit… avec les 2 gosses… il disait qu’il fallait mettre de l’ordre… que les faibles c’etait dangereux… il voulait tout décider, chez lui et chez nous.

On a refusé.
Il a cramé de l’intérieur.

— Et Skylar ? Walter ? Et les enfants?

Il secoue la tête, comme s’il remuait la poussière dans son crâne.

— Je sais pas… on n’a plus rien su après qu’ils aient barricadé. Ils ont pris les armes. Et ils nous ont laissés là. Un gosse vient nous jeter à bouffer. Les restes.

Je serre les dents. Je regarde la gamine morte.
Le rêve de village démocratique, foutu en l’air par la vieille mécanique du pouvoir : peur, armes et pouvoir.

Je veux aider Gary et Karen à se relever. Jai l’impression que je vais tuer ces figurines fragiles. Je leur donne de l’eau, un peu de ration. Oggy les fixe sans grogner.

Je pense aux autres bunkers. À ce qu’il reste, ou pas.
Je pense à Edward Horn, planqué dans le cœur de cette forteresse qu’on avait bâtie ensemble, à coups de confiance et de naïveté.

Et je pense à Skylar.

Je ne suis plus là pour survivre. Je suis là pour libérer. Pour rendre justice, si ça veut encore dire quelque chose.

Et moi j’ai les clefs de la forteresse.

———————–

Je laisse les ombres de Garry et Karen et l’immonde carcasse de la fille.
Je decide de franchir le reste de barricade défoncée qui mène aux autres bunkers..
Edward attend sûrement quelque part, bardé d’armes avec ses 2 fils.
Trois pas dans l’enfer, dans le couloir qui débouche vers le pire.
Le petit chien le sait, il en mène pas large. Mais il me colle au basques. Il recule pas. Il couine pas. On est ensemble. Le scénario en solo n’existera pas.

Au milieu de ce tube de beton je découvre que l’abris de Walter et Skylar est barricadé, soudé et condamné de l’intérieur. Leur abris est peut etre endommagé mais il sont peut être toujours la.
Je résiste a l’envie de tambouriner et de crier.
Pas besoin d’avertir que j’arrive, ils ont déjà l’avantage du nombre.

C’est comme ça que ça se joue.
Parfois t’as un flingue.
Parfois t’as une idée.
Et parfois t’as plus rien.
Tu jettes les dés, alors que la logique c’était de se barrer.

Je trouve leur porte ouverte.
Ils me prennent à l’angle du 1er couloir. Dés l’entrée. Coup de génie ou bêtise.
Tout bascule. Mon esprit se rend à lui même. J’ai envie de me laisser aller, d’arrêter de lutter.
C’est fini pour moi.

Ils sont là.
Edward Horn, debout, bien droit, comme un fusil qui aurait appris à parler.
Et ses deux gosses, à peine sortis de l’adolescence, mais déjà sculptés par la haine.

Ils m’ont vu venir, ce réseau de bunker est plein de systèmes de détection trop perfectionnés pour que je passe entre les mailles du filet.
Ils étaient disséminés, comme des rats intelligents.
Pas un mot.
Juste des yeux.
J’ai pas le choix, je me rend.
Je sais qu’ils peuvent tirer, qu’ils ont envie de tirer, ça se voit dans leurs grimaces tremblantes comme des masques de démon.

Je lève les mains.
Lentement.
Les bras sont lourds comme des aveux.

Ils m’entourent.
Me fouillent.
Me prennent mon arme, mon couteau, jusqu’à ma lampe frontale.

Ils m’interrogent, ils veulent savoir, je sais qu’ils vont me buter.

Je sens qu’ils veulent le faire. Qu’ils ont l’habitude.
Pas vite. Pas tout de suite.
La pire horreur est d’y voir un plaisir qui monte, un faux suspens sadique.
Ils veulent goûter ma peur, en faire un petit festin avant de m’éteindre.

Mais voilà.
Y’a une idée.
Une seule.
Saugrenue.
Ridicule d’abord,comme toutes les idées qui changent tout.
Puis évidente.

Comme disait le vieux philosophe des étoiles.. « La où croît le péril, croît aussi ce qui sauve »

Moi, j’avance.

Trois pas. Lents
Vers la 1ere porte.
La cuisine.

Ils bougent pas. Je que je fais n’a aucun sens.
Ils comprennent pas.
Ma lenteur ne trahit aucune intention.
Dans l’encadrement de la porte, je suis toujours à la merci des canons excités. Je suis toujours piégé 30m sous terre.

Les 2 ados cherchent dans le regard du vieux. Attendant une nouvelle indication.
Le vieux derrière avec le fusils sur l’épaule dans une pose de chasseur victorieux à pas le temps de me coller une balle.

Je glisse la carte.
La sainte carte. Celle qui donne tous les droits. Qui écrase tous les autres.
Celle que j’ai eu huit ans plus tôt, en suisse. Pour dépanner les abris dans l’urgence. C’est un peu ce que je fais.

Elle passe.
Bip.
Vert.
Un clignement.
Et puis… le verrouillage d’urgence.

La lumière change.
Le bunker tousse.
Un rale de machinerie.

Dans un souffle d’acier les portes hydrauliques se ferment.

Un bruit de fin.

Et moi, je suis dedans.
Avec les vivres.
La réserve principale.

Et eux…
Derrière la vitre.
Incrédules, enragés.

Derrière 1 tonne d’acier au carbone.

Par le petit hublot blindé à hauteur de visage je vois, les bouches déformées qui hurlent le silence.
J’entends à peine les tirs qui s’écrasent sur la porte.

Je les regarde.
Je m’assois.
Je mange un biscuit.

Je deviens peut-être fou,
mais j’ai du sucre dans le sang
et eux, ils n’ont plus rien.

Ils ont les armes et la colère. Moi j’ai le temps, beaucoup de temps.

Des jours passent.
Peut-être des semaines.
Je ne compte plus.

Le père, Edward, le grand stratège,
le chef de meute, à vite compris.
Il tombe le premier.
Les visages horribles de la faim sont écœurants.
Un grand corps qui s’effondre,
comme une vieille poutre dans une maison pourrie.

Les deux fils…
Deviennent dingues..
Ils tournent.
Ils le bouffent.

Pas de suite. Pas tout.

Trop tard. Ils ont mordu dans la mort.

Plus tard le cadet se met à trembler,
à suer comme un porc mal cuit.
Il chie ses tripes, la bouche pleine de bile et de panique.

Il meurt en hurlant, la tête contre la cloison, et moi je le regarde, impassible,
avec Oggy à mes pieds réfugié dans un sommeil innocent.

Le dernier…
Le plus grand.
Celui qui avait hésité à me tuer.

Il se plante là,
face au hublot,
me regarde droit dans les yeux,
sort son flingue,
le place sous son menton,
et tire.
Ses yeux qui me maudissent éclatent.

C’est net.
Un geyser rouge sur la vitre.
Comme une fleur sale.

Silence.

Plus rien.

J’appuie sur le verrou.
La lumière tressaute
Le bunker respire à nouveau.
Comme s’il avait fini de digérer une maladie.

Je sors.
Pas pour fuir.
Mais pour libérer ceux qui restent.

Je m’effondre contre la cloison, les muscles cuits, le cœur en boule.
J’ai plus dormi depuis longtemps dans mon bocal.
Mais y’a encore des vivants.
Et dans ce monde, ça compte comme des miracles.

Gary et Karen.
Deux cicatrices qui tiennent debout.
Ils parlent peu.
Je les aide comme je peux. Eau, couverture, silences partagés.
Le corps de leur fille… je l’enveloppe dans un drap.
Karen veut la garder encore, une nuit.
J’ai pas le cœur à discuter.

Le lendemain, je rallume les circuits.
Je recable les portes.
Je réactive l’intercom mural.
Une voix grésille.
Dure d’acier et d’attente.

— Ici Leo
Un souffle, puis un craquement.

— Walter ?

Silence.
Puis une voix.
Étranglée par le manque d’espoir.

— Leo… ? Bordel, c’est vraiment toi ?

— Ouais. J’ai survécu. Je suis usé mais je suis là.
— Skylar est là aussi… Et les enfants. On pensait que tout était perdu.
— J’ai retrouvé Gary. Karen. Leur fille est… partie.
— On a entendu les coups de feu. Edward ?

Je ferme les yeux.
J’inspire.

— Ils sont tous morts. Jusqu’au dernier.

Long silence.

— Pas tout de suite. Faut remettre le réseau en état. Sécuriser. J’ai dû verrouiller pas mal de passages. Mais je vais le faire.

Je dors peu, je répare. Je ressoude, je purge les circuits.
Je ramène les vivres dans les réserves. Je trie. Je stocke. Je fais les comptes.

Gary reprend des forces. Karen, elle flotte entre deux eaux.
Walter et Skylar sortent enfin de leur condamnation. Les gosses me regardent comme un animal rare.

Le soir, on s’assoit tous ensemble.
Autour d’une table.
Un luxe.

Je raconte. La surface..

— Je vais repartir. Faut que je continue. J’ai une idée… idiote peut-être. Mais c’est tout ce que j’ai. Y’a des gens dehors. Des bons. Des montres aussi. Mais certains… méritent de pas etre bouffés
— Et tu comptes faire quoi, Léo ? Devenir Captain America? crache Walter en grattant sa barbe.

— Non. Juste un rallumer des feux. Je vais ouvrir les bunkers que je peux. Filtrer. Choisir. Pas comme un dieu, non. Mais comme un homme qui a vu trop de saloperies. Ici, vous avez un point de départ. Accueillez les bons. Aidez-les à survivre. Faites des gosses. Faites mieux que ce qu’on a fait, nous. Et moi je ramènerai ce que je peux, un par un, comme des graines.
Je trouverai d’autres endroits comme celui là, je vous relirai d’une manière ou d’une autre.. la radio c’est tout ce qui reste.

Skylar me regarde.
Y’a un éclat dans ses yeux. Quelque chose d’ancien. D’infime.
Pas un espoir, une prise ou s’accrocher.

— Tu crois qu’un nouveau monde est possible la haut?
— Je crois qu’on a touché le fond. Alors ouais. Maintenant on peut construire. Avec de la merde et des clous, peut-être. C’est peut être pour le mieux.

Oggy dort sous la table.
Les enfants caressent son dos.
Le monde a pas encore été sauvé.
Mais il respire un peu.

Ça serait facile de rester..

——————

Le feu crépite dans un vieux baril vide. On dirait une grotte d’avant le monde. Pas l’abris qui concentre tous les progrès humains.
Autour, les visages sont plus doux. Plus calmes.
On s’est parlé. Enfin.
Pas comme des survivants. Un peu comme des humains.

J’ai évoqué Lisa.
Son nom est sorti comme une prière.
Je croyais le garder pour moi. Pour la protéger. Pour pas qu’elles’échappe en mot par ma bouche.
Mais fallait que ça sorte. Fallait qu’ils sachent.
Parce que c’est beau. Ce que je fais c’est est une bouteille à la mer.
Un radeau.
C’est pour our elle.

— Atlantys Sécurité, dit Walter en caressant sa barbe, les yeux plissés.

Je tourne la tête.

— C’est ça Le nom de la boîte qui nous a enterré là.

J’acquiesce.
Elle aux ressources humaines. Moi à la technique.

Deux anonymes dans un bâtiment trop grand. Et pourtant.
Les corps, les âmes se reconnaissent avant nos propres intentions. Un mot, regard, le hasard, et cette présence qui finit par s’accrocher à votre bonheur.
Un mot. Un regard. Un biscuit oublié sur le bord d’un bureau, des réunions inutilement longues.

C’était pas prévu.
C’était même interdit.
Mais on s’est aimé, vite, sans s’en rendre vraiment compte. Naïvement, joliment
Pas comme on se touche.
Mais comme on s’attache.
Comme des noyés qui se retrouvent à la même surface du rêve.

Puis y’a eu le black-out.
Cette implosion tranquille du monde.
Jetait en voyage comme toujours.
On devait se retrouver 2 semaines après.
Et elle… elle s’est évaporée avec l’espoir, dissoute dans l’immensité du monde.

— Elle peut être partout, je me dis à voix basse. Dans un bunker. Ou morte. Ou pire.

Skylar se lève d’un coup. Fait deux pas. Fouille dans mon sac.
Elle revient avec mon vieux téléphone.
Cassé. Sale. Mais entier. Je le garde pour écouter sa voix, revoir sa tête sur les photos.

— T’as jamais essayé ça ?

Je fronce les sourcils.

— Quoi, le portable ?

Elle sourit.

— Oui. Hors réseau. Mais t’as peut-être encore la dernière synchro. Un agenda, un rendez-vous. Un indice. C’est idiot peut-être…

— … ou c’est moi l’idiot de pas y avoir pensé.

J’ai jamais eu l’habitude de regarder les agendas.. elle le faisait à ma place.. en me disant « tu me fatigues »
Je branche le panneau solaire.
: l’écran s’allume.
Des pixels de souvenirs.
Et puis… là.
Un mot. Un rendez-vous. Une date.
Une adresse.

Réunion au siège Europe d’Atlantys Sécurité.
En Suisse.

Mon cœur loupe un battement.

Peut-être.
Peut-être pas.
Mais c’est une direction.
Un appel.

Je lève les yeux.
Skylar me regarde sans rien dire.
Mais elle sait.
Je lui prends la main. La serre. Comme on remercie sans avoir les bons mots.

Je pars à l’aube.
Parce que c’est plus poétique.
Mais parce que c’est l’heure où les cauchemars dorment encore.

J’ai une direction, maintenant.
Un point sur la carte, une boussole au fond du ventre.
Elle.
Lisa.

Le réseau Atlantys.
Je connais l’implantation.
Je trace une ligne mentale, d’abri en abri, comme un jeu de piste.
Ils ont été fous de tout prévoir.
Et moi, assez con pour croire que ça n’arriverait jamais.

Je pars avec Oggy.
Mon chien, mon frère.
Il a grossis et grandit, il ressemble de plus en plus à un molosse.
On partage le silence, les odeurs, la peur.
Lui, il sait. Il sent.
Il me regarde parfois comme si j’étais Dieu.

Pennsylvanie.
C’est la première étape.
Les collines ravagées, les fermes muettes.
Le goudron mangé par la mousse, les panneaux rouillés où les lettres bavent leur agonie.
On traverse les ombres de ce qui fut l’Amérique.
Des coques de maisons éventrées, des écoles en silence, des pompes à essence qui pissent la rouille.

Puis vers l’est.
On finira par New Jersey.
Les bretelles de l’ancien monde, tordues par les tremblements et les pillages.
Je les connais par cœur, ces routes.
Elles me hantent depuis que j’ai cessé de dormir.

Et puis New York.
Ou ce qu’il en reste.
Là, je devrai décider.

Traverser l’océan.

Mais comment ?
Un bateau ? Peut-être.
Un voilier. Un moteur encore tiède dans un port oublié.
Un avion ?
Un pilote ?
Un miracle.

Je passe le trajet à chercher un plan, à fouiller mes souvenirs.
Des zones de stockage. Des hangars sécurisés.
Peut-être un centre logistique de l’armée où il resterait de quoi voler au-dessus des vagues.

Ceux que j’ai laissés au bunker, je leur ai donné une graine.
À eux de la faire pousser.
Moi, je suis parti avec quelque chose d’illégal ici : un rêve.

Deux mois de route.
À bouffer de la pluie, du goudron décomposé, du froid dans les os et des silences lourds comme des cercueils.
Deux mois à dormir sous les arbres, à voler des œufs pour survivre, à parler à Oggy comme à un vieux père qui répond plus.
Deux mois à vomir le courage sur la route et à rêver de Lisa.
Mais j’y suis.

Harrisburg.

Ou ce qu’il en reste.
Une bourgade éventrée, les maisons debout par simple flemme de s’écrouler.
Des poteaux téléphoniques dressés comme des croix penchées.
Et là, au bout d’un chemin mangé par les herbes et les pneus crevés :
Le bunker du shérif.

Pas une planque de technocrate parano.
Un abri vrai, rustique, enfoncé dans le flanc d’un talus, camouflé sous des plaques d’acier, de bois et de terre.
Y a même une plaque rouillée dessus :
“IN GOD WE TRUST – LE RESTE, ÇA DÉGAGE.”

Je m’approche, les bras visibles, Oggy à mes pieds.
Pas un bruit.
Juste le vent et le sifflement d’un vieux chêne.
Puis, un cliquetis.
Un œil dans un judas.

— Putain… t’es qui?
Je sais qu’il m’a reconnu mais il attend confirmation.
— Leo en chair, en crasse, et avec un chien.
— Attends, bouge pas.

Trois verrous. Un glissement de porte.
Et le voilà :
Jack Walcot,
l’ancien shérif du comté.

Un type massif, genre tronc d’arbre avec un badge.
Barbe taillée à la machette, regard perçant comme un vieux faucon.
Il porte toujours son uniforme, élimé, rapiécé avec des morceaux de drapeau.
Et il tient un fusil comme d’autres tiennent leur foi.

— T’as l’air d’avoir traversé l’enfer.
— J’ai pas fait qu’y passer. J’y ai planté une tente.
— Allez, entre. T’es chez les gens droits ici.

À l’intérieur, c’est du brut, du vrai.
Pas de domotique, pas d’IA, pas de gadget.
Juste des vivres, des munitions, des radios à manivelle et des crucifix sur les murs.
Le genre d’endroit où on sait d’où vient chaque goutte d’eau et chaque balle.

Il me sert un café noir comme l’abîme.
On s’assoit, face à face, le flingue posé entre nous, par respect.

— T’as survécu aux arpenteurs.. tu dois venir de loin.

Il m’écoute.
Je lui raconte les bunkers, Gary et Karen, Walter, les mômes, le sang, la faim, ceux qui craquent, ceux qu’on laisse.
Et puis Lisa.
Toujours Lisa.

— T’as un plan, Leo ?
— Ouais. Un rêve. Un réseau. Des points sur la carte où on remettrait un peu de justice, un société a dessiner dans les cendres. Une meilleure qu’avant.
— T’as trouvé le bon patelin, alors. Moi, j’en suis. T’as ma voix.

Il me serre la main, fort, sec.
Le genre de poignée qu’on n’oublie pas.

Évidemment qu’il aime le plan.
L’ordre, défendre les orphelins c’est sa vocation.
Et surtout dans son œil qui supplie je vois, l’envie de retrouver quelque chose à faire, un sens, de pas devenir fou.

Un peu plus tard, il me montre la radio,
Rien sur la fréquence de la police.
Un autre shérif parfois.
Plus depuis 1 mois. Il devait le rejoindre.
D’autres types droits, planqués dans des trous, qui attendent qu’on les rallume.

Une deuxième graine.
Les racines du monde nouveau commence à pousser.

—————

Je gueule. Je peux pas m’en empêcher. Il a le don d’appuyer ou il faut.
Tommy a encore filé dans ce foutu champ de maïs. Il sait que je veux pas. Et on dirait que ça l’amuse d’autant plus. On soit passer par la pour aller à la source.
Un vieux champ mutique, plus entretenu depuis longtemps, mais les tiges tiennent encore, dressées comme des ancêtres sous le vent.
Je vois plus sa truffe, j’entends plus ses pattes marteler le sol.

Seulement un bruissement, comme un secret qui serpente entre les feuilles.

— Tommy ! Reviens ici, putain de chien !

Ma voix se perd dans la pente.
Il fait encore chaud, même en altitude. La sueur me brûle les tempes.
Et mon cœur tape trop fort pour un simple chien en vadrouille.
Mais c’est pas juste ça.
C’est la peur. La peur qu’il tombe sur un piège. Sur une patrouille.
Ou pire : sur un de ces types arpentent, ceux qui sentent la poudre, la viande froide et la haine.

Je m’avance dans les maïs, doucement.
Chaque pas me fout des griffures sur les chevilles.
Puis un grognement.
Tommy, petit salaud.
Il s’est allongé dans une trouée, les babines pleines de poussière, content de sa connerie.

— imbécile !

Il se relève, me regarde avec cette tête de chiot qu’il n’a plus depuis longtemps.
Bien sur.
Je m’agenouille, je finis par le serrer contre moi, trop fort sûrement.
Je sens son odeur de chien vivant. De compagnon.
Mon dernier ami.

On redescend.
Les pas dans la poussière, l’air tiède du soir qui arrive.
Je l’aime, cet endroit.
C’est rude, mais propre. C’est simple.
Dire que je trouvais la vie d’avant ennuyeuse..
Le silence n’est pas plein de menaces, ici.
Il est simple, vide, presque doux.

On longe la crête, on passe sous une arche naturelle, entre deux blocs de pierre que j’ai marqué d’un signe au charbon.
Personne ne viendrait ici sans se paumer.
C’est chez moi.

Mon campement est au creux d’une clairière.
Invisible depuis les hauteurs, protégé du vent.
Trois bâches tendues entre des troncs, une vieille toile de tente pour les nuits froides, des filets de camouflage couverts d’épines et de branches mortes.
Des pierres disposées en cercle pour le feu, un petit récupérateur d’eau de pluie fait avec une gouttière en inox.
Un hamac en hauteur, où je dors quand j’ai peur.

C’est pas le paradis.
Mais c’est libre.

Je supportais plus le bunker.
Les voix qui résonnent enfermées sous la terre, les regards qui se percutent entre les murs.
La promiscuité.
La lumière artificielle.
Les conflits larvés, les couples qui se déchirent à huis clos.
Moi j’étouffais.

J’ai pris Tommy et j’ai grimpé, encore et encore, jusqu’à sentir la mousse sous mes doigts et la pluie sur mon visage.
C’est ici que je respire.
C’est ici que je vis.
Ou que j’attends. Je sais pas.

Je disais souvent « je sais pas ».
Mais au fond je savais, souvent.
Il y a des trucs, trop compliqués, ou trop durs à dire sans que le cœur s’échappe tout entier avec.

Il y a des soirs comme ça où je pense à Leo.
Je me souviens de lui derriere son écran, les pieds sur la table, ou en chaussettes, ses idées trop grandes pour la boîte.
Il regardait tout de travers..
Et moi je le regardais lui.
Je me suis attachée à son silence, à sa présence qui disait tout sans parler. A sa folie, prête à tout renverser.
J’ai résisté.
Mais on résiste pas très longtemps à ceux qui vous aiment sans condition. Avec tant de certitude.

Je sais pas s’il est mort.
Je sais pas s’il me cherche.
Mais parfois, Tommy redresse la tête comme s’il flairait quelqu’un au loin.
Et moi j’ai envie d’y croire.
Parce que survivre, c’est rien si personne ne vous cherche. Si c’est juste pour se laisser vivre..

Je cherche ma bouffe comme on cherche de l’équilibre.
À tâtons, le cœur en veille.
Par choix, par instinct, par respect.
Je pourrais tuer si j’avais faim, vraiment faim. Mais je préfère encore ronger une racine que mordre dans un animal.

J’ai appris à reconnaître les bonnes plantes.
Celles qui piquent mais nourrissent.
Celles qui sentent la terre et la survie.
Je gratte la mousse, je retourne les pierres.
J’écoute les arbres me dire ce qui pousse à leurs pieds.

Les champignons sont les pires :
un sur trois veut ta peau.
Je les trie comme on trie ses souvenirs.
Avec lenteur, méfiance.
Parfois je tombe sur un buisson de mûres et je redeviens une enfant, les levres bleues, le cœur plus léger.

L’eau, cest jamais un problème.
La rivière coule en contrebas, comme un rappel que tout ce qui passe ne s’arrête jamais vraiment.
Elle est froide, claire comme l’innocence d’un monde oublié.
Je m’y baigne, nue comme au premier jour.
Le chien me regarde sans comprendre, les oreilles en point d’interrogation.
Tommy, il est pas confiant dans l’eau. Il attend sur la berge comme un gardien attentif.

Le soleil est ma deuxième nourriture.
J’ai gardé des panneaux de l’abri, j’ai tout trimballé dans un sac trop grand pour mes épaules.
Je les ai posés sur un versant sec, prêts à capter le feu du ciel.
Ils me donnent assez de jus pour un réchaud, une lampe, et ce vieux téléphone que j’allume parfois, comme on allume une chandelle à la mémoire d’un amour.

Je vis là, entre la roche et les prairies.
Comme suspendue dans cette carte postale. Sans les gens
En attente.
Mais de quoi ?
Peut-être de lui.
Peut-être de moi-même.

—————————

Totto l’a senti.
Il a sauté autour de moi comme un cabri.
Les pattes dans les ronces, le museau fou dans l’air, l’excitation qui pue la liberté et la connerie.
Il sait. Avec ce sixième sens préhistorique.
Peut être qu’à force de régresser vers les cavernes on va nous aussi retrouver notre intuition de bête.
Quand je plie mes affaires, il devine déjà la direction.
Quand je reste trop longtemps immobile, il gémit comme un rappel de vivre.

Je lui dis qu’on y retourne.
Vers l’abri.
Vers le béton, les échos, dans les couloirs sous la terre.
Il comprend pas les mots, mais il comprend la musique.
Alors il m’attend devant, la queue battante.

Je pars à l’aube.
La montagne derrière moi, comme un rêve qu’on replie contre son cœur.
Je descends par les chemins creux, les passages de cerfs et les sentiers oubliés.
Chaque bruit est une alerte.
Chaque pas un pari.
Je me fonds dans le vert et la poussière.
J’ai l’habitude de me faire toute petite.
Je suis fine et souple je sais disparaître avec la fluidité d’un chat.

Au milieu des arbres, tres haut, une cabane.
Perchée dans un arbre, comme une enfance suspendue au ciel.
Je grimpe.
Je ris un peu, seule, en silence, ça me fait du bien.
Un vieux pull accroché à un clou.
Un reste de vie.
Je pense à Leo, à ses rêves de forêts, de refuge et de hauteur, au-dessus du chaos, les pieds dans les nuages.
J’y reste une heure, peut-être deux.
Puis je repars Quand Totto gémit pour m’avertir qu’il a finit de renifler tout le paysage.

Plus bas, les routes se font larges, éventrées.
Je les évite.
Je longe les fossés, les talus, les grillages rouillés. Jamais loin d’un défaut, d’une faille ou disparaître.

Et puis je les entends.
Le bruit d’abord, lourd et mécanique.
Un grondement de bête industrielle.
Un camion.
Gros.
Sale.
Un troupeau de gueules de mangeurs d’enfant.
Vingt peut-être. Avec des outils, des haches, des pelles, des barres de fer.
Certains chantent. D’autres tapent sur la tôle comme pour se donner une cadence de guerre.
Ils ricanent fort, trop fort, comme une meute alcoolisée.

Je me plaque au sol sous un bloc de beton effondré dans le talus.
Je retiens ma respiration.
Totto aussi, comme s’il savait que c’est le silence qui nous sauve.
Ils passent, sans voir. Sans même imaginer.
Ils ne montent pas vers la montagne.
Trop de pentes. Trop de pierres.
Trop de mystère.
Je souffle.

Et je me dis que Leo, lui non plus, ne viendrait pas là. Il trouverait jamais.
Peut-être qu’il est passé par l’abri.
Peut-être qu’il a laissé un mot, un signe.
Peut-être qu’il m’a cherchée.
Alors j’y vais.

Mais quand j’arrive,
le monde me tombe dans la poitrine.

La porte.
La putain de porte.
10 tonnes d’acier inviolable.
Celle qui aurait pu garder la porte des enfers.

Elle est ouverte.
Pas entrouverte.
Pas forcée.
Détruite.
L’acier rongé, martyrisé, comme si une armée de termites métalliques y avait gratté pendant des nuits.
Traces d’explosifs.
De disqueuses.
De produits chimiques.
Un travail de jours.
De semaines peut-être.
Ils ont voulu entrer.
Ils ont réussi.

Les cadavres dans l’entrée, brûlés, mitraillés par les défenses automatiques.
Des corps entassés, mutilés, vidés.
Un carnage calculé.

Je tremble.
Pas de peur.
De dégoût.

Ce siège, c’était un organe central du réseau.
Atlantys Sécurité.
Le leader.
Le cerveau.
Évidemment que c’était une cible de choix. Presque un showroom itech des dernières innovations pour la survie.
Ici il y avait les clefs. Les vraies. Au moins une.
Celles qui ouvrent tout.
Celles que Leo connait.

C’est peut-être ça qu’ils cherchent?
Le clef de leur nouvel empire.
Et s’ils l’ont déjà ?
Non…
Je panique. Si faut ils ne connaissent même pas l’existence de ces clefs.
Ils ont pillé simplement.. récupéré l’emplacement de tous les autres abris plus certainement.

C’est pas juste un groupe d’arpenteurs. Ils sont équipés, déterminés et organisés.
Finalement je prie pour que Leo soit loin d’ici. Toujours de l’autre côté de l’atlantique.
Même si je ne prie jamais.

Je m’assois à l’entrée.
La bouche fumante d’un enfer blessé. Qui crache l’ombre et le silence.
Le béton est chaud.
Le monde est vide.
Et Leo, peut-être vivant.

—————————-

J’ai toujours su que la peur, ça se choisit pas.
Ca vient par le ventre, c’est dans le code primitif de notre ADN.
Y’en a qui se figent comme des statues deja mortes.
Y’en a qui hurlent, qui saignent des yeux rien qu’à l’idée de voir.
Moi, je coupe.
Je débranche les nerfs.
J’avance.
Et je ressens plus tard, si ça vient.

Fouineu il sent que c’est pas un jour de jeu. Il ne court pas.
Il colle. Le museau eteint entre ses pattes.
On entre.

L’odeur est là, tout de suite.
Ça sent la mort, fraîche, celle d’un souvenir qui ne veut pas sécher.
Au début ils y sont allés à l’explosif.
Le béton transpire encore le sang. Les murs repeints par les tripes et la peur comme une brûlure écarlate.

Je descends.
Un couloir. Puis un autre.
Des plaques tordues, des câbles arrachés.
On dirait qu’on a retourné les entrailles du lieu.

Dans la première salle, y’a plus rien.
Ni conserves, ni sacs, ni vivants.
Des caisses éventrées, du plastique brûlé.

J’avance encore.
Et au milieu de tout ça : le silence.
Épais, indécent.

Je découvre un dortoir.
Les lits.
Et dedans… des corps sous des couvertures de dénis.
Alignés.
Des yeux ouverts qui ne voient plus rien.
Surpris à bout portant, la dignité évicerée sur les matelas.

Fouineur gémit.
Il tourne en rond, renifle une flaque sèche.
Puis il me regarde.
Moi j’ai déjà vomi.
Il lèche ça doucement, comme s’il voulait réparer quelque chose.
Il comprend tout.
Mieux que n’importe qui. Il ne pense pas, il ne sait pas. Il ressent. C’est tout ce qu’il y a à faire. Et je l’aime.

Je continue.
Je veux voir jusqu’au bout.
Je veux comprendre.
Savoir jusqu’où on peut aller.

Dans la salle de commandement, je le trouve.
Le directeur.
Enfin, ce qu’il en reste.
Le torse est là.
La gueule, c’est un puzzle.
Mais l’uniforme est là aussi.
Atlantys Sécurité.
Le blason.
La cravate ridicule.
La cervelle sur les épaules.
Je détourne les yeux, mais c’est trop tard.
L’image s’imprime. L’absence de visage agressée par son souvenir.

Et là, au sol, à côté de son corps, sa mallette.
Ouverte.
Vide.

Ils connaissent tous les autres emplacements maintenant.
La carte aux trésors.
Et la clef. Ils l’ont prise bien sur.
La clef maîtresse, parmis les autres inutiles.

Celle qui ouvre tout.
Tous les bunkers Atlantys.
Toutes les serrures.
Toutes les espoirs en sursis.

S’ils savent…
S’ils comprennent ce qu’ils ont…

Je m’assois dans le sofa.. Dans les corps j’ai cherché son visage, pour ne pas le trouver. Surtout ne pas le trouver.

Il est ailleurs. Sûrement dans un autre abris..
Je pleure un peu.. je pleure toujours quand c’est fini, une fois que j’ai trouvé, que j’ai gagné.
Un peu d’espoir.
Avant il faut avancer.
Fouineur se ramène heureux, avec une pompe dans la gueule.
Pourvus qu’il n’y ait pas le pied à l’intérieur..
Je l’engueule.
Lui il est toujours là pour me ramener à des choses plus terres à terres. Plus futiles. Au présent.

Je remonte à la surface.
Je respire le ciel comme apres une fièvre.
J’ai besoin de la lumière, qu’elle m’aveugle.
J’ai besoin de silence, mais le vrai, pas celui de ce tombeau d’acier.
Le silence des herbes, des pierres, du vent dans les arbres.

Je ne veux pas rester ici.
Pas une nuit.
Pas une heure de plus.

Devant l’entrée.

J’attrape un morceau de charbon.
Je grave dans le béton une bouteille à la mer. Un message qu’une seule personne ne pourrai déchiffrer.
Personne d’autre que lui ne doit me retrouver. Me retrouver à l’échelle du monde, pas enterrée avec des fantômes.

Dehors.

Sur le montant de la porte en acier je trace :
741852
Un vieux code qu’il m’avait laissé, caché comme un mystère dans le ventre d’un un livre.
Une sorte de poème crypté.
Les chiffres d’une tendresse silencieuse et secrète.

À côté, je dessine une montagne.
Simple, trois bosses.
Dessous, j’ajoute : 1h

Le temps qu’il faut pour me rejoindre. Un périmètre raisonnable.
Et un petit cœur.
Rien de plus.
Juste assez.

Je le frotte doucement du bout des doigts.
Ça salit mes petits doigts blanc d’enfant.
Ça me va.

Je repars.

Je ne cours pas.
Je prends les chemins tordus, les racines, les pentes.
Ceux que personne ne prend.
Ou personne ne me cherche.

Fouineur ouvre la marche.
Il se lance devant avec une innocence retrouvée.
Ça oublie vite les bêtes, il n’y a pas d’hier, il n’y a pas vraiment demain.
Sa queue frétille mais il fait pas de connerie. Il sent que j’ai besoin de calme.

Quand j’atteins le camp, la lumière tombe.
Je suis de retour dans mon monde.
Ma clairière.
Ma tente.
Mes pierres empilées.
Mon coin de rivière.
Là où j’existe sans avoir besoin d’expliquer.

Je réchauffe une conserve : pois chiches à la tomate
Pas bon, mais chaud.
Fouineur lèche le fond.
Ses yeux me disent qu’il ferait n’importe quoi pour moi.
Moi aussi.

Je parle aux animaux, je dors sous le ciel. Je suis un chamane du nouveau monde. Il m’en parlait souvent.
Prête moi ton reve ce soir Leo. Parcque c’est beau, parcequ’il invoque ta présence sous les étoiles.
Je me couche dans l’herbe, pas dans la tente.
Je veux le ciel.
Je veux le voir respirer.
Je veux voir s’il me répond.
Je regarde les étoiles comme on cherche une réponse dans le regard d’un enfant.

Je me dis qu’il comprendra.
Je me dis qu’il passera.
Je me dis que s’il voit ce que j’ai laissé, il saura que c’était pour lui.
Et que je suis encore là.
Encore vivante, comme un miracle.

Je ferme les yeux.
Et je m’endors au bord du monde, avec l’espoir sur à portée de rêve.

———————

Premier point sur la carte.
Premier abri.
Je pioche pas au hasard dans cette boîte de chocolat moisie.
Je connais la géographie des abris Atlantys comme je connais les rides de mes paumes : par cœur, et avec une certaine haine.

J’arrive dans les collines pelées de Pennsylvanie, là où les champs s’arrêtent net, en crevant.
Il y a une baraque.
Style ranch, tôle ondulée sur du bois de honte, avec des girouettes rouillées qui grincent comme des regrets.
Des pneus empilés, des bidons de mazout, une carcasse de pick-up où niche une famille de corbeaux.
C’est pas loin.
Difficile d’éviter tous les détecteurs.. j’essaye même pas.

Et lui.
C’est Clayton Boone.

Un nom de cowboy recyclé dans la déglingue.
Un visage qui a vu trop de saisons, trop de bouteilles, et pas assez de femmes tendres.
Crâne rasé, sauf un foutu îlot de cheveux gras — comme s’il s’accrochait à un passé qui veut plus de lui.
La barbe mange la moitié de sa gueule, l’autre moitié, c’est des cicatrices et des dents.

Il sent la graisse de gibier, le whisky, et l’homme qui s’est jamais excusé.

J’ai jamais su où il avait trouver tout ce blé pour s’enterrer.

Il me voit de loin approcher avec Oggy.
Par l’œil des caméras.

— « Bouge pas, l’Élu. J’ai pas encore décidé si t’étais un rêve ou un voleur. »
Sa voix, c’est du papier de verre mouillé.
Et moi, je suis trop fatigué pour jouer au con.

— « Leo. Je cherche un toit, un avion, ou un peu de chaleur. Dans n’importe quel ordre. »
Il recrache un bruit de glaire.
— « Moi c’est Boone. J’crois plus en rien sauf a l’alcool et aux fusils. T’as pas l’air d’un danger. Mais j’ai tué pour moins que ça. »

Je hoche la tête.
J’comprends les types comme lui.
Des vieux loups. Solitaires parce qu’ils mordent tout ce qui s’approche.
Mais y’a de la loyauté, là-dedans. Un reste d’humain planqué sous la rouille.

Boone me fait entrer sans trop de manières. Juste un regard en biais, une ride en coin.
Un coup d’œil au chien, un coup d’œil au fusil.
Pas un mot de trop. Pas de méfiance exagérée.
Il me laisse poser mon sac, et son silence ressemble à une main tendue dans un cimetière.

Ça me trouble.
Je m’attendais à un test, une menace, un prix.

Les armes vont dans le coffre dans l’entrée, mais c’est une formalité.

Juste un vieux gars fatigué qui a peut-être plus peur de la solitude que de moi.

— « T’viens d’où ? » il me demande, comme on demanderait l’heure en pleine guerre.
Je lui réponds pas vraiment. Il s’en fout. Il veut parler.

Il sert deux verres de quelque chose qui sent le feu et les regrets.
Il parle. Trop.
De sa terre, de son père qui le battait, de ses vieux rêves d’Alaska et d’autoroutes.
Il parle parce qu’il a pas parlé depuis longtemps.
Et moi, j’écoute. Parce que parfois, les ordures ont des voix de poètes.

Mais y’a un truc qui cloche.

D’abord, c’est rien.
Un détail. Une porte qui reste fermée. Une chaîne posée à plat sur une poignée.
Puis le regard qu’il lance quand je demande si quelqu’un d’autre vit ici.
Un battement de cil en trop.
Un poing qui se serre.
Un soupir qui sent la merde.

— « J’héberge… deux trois gens. Des paumés. Des types passés par là. J’aide un peu, tu vois ? Le monde s’est écroulé, merde, faut bien… »
Il regarde ailleurs.
Une main passe sur sa nuque.
Un tic nerveux, ou un sourire..

Je hoche la tête.
Mais je sens déjà que c’est faux.

Le chien aussi le sent.
Oggy reste près de moi. Les oreilles basses. Le museau qui fouine, qui sait pas où mettre sa confiance.

Je m’excuse.
Je vais pisser.
Et là, je passe devant un cellier.
Elle est là.

Une silhouette au fond.
Une jeune femme.
Assise, genoux contre la poitrine.
Les yeux éteints. Pas de peur. Même pas. Juste… le vide.
Comme si la vie avait foutu le camp. Comme si elle attendait plus rien, dans ses draps salles.
Pas même la mort.

Je reviens lentement.
Le cœur lourd. Les mains tremblent un peu.

Boone m’attend.
Il sait que j’ai vu.

Ses yeux ont changé.
Ils plissent. Ils cherchent.
Un combat intérieur.
Est-ce que je suis un complice ? Un type qui va fermer sa gueule ? Ou bien un emmerdeur, un justicier, un connard à flinguer avant la potence ?

— « C’est pas c’que tu crois, » il lâche.
— « Et c’est quoi alors ? » je demande, calmement.
— « Elle était foutue. Seule dans les bois. J’l’ai sortie de la mort. Elle pouvait plus marcher. J’lui ai sauvé la vie, bordel. »
— « Et après tu lui as demandé de te remercier ? »
Il se tend.
Une veine claque sous sa tempe.
Il saisit son verre. Le serre. Trop fort.

— « Elle mange. Elle dort. Elle est protégée. »
— « Elle est enfermée. »
— « Elle est vivante. »
— « Toi aussi, pour l’instant. »

Un silence.
Épais comme du goudron.
Oggy grogne.
Boone bouge pas. Il attend. Il sait pas encore si ça va saigner.
Moi non plus.

Je sens l’adrénaline couler dans mes bras.
Mon cœur bat comme une porte qu’on cogne.
Je pourrais le tuer. Là. Maintenant.
Mais je veux pas tuer par automatisme. Pas encore. Un pauvre type, pas un monstre. Peut être pas..

Je le regarde dans les yeux.
Lui, il me regarde comme un chien acculé.
Il hésite. Il flippe. Il regrette peut-être.

Mais je vois aussi un truc en lui.
Une part qui sait.
Qu’il a merdé. Qu’il est plus un homme. Qu’il est plus avec moi. Qu’il est seul, encore.
Et que son heure pourrait venir.

Boone s’effondre pas, pas vraiment. Mais sa voix change. Un truc plus aigu, plus fragile, comme une corde qui lâche dans les tripes.

— « Elle… Elle était paumée. C’est pas c’que tu crois. Elle était seule, putain, bouffée par les tiques et la faim. Elle parlait presque plus. Moi, j’lui ai filé à manger, une douche chaude, un toit. Elle a dit… Elle a dit merci. »

Il parle vite, comme s’il voulait me devancer, me noyer sous ses mots avant que je pense trop fort.

— « Puis elle s’est rapprochée. Elle a… elle a promis des trucs. Des trucs doux. J’ai cru qu’elle voulait… tu vois ? Puis un soir, elle a foutu un coup de couteau à travers la porte pendant que je dormais. J’ai flippé. J’ai pensé qu’elle allait me buter. Alors j’ai refermé. C’est tout. J’ai refermé. J’voulais pas…
Et je voulais pas qu’elle parte aussi..

Il s’essuie le front.
Il sue comme un veau sous la lampe.
Et ses mains tremblent, légères, sales.
Mais ce qui me fait vriller, c’est ses yeux.

Il croit à ce qu’il dit.

Il croit qu’il a aimé.
Il croit qu’il a été trahi.
Et au fond, peut-être qu’il a même pas touché son corps.
Mais il l’a gardée.
Comme un souvenir qu’on empêche de crever.

Boone fait un pas en arrière, lent, presque chorégraphié.
Un mètre, pas plus.
Juste assez pour avoir la main sur le fusil.
Un canon scié, prêt à faire voler la viande.

— « J’veux pas qu’on s’engueule, Leo, » il murmure.
— « C’est marrant. Moi non plus. »

J’bouge pas.
Mais mon regard se pose.
Lui.
Le fusil.
La porte.
Le chien.

Tout est en place pour un carnage.

Oggy grogne.
Une vibration sourde, animale, presque humaine.
Comme s’il comprenait la saleté suspendue dans l’air.

Boone hésite. Il cherche un mot, un geste, un foutu miracle.
Mais y’a plus d’amour, ici.
Y’a plus que des cages, du ciment, et la peur.

— « J’l’ai pas violée. J’te jure. J’l’ai pas touchée. J’voulais juste qu’elle reste. J’suis seul, bordel. »
— « Alors t’as construit une prison. »
— « J’ai construit une chance. »

Et là, il le fait.
Il glisse la main vers le fusil.
Pas vite. Pas brutal.
Comme si c’était naturel.

Je le vois.
Je sais.
Je décide.

…et ça pète tout à coup, comme une corde qui casse.

Un coup sourd, brutal, derrière la porte.
Un cri.
Pas un mot, pas un appel — un cri.
Celui qui sort des tripes, de la cave en soi.

La fille.

Elle tambourine, elle hurle, un nom ou rien, on sait pas.
Un son de gorge qui fracasse le silence.

Et Boone, lui, il se lève.
Pas d’un bond, pas vraiment comme un assassin.
Mais comme un homme qui vient d’être touché au ventre par une vérité.

Il a plus de masque, plus de défense.
Juste cette carcasse tremblante, ce regard noyé.
Il lève la main — pas encore sur le fusil.
Mais presque.

— “Elle se réveille…”
C’est tout ce qu’il dit.

Sa voix est douce. Trop douce.
Un ton d’homme qui parle à un souvenir, à une chose morte qu’il croit encore vivante.
Et son pied glisse sous la table, vers le bord du meuble, vers ce fusil qui dort à peine.

Je vois son plan.
Il va dire que c’est une histoire triste.
Que c’est elle, la dérangée.
Qu’il voulait la protéger. Se protéger.
Et peut-être qu’il y croit vraiment.
Peut etre que c’est vrai.

Peut-être que les choses ne sont jamais ceux qu’elles ont l’air d’être.

Mais la fille hurle encore.
Et ça, c’est pas du délire.
C’est du réel brut, de la panique nue.

Oggy se met entre Boone et moi.
Il grogne, sourd, comme une promesse de feu. Il tournoie vers une sortie qui n’existe pas.
Et moi, j’ai les doigts qui se ferment sur mon verre.

Boone lève les deux mains cette fois.
Mais son regard est déjà parti.
Fuyant. Instable.
Peut-être qu’il cherche une sortie.
Peut-être qu’il cherche une excuse pour tirer.

Tout est suspendu.

Je fais quoi des paumés et des salops qui s’en prennent pas directement à moi.. ceux qui font pitié. Ceux qui méritent pas de claquer mais qui font flipper quand on écoute leur cœur.

————————-

Je change de ton.
J’efface la tension de ma voix, je baisse les épaules, j’offre un sourire sale — celui qui dit « on est pareils, pas vrai ?.
Un masque sur la gueule. Une grimace complice. Une vieille ruse de crevard.

— « T’sais… j’vais pas t’juger. »
Ma voix douce s’enroule dans la pièce, grasse, comme une couleuvre.
Boone me regarde, il pige pas tout de suite. Il flotte entre l’alerte et le soulagement.
Je poursuis.

— « Ce monde… il rend les choses floues. On fait c’qu’on peut. Elle était paumée, t’étais seul. J’dirais rien. »
Je laisse une pause, juste assez longue.
Puis je glisse la phrase comme un coup de rasoir .

— « Tu penses qu’j’pourrais… en profiter un peu avant d’me tirer ? »

Un silence, massif.
Puis un rire.
Un rire étrange, nerveux, gonflé de stress relâché trop vite.
Son corps rit, son cerveau suit pas bien.

— « Bordel… » il lâche, « j’sais pas si t’es un sacré enfoiré ou un gars bien planqué derrière l’humour noir… »
Il passe une main sur sa gueule, se ressert un fond de gnôle.
Il hésite pas mal, mais il aime pas l’idée d’être seul, d’avoir fait ça tout seul.
S’il arrive à m’embarquer dans la saloperie, alors il est plus sale. Il est juste normal.
Un pion parmi les autres.
Adieu la punition divine.

— « Elle est pas bavarde. Mais tu peux essayer. »

Il se lève. Pas trop vite, pas trop sûr de lui.
J’vois dans ses gestes qu’il a encore des remords. Pas des vrais. Des restes d’humanité qu’on garde comme une dent morte.
Mais c’est bon.
Il me croit.

Il marche vers la porte de la cellule.
Son pas est lourd, comme si le sol lui pesait plus qu’avant.
La clé tourne dans la serrure.
Et là, juste avant que la porte s’ouvre, je le suis d’un pas lent.

Une bouteille dans la main.
Pas pour trinquer.

Il tend le bras.
Le verrou claque.
Et craaac.

Je lui fracasse la bouteille sur l’arrière du crâne.
Pas comme dans les films. Pas de verre en sucre, pas de volutes poétiques.
Un bruit de viande contre béton.
Le verre reste entier.
Sa tête, non.

Boone s’effondre, raide, comme un arbre.
Un râle. Puis rien.

Je m’approche. Je vérifie.
Il respire, encore. C’est bien assez.

La fille me regarde.
Elle a le regard sec, comme une terre brûlée.
Pas de peur, pas de merci.
Juste… le vide. Mais un vide moins profond qu’avant.

Je parle un peu. Pour moi, pour elle.

— « Tu restes là. C’est chez toi maintenant. J’ai fait le ménage. »

Elle dit rien.
Elle cligne des yeux.
C’est oui. Ou pas non.

Je fouille les réserves. Je pose un couteau, des rations, une radio.
Je règle la fréquence, comme les autres abris..
Un jour, elle parlera.
Elle fera partie du réseau peut-être..
Après tout je sais pas qui elle est..

Puis je tire Boone par les bras.
Il pue déjà comme un animal mouillé.
Je le traîne dehors, jusqu’à la crête.
Je lui laisse son fusil, trois cartouches, une gourde, un bout de cochon séché.

Je le laisse à l’aube.
Pas pour la beauté du truc.
Mais parce que c’est l’heure que j’avance.

J’ai chargé mon sac au passage.
Direction le New Jersey

Trois jours défilent
Un vélo cabossé mais vaillant, une chaîne qui claque comme un rappel à l’ordre, et Oggy, content comme un roi, bringuebalant sur le porte-bagages avec sa gueule de sage.
On fend l’air moisi du New Jersey comme deux idiots qui croient encore en la douceur du monde.

Les paysages…
C’est une symphonie de décrépitude.
Des rangées de maisons éventrées, des vitrines fendues.
La végétation reprend tout.
Des herbes folles sur les toits, des vignes qui s’enroulent autour des lampadaires, et dans certains quartiers chics, les portails rouillés restent fièrement dressés, gardiens d’un royaume de silence.

Le premier jour, on longe une ancienne zone pavillonnaire de luxe.
Piscines vides, volets fermés comme des paupières malades, et des bagnoles de magazines bouffées par la pluie et les rats.
Le second, on traverse une zone industrielle, un ancien complexe pharmaceutique aux vitres soufflées. Des parkings géants.
Un panneau en néon agonise encore sur la façade : “Health is Wealth.”
Ironique.
Le troisième jour, c’est la forêt urbaine.
Des quartiers entiers où les arbres ont gagné.
Des bestioles marchent sur l’asphalte.
Le béton se fait mordre par les racines.
Le vent vit dans les ruines en sifflant.

Par ici ya 3 abris.. je sais pas trop ou aller sonner.

1er Abri – Le Domaine Gaspard.

Dirigé par Judith Mildred veuve d’un magnat de la finance.
Elle vit là avec deux autres couples d’anciens diplomates..
Judith, c’est une mante religieuse de gala.
Elle parle doucement, mais chaque mot sent le poison.
Elle t’accueille avec un sourire, mais tu sens que tu ferais mieux de pas t’endormir sous son toit.
Elle a domestiqué la fin du monde avec des règles, du thé noir, et un cynisme brillant.

2e Abri – Le Club du Colonel Donnelly.

Installé dans un ancien bunker de l’armée sous un pavillon de chasse privé.
Le maître des lieux : Colonel Donnelly , retraité aux mains comme des enclumes, la moustache jaune de nicotine et le regard encore habité par la guerre, même si personne ne l’a déclarée.
Il vit avec cinq anciens officiers.
Des gars carrés, trop propres, des voix qui gueulent dans le vide pour se rappeler qu’ils existent.
Eux, ils t’inspirent pas de haine, juste une fatigue.
Des types qui croient encore aux ordres, aux insignes, à la hiérarchie.
Mais peut être plus maintenant et ils te regardent droit dans les yeux quand ils serrent la main.
Ça compte.

3e Abri –

Et puis y’a Augustin Dever
Un fils à papa, ancien PDG d’un réseau de cliniques privées.
Il vit comme un petit roi dans son bunker à trois étages, tout automatisé.
Trois femmes, deux amis silencieux, et une armée de machines.
Il sent le parfum froid, le dentifrice de luxe et la perversion douce.
Il a le sourire figé et les mains trop douces.
Quand il parle, c’est comme s’il voulait t’éduquer.

—————————-

Je me dirige vers Mildred. La bas ça sent la ressource et les passe-droit.
Et puis j’ai comme l’impression qu’on est pas sur la meilleure promesse pour l’humanité. Trop politique, trop à la croisée des pouvoirs. Ya tout les mots clefs de la chianlie, politique, finance, uper classe. Le genre de connasse qui a un manteau pour l’opéra et un sourire pour les pauvres.
Le genre qui va certainement pas me laisser rentrer comme ça. Le genre d’endroit ou il y a mille options pour nettoyer les intrus..
Je peux pas arriver en disant que je suis le plombier. Le bunker est immense, bien trop immense pour 3 personnes.. ils ont peut être invité des gens. Mais j’en doute.
Je vais frapper à la porte tout compte fait. Sans me cacher.
Je vais leur offrir la seule chose qu’ils vont trouver normal. Un serviteur. Un employé envoyé pour les servir. Une mise à jour pour améliorer la survivabilité de l’abri. Les défenses surtout, contre les aprenteurs qui multiplient les attaques en ce moment.
En gros de quoi se débarrasser des pauvres qui en veulent encore et toujours à leurs privilèges.
Rien ne les fait plus flipper.
En plus je peux prouver mon appartenance à Atlantys Sécurité car j’ai la clef.

Le béton craque sous mes bottes, la mousse étouffe les pavés et une brume molle lèche le sol.
Face à moi, le Domaine Gaspard.
Du bunker déguisé en manoir, façade de pierre blanche ravalée au sang des siècles et digérée par les ronces.
Y’a même des lanternes, putain. Des vraies. Suspendues.
Décor de théâtre pour une civilisation de vampires.

Je me cache pas.
Je suis seul, droit, poussiéreux, le chien Oggy à mes côtés, plus digne que mille écuyers.
Je lève le bras devant la porte.

Un bruit métallique, sourd, qui résonne dans les entrailles.
Un œil numérique glisse depuis le chambranle, s’allume, clignote.
Il me scanne. Je sais pas ce qu’ils voient. Un intrus ? Un fou ? Un ancien roi déchu dans la merde ?

Une voix surgit, feutrée, féminine, coupante comme la porcelaine :

— Nom, affiliation. But de votre visite.

Je souris, la mine faussement désolée.

— Léo. Technicien extérieur de la structure Atlantys Sécurité.

Je sors la clef. Elle brille juste ce qu’il faut, comme un artefact de messe noire.

— J’ai été réactivé suite aux récentes attaques dans le secteur. Mise à jour de la défense périmétrique.

Un silence.
Long.
Je sens les caméras danser autour de moi comme des serpents.
Oggy grogne bas.

Puis la voix revient, plus proche maintenant. Avec l’image.

Judith Mildred.
En manteau de laine bleu nuit. Des gants de cuir, une broche en argent.
Des boucles en perles d’avant la chute.
Elle a le port d’une reine et le regard d’une hyène repue.

Elle me toise. Son sourire est fin, juste une faille dans le marbre.

— Atlantys, dites-vous. Et vous venez seul, sans véhicule, sans escorte, pour nous… protéger ?

Pas con pour une enterrée..

— Et bien j’avais tout ça en partant.. j’ai failli ne pas arriver jusqu’ici.
Vous n’avez pas idée du nombre de parasites qui testent nos systèmes en ce moment. Ceux qui n’ont plus rien veulent exactement ce que vous avez. La rage, madame, ça ne connaît ni l’étiquette ni la morale.
Je suis là pour vous garder en sécurité. Comme le contrat l’exigeait.

Elle esquisse un rire, sec comme une gifle d’aristocrate.

— Le contrat. Mon pauvre. Le monde est mort. Les contrats avec.

Je tends la clef.

— Mais les systèmes fonctionnent encore.
Et la clef, comme vous le voyez, est toujours valide. Je peux entrer avec ça. J’attends juste votre accord.

Elle la regarde. Longtemps.
Elle voit la vérité.
Elle voit le pouvoir.
Et elle voit surtout une chose familière : un homme prêt à se mettre à genoux pour quelques miettes d’ordre.

Elle incline la tête.
Un serviteur, donc. Un ouvrier revenu d’entre les morts pour quémander une tâche.
Ça, elle comprend.

— Fort bien. Une mise à jour, alors. On vous accordera l’accès limité aux terminaux techniques.
Je suppose que vous n’êtes pas là pour le buffet.

— Je suis là pour le système de défense. Et seulement pour ça.

— Bien. Alors nous sommes d’accord.

Et elle tourne les talons.
La porte s’ouvre dans un souffle de métal et d’huile.

Je jette un regard à Oggy. Il me fixe.

On entre dans la gueule dorée de l’ennemi.
Et je sens déjà que ce qu’il y a là-dessous ne mérite pas vraiment d’être sauvé.

La pièce sent la cire, la vanille, et le cuir trop ancien. Les murs sont couverts de toiles représentant des mondes qui n’existent plus : salons parisiens, champs de batailles. La lumière vient d’un lustre rétro solaire. Le luxe sent la peur.
Mildred est assise droite dans un fauteuil à accoudoirs tordus, comme si elle allait juger un opéra ou signer une guerre. Son chignon tendu sur le cuir du crâne. Ses yeux évaluent. Pèsent.

À ses côtés, les 2 hommes : un homme flasque au costume élimé il a gardé ses cravates, même ici.
L’autre plus jeune, nerveux, avec une barbe de trois jours trop bien taillée pour être un oubli.
Les 2 poitrails en avant, pour jouer leur meilleur rôle devant la dame.
Je crois qu’ils sont armés pour l’occasion.

On m’a servi un thé. Tiède. Mais pas empoisonné.
Oggy dort à mes pieds, mais je sens sa cage thoracique vibrer sur ma jambe.

Je commence doucement. Une voix calme. Légère. Le ton d’un technicien. Pas d’un messie.

— Vous avez de la chance, vous savez. La majorité des bunkers que je croise ont viré au cirque. Cannibales, sectes, cadavres qui parlent tout seul. Vous, vous avez gardé le service à thé.

LE DIPLOMATE FLASQUE
sourire triste :
— On a surtout gardé les illusions. C’est ce qu’on nous a appris.
Que même au bord du gouffre, il faut garder la cravate droite.
C’est ce que mon père appelait la diplomatie d’effondrement.

LE JEUNE plus direct :
— Et là dehors, vraiment, c’est à ce point ? Le chaos ? Pas d’enclave ? Pas de gouvernement en exil ?
Ya rien sur les fréquences radio.

Je hoche la tête, un peu las :
— Le gouvernement s’est dissous dans le sang et la panique. Les seules structures encore debout, ce sont celles qu’on a enterrées assez profond.
Vous en faites partie. Pour l’instant.
Les stations d’émissions à l’ancienne étaient deja rares avant la cission.
Il y a des groupes, au mieux des micro sociétés de prédateurs.

Un silence suit. Puis Mildred parle, enfin. Sa voix est du velours sur du verre.

— Pourquoi êtes-vous venu ici vraiment, monsieur… Léo, c’est cela ? Vous dites être de la maison, d’Atlantys Sécurité. Mais nous savons que l’entreprise n’a plus envoyé personne depuis le blackout.

LEO :
— Justement. Je suis un des derniers. On communique par radio cryptée avec ceux du centre. C’est tout ce qui fonctionne.
Je ne suis pas venu par hasard.
On a un réseau. J’ai une clef. Et j’ai des questions.

LE JEUNE (intrigué) :
— Un réseau ?
Il en reste ? D’autres comme vous, d’autres abris?

LEO(souriant à peine) :
— Quelques-uns.
On se cherche. On s’aide. On a le nouveau monde à portée de main, qui sait.
Et si j’ai bien compris, ça vous intéresse!

J’évite de leur dire qu’en réalité j’ai nettoyé 3 bunkers des anciens clients de la société.

Je laisse flotter un moment. Ils sont pris. Le mot réseau les excite comme un ticket de sortie de la solitude.
La perspective d’une nouvelle populasse peut-être.
Et surtout, ils veulent parler. Ça fait trop longtemps qu’ils n’ont parlé à personne qui sentait la pluie.

Alors le vieux flasque lâche un os, par vanité, par envie d’impressionner :

— Avant la chute… quelques jours avant le blackout… il y a eu des transferts massifs. Très discrets.
Des contingents militaires redéployés vers les “nœuds stratégiques”.
Pas les capitales. Non. Des cités bunkers.
Des villes souterraines.
On parlait d’un projet de redémarrage. L’idée que la démocratie… pouvait être stockée. Redémarrée.
Certains auraient vu le coup venir.
Mais avec qui, hein ? Avec qui ?

Je me penche, le regard plus sombre et dis:
— Et vous vous ne faisiez pas partie du voyage.

LE DIPLOMATE FLASQUE (hoche la tête, lentement) :
— Non. J’étais… pas assez important.
Mais j’ai entendu des noms. Des listes. Des bruits de couloir.
Pas que des politiques. Pas que des militaires.
Des industriels. Des familles précises. Assez riches pour etre au dessus des états.
On a trié l’humanité comme une base de données.
Ceux qui savaient comment redémarrer un monde. Et ceux qui savaient comment en tirer profit.

Mildred serre sa tasse un peu plus fort. Elle n’aime pas ce qu’il dit, ou elle n’aime pas qu’il le dise devant moi.
Pourtant elle n’a Pas eu son ticket non plus pour l’arche de Noé..
Ou alors se pourrait il qu’elle ait un billet valide en attente..

Je demande le plus calmementpossible, sans laisser paraitre d’excitation :
— Vous avez des noms. Des lieux ?

LE JEUNE (secoue la tête) :
— Juste des fragments. Arizona. Groenland. Une île artificielle au large du Canada.
Tout est flou. C’est peut-être même des leures.
Mais vous avez vraiment accès à un réseau Atlantys? Combien etes vous?

Je souris.
Pas trop.
Mais juste assez pour leur faire croire que j’ai peut-être ce qu’il leur manque.
Et peut-être, ouais, qu’ils ont ce que je veux moi : des pistes, des coordonnées, une direction pour traverser la mer.

LEO (en buvant le thé) :
— Je suis content d’être passé.
Vous pourriez être utiles au réseau.

Et Mildred, toujours figée, me regarde comme si elle venait d’avaler une pierre.
Comme si elle ne savait pas encore si elle allait me laisser partir.

Je leur souris. Poli, presque courbé. Le bon chien qui vient faire sa tournée, régler les boulons de leur château de fin du monde.

— Juste une petite maintenance. Mise à jour des protocoles de défense. Y’a eu quelques attaques récemment. Vous savez… les affamés, les pas invités.

Ils hochent la tête. Ces gens-là hochent toujours la tête quand on parle de la racaille.
Ils ne savent pas. Ils veulent pas savoir.
Ils vivent dans une boîte à bijoux blindée, le monde extérieur c’est juste un bruit désagréable qu’on baisse comme une radio.

Mildred, elle, me regarde comme on regarde un chien mouillé sur un tapis en soie.
Mais elle n’a pas les couilles pour m’empêcher de faire mon job.
Et moi, je ne viens pas les juger.
Je viens les enfermer proprement.

Je descends dans les entrailles du monstre.
Un couloir en béton propre, presque parfumé.
Des lumières qui ne clignotent pas.
Tout est trop lisse ici. Trop léché. Comme une cave pour millionnaires.

Oggy attend à la porte. Il sent que c’est pas anodin, que je vais bousiller quelque chose d’important.

Je sors la clef.
Elle glisse dans la fente comme dans un rêve bien huilé.
Je suis encore “un des leurs”.

Ça va pas durer.

Je m’attaque au noyau.
Les écrans me parlent, tous ces vieux langages que j’ai appris quand je croyais encore que ça servirait à bâtir un monde.
Mais là je ne bâtis rien.

Je coupe.
Je débranche.
Je fais le vide.

Je désactive les défenses automatiques.
Je réécris les accès.
Je les condamne à rester ici, à pourrir dans leur luxe comme des perles dans une huître fossile.

Ils vivront.
Ils boufferont encore du foie gras, peut-être.
Mais ils ne sortiront plus, ils sont à moi. Sans le savoir. Comme les locataires de mon garde manger.

Jarrive pas a leur faire confiance mais ils méritent pas d’être nettoyés.
Je pourrais mettre le feu, déclencher un verrouillage et les regarder s’étrangler dans leurs cravates.
Mais je suis pas là pour ça.

Avant de partir, je reviens vers eux.
Ils sont là, tous les trois, les culs vissés sur des fauteuils hors de prix.
Le thé a refroidi, la tension aussi.
Ils me regardent comme si j’étais un bon ouvrier. Un homme utile.

Je leur dis :

— C’est bon. Tout est en ordre.
Les tourelles réagiront plus vite, les signaux sont stabilisés.
Évitez juste de trop bidouiller, c’est un système sensible.

Ils me remercient à peine.
Un hochement de tête, un soupir soulagé.

Mais ils sauront un jour.
Quand ils voudront sortir.
Probablement qu’ils n’essairont pas.
Quand ils comprendront que le monde s’est refermé sur eux.

C’est facile.

Je claque la porte.
La lumière du dehors m’arrache un râle.
J’ai l’impression de recracher l’air qu’eux garderont en conserve pour les 10 prochaines années.

Oggy me rejoint. On descend la colline en silence.

Je me retourne une dernière fois.
On pourrait les faire les faire chanter, qu’ils parlent.
Qu’ils donnent ce qu’ils gardent.

Et je leur dis, dans ma tête, comme une prière que personne n’a demandé :

« Vous méritez pas le feu.
Mais vous méritez pas non plus le ciel »

—————————

Je pédale vers l’est, et chaque tour de roue me fait regretter un peu plus ce que j’ai laissé derrière.

Le Domaine Gaspard.
Judith Mildred et sa couvée de privilégis.
Ils ont accompagné la chute. Et maintenant ils s’enferment dedans.
J’y repense.

Qu’est-ce que j’ai laissé là-bas, derrière ces sourires de porcelaine et les faux silences ?
Des noms. Des pistes. Des miettes de vérité planquées sous les nappes en lin.
Ils savaient des choses.
Des lieux. Des survivants d’en haut.
Les vrais.
Ceux qui ont fui avant que le sang ne colle aux poignées.

Peut-être que j’aurais dû les faire cracher. Un à un. Avec le plat d’un fusil ou un mensonge bien planté.
Mais voilà.
J’suis pas un flic ni un prêtre.

Oggy me montre la route de la truffe.

Et là, droit devant, comme une dent gâtée dans la gueule d’un monde crevé : New York.

Une silhouette sur l’horizon.
Comme une cicatrice dressée contre le ciel.
Les gratte-ciel : pas des tours, non. Des statues d’os.
Des totems pour les dieux morts de Wall Street.

Il reste plus rien de la ville qui brillait.
Plus de taxis jaunes, plus de klaxons.
Juste la brume.
Et cette odeur. Mélange de rouille, de sel et de charogne.

L’eau a grignoté les berges.
Les rats font la loi sur les quais.
Les ponts, pour la plupart, ont été sabotés pendant les émeutes.
Et maintenant, la ville est seule, comme un roi maudit.

Après le blackout, tout s’est effondré en moins d’un mois.
Pas de courant.
Pas de réfrigération.
Les supermarchés vidés en deux jours par des mères en panique, des gros bras à machette, des vieux avec une batte dans les mains.

Les riches ont fui, les pauvres ont crevé.
Les classes moyennes..Elles ont hurlé un peu plus longtemps.

Sans logistique, une ville comme New York, c’est une fausse commune.
Y’a trop de bouches, pas assez de repas.

Tu veux manger ? Tu regardes tes voisins.

Les hôpitaux ont été pris d’assaut.
Les pharmacies pillées.
Les flics ? Écrasés, pendus ou planqués dans leurs sous-sols à relire la Constitution comme une lettre d’amour à un pays mort.

Les gangs, eux, ont prospéré.
Les rues sont devenues des territoires.
Des blocs.
Des zones avec des drapeaux faits de tripes et de peinture.
Y’avait ceux qui vénéraient la technologie, ceux qui suçaient les cultes de sang, et puis les autres : les vrais survivants, les chiens.

Heureux ceux qui ont abandonné les machines pendant la cission.
Les illuminés d’hier partis vivre dans les campagnes.

J’arrive par le Bronx.

C’est calme, mais c’est pas le bon calme.
C’est le calme d’un cimetière où les morts respirent encore.

Les murs sont tagués :
LA VILLE EST À NOUS
LA CHAIR POUR LA CHAIR

J’avance doucement.
Mon vélo couine.
Oggy grogne dans sa barbe. Il sent le piège, lui aussi.

Les bâtiments sont éventrés.
On dirait des crânes fracturés.
Les fenêtres ? Rien que des orbites vides.
Et dans certaines ruelles, tu vois encore des carcasses humaines pendues à des lampadaires.
Un avertissement.
Ou une décoration.

Harlem est méconnaissable.
Plus de jazz. Plus de sueur dans les clubs.
Juste des baraques transformées en bunkers de bric et de sang.
Des caméras bricolées avec des morceaux de drones.
Des guetteurs. Des chiens maigres.

À Manhattan, c’est pire.
Le sol est jonché de verre, de métal, d’anciens rêves.
On dirait que Dieu a pris la ville dans ses mains, l’a secouée, et a jeté les morceaux au hasard.

Les banques sont des squats.
Les musées, exposent des détritus.
Et Central Park ?
C’est plus un parc.
C’est une jungle à ciel ouvert,
où les arbres ont bouffé les allées, les bancs, et les derniers pique-nique de l’humanité.
Des feux dans des bidons.
Des silhouettes autour, avec des yeux qui brillent comme des loups.

Personne ne parle.
On s’observe, comme des bêtes qui cherchent le moment où mordre.

Je me rends vite compte que je peux pas rester ici.
Pas comme ça.
J’suis pas équipé pour cette guerre-là.
Ici, c’est pas la survie. C’est le festin des monstres.

Mais je dois savoir.
Il y avait une antenne Atlantys quelque part dans le Lower East Side.
Un ancien poste relais.
Peut-être que là, je trouverai des réserves. Des archives. Des coordonnées, un message.

Je dois entrer dans le cœur pour en sortir quelque chose.
Même si la ville veut m’engloutir.

Je marche sur la 5e Avenue, et j’ai l’impression d’être une fourmi dans un abîme.

Les immeubles s’élèvent encore,
fiers, mutilés, dégueulant leurs viscères de béton et de verre,
comme si l’effondrement avait été un cri trop long.

Des géants crevés.
Des cathédrales pour les dieux de la finance.
Certains tiennent encore debout, défiants, la façade fendue comme un vieux sourire, prêts à s’écrouler à la moindre rumeur de vent.

La végétation grimpe partout.
Des lianes, des racines, des buissons qui sortent des fenêtres,
qui prennent racine dans les fissures des façades,
qui enserrent les lampadaires comme des étreintes.

La 7e Avenue, c’est un canyon.
Un canyon urbain.
Avec le vent qui hurle entre les tours, et les oiseaux qui nichent dans les enseignes en ruine de fast food.
Ils chantent pas. Ils surveillent.
Ils sont devenus faucons dans des corps de pigeons.

Il y a des crevasses dans les rues.
Pas des trous.
Des plaies ouvertes.
Le bitume s’est soulevé, fissuré, affaissé.
Comme si la terre voulait recracher la ville.
Parfois, un trottoir s’effondre sous le poids d’un souvenir.
Des carcasses de bagnoles en équilibre, prêtes à tomber dans des gouffres sans fond.

Y’a des barrages, aussi.
Partout.
Des empilements d’ordures, de meubles, de barbelés rouillés.
Des sacs de sable qui sentent la pisse et l’humidité.
Certains sont gardés.
Derrière, des yeux brillent, des canons t’attendent.
D’autres sont abandonnés, juste les restes d’une peur trop vieille pour être utile.

Broadway est muette.
Les théâtres ont perdu leurs rideaux, les affiches sont devenues des mosaïques de moisissure.
Les lettres tombent une à une des enseignes, comme les notes d’une chanson qui s’est suicidée.

Et puis y’a le pont. Le pont de Brooklyn.

Je l’ai vu de loin. Je me suis approché, les tripes nouées.
Devant le symbole d’avant.
Une carte postale.
Il est sectionné.
Tranché net au milieu,
comme si une main divine avait voulu empêcher quiconque de fuir.

Le tablier s’effondre dans l’eau noire, les câbles pendent,
des guirlandes de métal qui vibrent au vent comme des cris d’angoisse.

Des carcasses de véhicules rouillés sont figées dessus, des bagnoles abandonnées à la panique.
Certaines ont été retournées, fouillées, marquées.
Des messages peints à la main,
des injures, des numéros, des croix rouges.
Des adieux.
Ou des menaces.

En dessous, l’eau pue.
On dirait un fleuve de pétrole et de cadavres.
Des barques moisies flottent à moitié.
D’autres ont coulé, lestées d’histoires qu’on ne racontera jamais.
Le béton à des parfums de forêt.

Le pont de Brooklyn ne mène plus nulle part.
Comme tout le reste.

Les nouveaux esprits de la ville.
Ils se terrent.
Ils attendent.
Ils écoutent tes pas.
Et ils décident si t’es une offrande ou un souvenir.

Alors j’avance.
Lentement.
Petit.
Invisible.

J’ai la gorge sèche et le regard en mille morceaux.

Juste cette ville.
Ce monstre mort qui respire encore.

Et moi un parasite sur son dos.

J’ai cherché le poste relais pendant deux jours.
Deux jours à errer dans ce qui reste du Lower East Side, la carte mentale rongée par les souvenirs et la crasse.

Pas de relais Atlantys.
Pas de balise.
Pas même un putain de câble sur le quel j’aurais pu me faire croire que quelque chose avait existé là.

Juste des ruines, du silence et le souffle du vent qui te parle comme un vieil ami devenu fou.

Le bunker, c’était peut-être une rumeur.
Un leurre dans un plan d’urgence trop vieux.
Ou peut-être qu’ils l’ont effacé, volontairement.
Atlantys ou un autre.

Je reste un moment devant une bouche de métro.
Taguée de symboles étranges.
Pas des lettres. Pas des chiffres.
Des marques de tribus, ou de rituels.
Un avertissement, sans doute.
Et moi, j’écoute, un peu con.

Je descends.

L’odeur m’attrape comme un souvenir mal digéré.

Fer, urine, moisissure.
Et sous ça, un fond… un fond de brûlé.
Pas de feu.
De peau.
De plastique.
Quelque chose de trop cuit.

Oggy refuse d’avancer. Il geint.
Il s’allonge, museau sur les pattes, le regard fuyant.
Alors je descends seul quelques pas

Là-dessous, c’est pas un métro.
C’est un estomac.
Un intestin noir et silencieux.

Pas un bruit de rame, plus de rails.
Juste l’eau stagnante qui lèche les pieds,
et cette sensation que quelque chose te regarde depuis l’obscur.

J’y reste pas longtemps.
Juste assez pour comprendre.

Ils sont là.
Pas visibles.
Pas bruyants.
Mais ils sont là.

Les vrais survivants de la ville.
Les rats bipèdes.
Les hyènes humaines.
Ceux qui ont muté sans changer de peau.
Ils ne hurlent pas.
Ils ne menacent pas.
Ils attendent.

Tu marches sur leur territoire,
et tu sens que tu es déjà l’idée d’un repas.

Alors je remonte.

Pas vite.
Pas en panique.
Juste avec cette dignité de ceux de l’autre monde.

Je traverse la ville comme un rat de plus.
Pas un feu.
Pas un mot.

Dans l’ombre.
Dans le brouillard.
Le chien me suit maintenant, plus près qu’avant.
Même lui, il a compris.
Ici, c’est pas une ville.
C’est un écosystème.
Une jungle verticale.

Les fous règnent sur les toits.
Les affamés fouillent les caves.
Et entre les deux, les groupes.
Petits. Organisés.
Avec des règles qu’on ne veut pas comprendre.

Des fois, j’entends des chants.
Des cris d’enfants, mais pas des rires.
Des rituels.
Des prières à des choses mortes.

Et parfois…
plus rien.
Des quartiers entiers vidés.
Comme si quelque chose était passé, et avait tout pris.

J’arrive au port.

Rien.

Pas de marins.
Pas de bateaux prêts.
Juste quelques épaves ventrues, trouées, rongées par le sel et les rats.

Je reste un moment là-haut, à fixer l’horizon.

L’Atlantique.
Là-bas, de l’autre côté : l’Europe, peut-être.
Peut-être des gens.
Des vivants.
Peut-être.

Mais entre moi et ça : des milliers de kilomètres d’eau.
De vide.
De tempêtes.
Et pas une foutue voile.

On ne traverse pas l’Atlantique avec une vedette.
Pas sans ravitaillement.
Pas sans capitaine.

Je serre les dents.

Je sens un goût de métal dans la gorge.
Pas du sang.
De la rouille, peut-être.
Ou de la peur.

Je descends du ferry.
Je caresse Oggy.
Il me lèche la main, juste une fois, comme pour dire :
*on va où maintenant, connard ?*

Je sais pas.
Je pensais que New York allait me donner une réponse.
Mais elle me crache juste à la gueule.

Alors j’vais devoir faire comme les autres.
Me cacher.
Écouter.
Attendre.

Devenir un rat parmi les rats.

Et prier pour que quelqu’un, quelque part, allume une foutue lumière.

On va se trouver un refuge.. plus haut Le long de la mer.
Une tour partiellement ouvert.
Le 15e étage tient encore. Pas vraiment droit, pas vraiment stable, mais ça tient.

Une vieille tour de verre et d’acier, éventrée par les années, renforcée de bric et de broc par ceux qui sont passés avant moi.
J’ai monté les escaliers avec Oggy en silence. Il grimpe comme une chèvre, même avec la chaleur, même avec la peur.
Là-haut, c’est pas le luxe, mais c’est haut.

J’ai installé une bâche contre le vent, monté une couche de fortune avec de vieux rideaux.
Je dors pas vraiment, je flotte.
Mais je vois.
Et ça, ça vaut plus que des heures de sommeil.

Le port s’étale devant moi comme une gueule ouverte.

Des épaves à perte de vue.
Des coques brisées, certaines renversées comme des tortues mortes.
Mais aussi… quelques survivants que j’avais pas remarquées d’en bas.
Des voiliers sans voiles, leurs mats dressés comme des bras tendus vers rien.
Des yachts ridicules, ventrus, blindés d’objets inutiles et vides de sens.

Et puis, ce monstre.

Un ferry. Un qui flotte.

Un immeuble flottant.
Trois, quatre étages de hauteur.
Une coque orange sale, des rambardes rouillées, des vitres explosées.
Le genre de truc qui dégoûtait des milliers de touristes à sandales chaque jour.
Ceux qui achetent des mugs « I love NY », fabriqués par des chinois.

Maintenant, il est figé.
Ancré, peut-être, ou juste coincé.

Mais y’a de la vie là-dedans.
Je l’ai vue.

La nuit tombe sur Manhattan comme un couvercle de cercueil.
Et là, sur le pont supérieur, un feu s’allume.
Pas une lanterne, non.
Un vrai feu.
Maîtrisé.
Volontaire.

Autour : trois silhouettes.

Trois hommes.
Deux debout, l’un assis, les armes bien visibles.
Ils montent la garde.

Ça parle, ça bouge.
Je distingue les gestes à la longue vue,
le rythme lent de ceux qui savent qu’ils tiennent un bijou.

Parce que c’est ça qu’ils ont : la forteresse parfaite. 20 mètre de haut, entouré d’eau comme un château d’acier.

Un ventre plein de stocks.
Des générateurs.
Des cuisines.
Des réserves pour nourrir 5000 toutistes gras pendant 1 mois.
Des couloirs, des salles, des moteurs qui n’ont peut-être pas tourné depuis des mois… mais qui peuvent peut-êtredémarrer.

C’est la clé.
C’est la traversée.
C’est l’Europe, peut-être.

Mais combien ils sont ?
Ça, je sais pas encore.
Peut-être dix.
Peut-être cent.
Non pas autant.. c’est trop coûteux.

J’observe. Ça va prendre du temps.
Je note les rondes.
Je compte les feux. Les visages.
Les mouvements entre les hublots.

Et surtout… il va falloir s’approcher.

Plus loin dans la baie, à l’est, ca bouge aussi.

Un yacht.

Pas n’importe lequel.

Trop propre. Trop gros.
Pas un machin de cadre supérieur new-yorkais.
Non. Le genre qu’on voyait dans les ports de Dubai.
Arabes en djellabas blanches.
Rois d’un jour venus oublier Allah en terre impure.
Maintenant, ils sont que deux là-dessus. Non 4, y’a 2 gardes du corps ou des larbins avec ak 47.

Deux barbus.
Assis comme des princes sur le pont arrière.
Immobiles.
Un thé peut-être, ou juste la morgue du désespoir.

Le reste de l’équipage ? Il a du finir au poisson.
Ou pire : descendu par les princes quand le rationnement est devenu trop serré.

Mais le yacht flotte.

Je vois deux caisses ouvertes.
Des fusils.
Il leur reste sans doute juste assez de fioul pour fuir les opportuns.
Pas assez pour rentrer à la maison.

Ça bouge peu, mais c’est vivant.
Et s’ils ont encore un skipper à bord…
alors j’ai une autre option.
Dangereuse, mais ils sont moins nombreux. Plus prévisibles.

Pour traverser la mer, mieux vaut y aller en immeuble. Le ferry, c’est la sécurité.
La promesse d’un futur si je suis prêt à beaucoup de choses pour l’atteindre.

Je reste là.
Allongé contre la rambarde tordue du quinzième étage.
Ma lunette serrée contre l’œil.
Le chien blotti contre moi.

Le vent s’est levé.
Il sent le sel, la rouille et la fin du monde.

Je fixe l’eau qui fait onduler le miroir de la ville.

———————————-

Je compte. Encore et encore.
Ça fait quatre jours qu’on observe.
Oggy dort en boule dans un coin, les oreilles qui tressaillent au moindre cliquetis.
Moi je dors pas. Je guette.

Sur le ferry, j’ai compté au moins treize silhouettes distinctes.
Trois veilleurs à chaque fois.
Le jour, ça bosse : ils déplacent des caisses, font des sorties en duo, ramenent des choses. Je sais pas ce qu’ils cherchent dehors qu’ils n’ont pas à bord.
Des mouvements qui trahissent une certaine organisation.
Pas des pillards à l’arrache.
Pas des civils en errance non.
Des pros ? Des gens qui ont un plan ?

Trop tôt pour dire.
Mais ils tiennent leur forteresse comme on tient une promesse.
Une très grosse bouée.

Le yacht, c’est autre chose.
Plus calme. Moins de passages.
Le prince barbu et ses sbires sont toujours là.
Un soir, j’ai vu un feu, discret, sur le pont arrière.
Ils ont tiré dans l’eau.
Trois coups secs. Pour passer le temps, ou pour régler un différent avec un poisson irrespectueux.

Le yacht a l’air plein de contradictions.
Luxe inutile, hommes désespérés,
et au milieu, la possibilité d’un moteur encore prêt à rugir.
Il manque juste l’essence..
Pour des gens probablement enrichis au pétrole c’est assez amusant.
Ils ont du en chercher.. mais il reste rien. Le reste de l’équipage à peut être même perdu la guerre du fioul.
Ces truc là fonctionnent avec un diesel marin.

Faut aller voir. Faut plonger.
Il faut que j’en sache plus.

Mais pas ce soir.

Ce soir, j’ai une autre idée.

Je descends à la nuit.
Loin du port. Loin des sentinelles.
Direction l’intérieur.
Le quartier sensé cacher le relais Atlantys.
Pas officiellement.
Mais quelque part sous la surface.
Sous le vacarme.
Là où les rats vivent plus vieux.

Je visite les boutiques éventrées.
Des vitrines bouffées de mousse, des enseignes mortes.
Pharmacies, clubs de gym, snacks.
Rien de vraiment suspect.

Et puis, une laverie.
Minuscule.
Trop modeste pour ce quartier autrefois friqué.
Deux machines, une table, une sonnette qui chantera plus jamais.

Le lierre a tout envahi.
Je pousse la porte, elle craque et coincé comme un os sec.
Je passe à travers la vitrine d’éclats et de lière.
L’odeur de poussière est mêlée à celle du métal et de la terre humide.
Je bouge les machines, les doigts crispés sur la vieille rouille.

Et là : bingo.

Une trappe.
Massive.
La clef déverrouille.

Je descends.

L’escalier plonge dans le ventre de la pomme.
Droit, sans détour.
L’écho de mes pas rebondit contre les murs comme un murmure.

Tout est sec. Froid.
Les marches sont couvertes d’une fine poussière, mais certaines empreintes sont récentes.
Quelqu’un est passé.
Récemment.

En bas, une porte blindée. Entrouverte.

Un couloir étroit me mène à une pièce unique.
Un petit bunker.
Un œuf d’acier dans les entrailles de New York.

Le plafond est bas, les murs suintent la condensation.
Une lumière d’urgence, encore en vie, palpite au-dessus de la couchette.
Dans un coin : un lavabo, une latrine chimique.
Au mur : un vieux tableau noir avec quelques gribouillis illisibles.

Sur la table, des emballages de ration.
Mangeables il y a quelques semaines encore.
Le frigo de secours ronronne faiblement.
Vide.

Et puis ce mot.
En plein centre.
Un papier blanc, bien en évidence.

Un message écrit au feutre noir :

Phase 2 secteur 1 OK.
Rdv au jardin 2.
— Raccoon.

Pas d’identifiant Atlantys.
Pas de nom, pas de matricule.

Juste ce pseudonyme : Raccoon.
Il sort pas de chez nous.

Je fouille un peu.
Dans un coin, sous une chaise renversée, un détail :
Un paquet vide de chewing-gum.
Fluo.
Des idéogrammes sur l’emballage.
Chinois, ou coréen.

Ça vient probablement d’au delà les frontières.
Pas du stock Atlantys.

Quelqu’un d’extérieur.

Peut-être pas seul.

Le bunker est trop propre, trop calme.
Mais quelqu’un y a dormi, et pas pour une sieste.

Je soulève le panneau mural derrière le lit.
Une arme.
Encore là.
Des munitions dans une caisse grise.

Je prends tout.
Par instinct. Ça plaît à Oggy qui monte en exitation.

Je branche ma radio sur la fréquence courte.
Celle qu’on utilisait pour les urgences entre bunkers.

Je parle, un message amical, sans infos sans indices.

« Ici Léo.
Si quelqu’un écoute… j’suis pas mort. »

Je coupe.

Je veux pas attirer les vautours.

Je remonte en silence.

Dans la rue, le vent est revenu.
Il traîne des papiers délavés, des souvenirs, des poussières de fantômes.

Je refais le chemin jusqu’à la tour.
Quinzième étage.
Oggy devant connaît le chemin..

Je m’assois contre la cloison fendue.
Je remets l’œil à la lunette.

Le ferry.
Le yacht.
Deux billets pour ailleurs.
Deux pièges. Deux paris.

Et maintenant, ce message.
« Jardin 2. »

C’est quoi ce jardin ?
Un code ? Un lieu ? Un rêve?

Je n’ai pas la carte.
Mais j’ai la clef.

La mer est là, immense, froide,
et au milieu de son gouffre, des hommes attendent.
Certains veulent fuir.
D’autres veulent dominer.

Moi je veux juste traverser.

Je contemple encore.
Je pèse mes chances.
J’écoute les battements lents de la ville morte.

Je me demande si quelqu’un est sensé récupérer le message de Raccoon.

Demain, je choisis.

——————————-

Je reste là, le cul par terre, les genoux contre la poitrine, la lunette posée sur le rebord branlant du quinzième étage.
La ville dort comme un vieux corps qu’on n’ose pas réveiller.

À côté, Oggy émet un de ses petits couinements râleurs, presque plaintifs.
Un truc entre le grognement et le soupir.
Je tourne la tete vers les petits yeux.

— « Ouais, moi aussi j’sais pas, mon pote. »
Il me regarde avec son œil de travers, la tête penchée, l’air de dire : Réfléchis mieux, abruti.
Je soupire.

Il a pas tort.
Peut-être que je vois mal. Peut-être que je regarde trop.

Le yacht, c’est sûr : cloué au port.
Un radeau doré avec deux barbus en quête de miracles.
Des armes, du luxe, peut-être un moteur encore vivant,
Mais un réservoir vide avec des princes en peignoir dessus.
Ça flotte.
Ça sue la nostalgie du pouvoir.

Mais le ferry…

Le ferry, c’est une énigme.

il a l’air vivant. Ça ronronne la dedans.
Comme un cœur lent par moment.
La nuit, j’ai vu une lumière verte tourner à l’arrière.
Une balise peut-être.

Il a l’air d’un château fort, ouais.
Les types qui vivent là.
Qui utilisent ses ponts comme des étages.
Des couloirs comme des ruelles.

Un immeuble flottant.
Fixé dans le port, par confort.
De l’électricité.. de l’eau potable desalénosée.. des réserves pour 5000 touristes voraces.

Ce feu chaque soir, à la même heure.
Ils surveille la seule entrée..
La passerelle suspendue..
Un boyau en verre comme pour les avions.

Peut-être qu’il fonctionne encore, ce tas de ferraille.
Ils n’ont aucunement l’envie de le faire bouger. Ils n’ont peut-être jamais essayé.

Peut-être qu’il a été ravitaillé.
Ou qu’il est à l’arrêt, en attente.
Ou qu’il finit un voyage sans destination..

Une escale.

Un moment d’arrêt.

Un entre-deux.
Si faut il a le ventre plein..

Et là, une idée me gratte la nuque.

Si ce ferry a encore des entrailles vivantes.
S’il y a encore des hommes capables de lire un plan de navigation, s’il reste ne serait-ce qu’un membre de l’équipage d’origine…
alors cette ville flottante peut encore bouger.

Dans ce petit gang de pirates l’idée de faire domicile dans un paquebot vient sûrement d’un ancien employé de l’engin..

Et ces types… ces hommes qui le gardent aujourd’hui…

Ce sont peut-être pas des pirates.

Ou pas seulement.

Peut-être qu’ils étaient déjà là.
Peut-être qu’ils ont vu le monde s’écrouler depuis la salle des machines.
Peut-être qu’ils ont juste barricadé leur navire comme on ferme une maison sous les bombes.
Et ils y vivent depuis.
Comme dans un rêve moisi.
Avec l’eau, l’électricité, la bouffe, l’eau potable.
Assez pour survivre.

Sans plan.. dans l’attente dans trouver un..

Je parle à Oggy, sans vraiment le vouloir.

— « Tu crois qu’ils peuvent m’embarquer, pti chien ? »
Il bâille, se lèche l’arrière-train.
Un message clair.

Rien n’est jamais simple.

Alors je recommence à observer.
Je compte les rondes, les regards, les gestes.
Des choses militaires.
Pas improvisées.
Pas des clowns armés.

Je me dis qu’il y a peut-être là-dedans
un ancien capitaine.
Un gars qui sait ou sont les bons boutons.
Des gens qui savent encore lire une boussole.
Ou qui prétendent savoir, assez pour convaincre les autres.

Ce ferry, c’est pas un radeau.
C’est peut-être une arche.

Et moi, j’ai peut-être un ticket d’entrée, si je joue bien mes cartes.
Ou une cible sur le front, si je m’approche trop vite.

Je regarde l’eau noire.
Elle ondule doucement.
Ça pue le gasoil et la fin du monde.

Je serre la lunette dans mes doigts.
Oggy se rendort.

Ce soir, je descends.
Pas à l’eau. Pas encore.
Mais plus près.
Pour entendre leurs voix, voir leurs yeux.
Savoir si ce sont des loups… ou des marins.
La nuit tombe..
Je suis là, tapi dans les ruines du terminal, à moins de cinquante mètres du pont central.
Là où jadis les familles se faisaient la queue passeport en main et claquettes au pied.
Aujourd’hui c’est un mausolée de verre brisé et de silence.

Le plafond s’est effondré par endroits, des carcasses de chariots gisent entre les flaques d’huile séchée.
Mais j’ai un toit.
Et une ligne de vue parfaite.

Le ferry est là.
À quelques respirations.

Un mur d’acier et de rivets, vingt mètres au-dessus de la flotte.
Un immeuble sur l’eau, criblé de hublots comme des orbites vides.
Ou des touristes au bronzage de homar suçaient des cocktails trop grands. Maintenant, il a l’air d’un monstre échoué qui refuse de mourir. Un trésor d’une ancienne civilisation technologique.

Et ce foutu boyau.
Un couloir de plexiglas blanchi par les intempéries, suspendu entre le quai et le flanc du bateau,
comme une langue morte qui pendrait d’une bouche trop pleine.
C’est le seul accès visible.
Fermé côté ferry, verrouillé, avec des chaines.
Mais surveillé, tout le temps.

J’ai vu les silhouettes.
Trois types qui tournent en relais.
Des vrais chiens de garde, pas des paumés.
Toujours un au niveau du sas, les deux autres en retrait.

Le boyau est parfait pour eux.
Trop étroit pour une attaque groupée.
Si tu viens, t’es seul.
Et donc t’es mort.

Mais y’a sûrement des failles.
Un truc à escalader.. Le bateau est trop grand, pour en surveiller tout le périmètre.

A cette distance…
je suis déjà trop près.

Cinquante mètres, c’est rien pour une balle bien placée.
Un réflexe nerveux.

Un type me repère et je redeviens juste un bruit sourd dans le béton.
Un souvenir dans les crottes de pigeon.

Mais je reste là.

Je m’installe.
Entre deux colonnes effondrées.
J’ai une paire de jumelles, un reste de pain, et le chien.
Le plan, c’est d’observer.
Regarder le rythme, les gestes, les regards.
Attendre qu’un mécanisme se répète.

Je me dis qu’ils doivent dormir.
Qu’ils doivent chier.
Qu’ils doivent se relayer.

Et puis je cherche autre chose.
Un détail.
Une erreur humaine.
Quelque chose de vivant.
De faillible.

Le vent pousse quelques feuilles mortes contre les vitres fêlées.
Oggy dort contre mon genou.
Bouger serait trahir.

Je suis là, à portée de voix.
Presque à nu.

Un fantôme dans un hall de départ.
À guetter une arche qui pourrait encore traverser la mer.

Soudain Il sort de la cabine centrale, comme une verrue huileuse, traînant sa carcasse de ferrailleur sur le pont.
Pas un soldat, non.
Clairement untechnicien.
Un putain de mécano.
On le devine tout de suite.
Torse graisseux sous une salopette qui a connu les entrailles du diable,
ceinture chargée de clefs, de pinces, de merdes.
Il marche en roulant des épaules, comme si ses bras voulaient encore grandir.

Il parle au trio de gardes. Gesticule, grogne, montre les cheminées d’un air agacé.
C’est lui la clef.
C’est lui qui sait comment faire ronronner le monstre.
Sans lui, le ferry reste un hôtel de luxe échoué.
Avec lui… peut-être une arche.

Avec le fioul qui lui reste dans le ventre cet hôtel de luxe peut produire électricité et haut potable, faire fonctionner les cuisines et recharger des outils.

Ils causent vite, des mots avalés par le vent.
Puis, comme prévu, deux des types décrochent. Déverrouillent le cadenas et font glisser la chaîne qui entrave la porte.
Ils sortent.
Ils prennent le ponton, le même qui mène ici.
Vers les ruines.
Vers moi.

Ma mâchoire se contracte a men casser les dents.
Oggy dresse les oreilles, un couinement sec.
Pas un bruit, je souffle.
Pas un putain de bruit.

Ils entrent.
Pas à pas.
Leurs bottes font crisser les éclats de verre, claquent contre le béton.

Je le vois — le distributeur renversé, là-bas, dans un coin.
J’attrape Oggy par le collier, une main sur sa truffe. On rampe dans le silence le plus crasse.
Mon corps roule dans la poussière, plaqué sur le sol comme une couleuvre.
On se jette derrière cette masse de tôle comme dans une tombe ouverte.

Ils sont là.
À quelques mètres.
Leurs voix résonnent contre les murs pourris.
Ils s’arrêtent.
Je retiens ma respiration jusqu’à sentir mon cœur cogner dans ma gorge.

L’un d’eux crache.
L’autre rit.
Ils causent.

– Putain, Rico, il nous fait chier avec son chalumeau.
– Ouais. Il dit que sans ça, il peut pas refermer la soute. Et je crois qu’on doit etre les seuls connards avec de l’eau chaude dans cette ville!
– C’est pas la soute, c’est son boulard qui fuit.
– En tout cas, il va nous taner tant qu’il a pas son putain de TIG. Il veut souder lui-même.
– Comme si on allait partir en croisière.
– Laisse-le faire. Sans lui, on est juste des squatteurs sur un bateau compliqué. Même lui il sait pas tout sur cet engin.

Ils s’éloignent.
Leurs voix se perdent dans les couloirs éventrés du hall.
Les bruits de pas fondent dans le brouhaha lointain du vent et des mouettes.
Oggy ne bouge pas.
Moi non plus.
On reste là, figés comme deux statues de crasse, dans l’ombre d’un monde qui ne nous appartient plus.

Puis, lentement, le silence revient.
Je relâche l’air.
Je sens mes muscles fondre, mon cœur ralentir.
J’ai appris quelque chose.
Le mécano est là, vivant, et il répare. Il y a tout la dedans, des cuisines, de l’eau chaude, un cabinet médical..

Et s’il répare…
C’est que le ferry a encore du jus.
Suffisamment pour faire vivre cette bande un moment..
Ou Suffisamment pour faire un voyage.
Un voyage qu’ils n’ont aucun intérêts à faire.
Une traversée cramerait d’un coup tout leur avenir de douche chaude d’eau potable et de frigos..

Le mécano et le dernier garde on disparu quelque part dans le bâtiment.

Je pourrais leur raconter des connenries.. que je connais une île où le monde vit encore.. que je suis médecin. Mais c’est vite vérifiable..
Je pourrais suivre les 2 autres et leur tomber dessus. Ça ferait 2 de moins, j’aurai la clef et peut etre quelques infos..

Je pourrais monter comme un clandestin, mais je ferai quoi après . .?

—————————-

Il y a ce moment.
Ce putain de moment où le monde arrête de tourner, juste assez pour te faire vaciller.
J’étais là, le souffle lent, la sueur acide, encore englué dans le silence.
Les deux types s’éloignaient, bottes lourdes et rires fêlés.
Moi, j’hésitais. Comme un con.
Suivre les deux clebs en vadrouille, les pister dans les ruines,
ou profiter du vide sur le ponton. Une brèche. Une seule. Un moment rare.
Mais trop risqué.
Une fois là-haut, c’est foutu.
T’es piégé avec les fous.

Je me penche. Je tends l’oreille.
Et c’est là que tout pète.

Oggy.

Putain de chien.

Il se redresse.
Et d’un coup de reins, il part.
Comme un missile poilu.
Il traverse le hall comme s’il avait vu Dieu de l’autre côté.

— Oggy !

Trop tard.
Il galope, léger comme un courant d’air.
Ses griffes claquent sur le carrelage, crissent sur le métal du boyau.
Le corps agité dune joyeuse folie, il franchit le ponton en quelques secondes, mes yeux font un déni.
il a disparu dans le sas d’embarquement.
Direct sur le ferry.

Je reste là.
Figé.
Une main tendue vers le vide.
La bouche ouverte comme un poisson crevé.

— *Mais quel petit con…

Je le dis sans colère.
Presque tendrement.
Parce que c’est pas de la trahison,
c’est de l’instinct.
C’est la bêtise pure, la loyauté stupide.
Il a dû sentir quelque chose.
Un appel. Une odeur. Une promesse de bouffe.

Je suis seul maintenant.
Seul avec mon corps tendu comme un câble.
Et la certitude que tout vient de changer.

Peut-être qu’ils vont le flinguer.
Juste un coup sec.
Et tout ce que j’entendrai, ce sera un aboiement étranglé, un dernier couinement dans le vent.

Mais je bouge pas.
Pas encore.
Je réfléchis. Impossible .

Je regarde le boyau.
C’est mon cœur qui est en train de galoper la dedans.

Le temps joue contre moi.
Et le chien, le putain de chien, est là-haut.
Seul.

Je serre les dents.
Je sens mes doigts trembler.
J’ai pas le choix.

Le ferry vient de me prendre quelque chose.
Et j’ai bien l’intention d’aller le chercher.

Je panique. Je fonce

Pas une petite panique de fillette sous acide.
Non, le genre brut, primitif,
la peur qui grimpe à l’échine comme un rat qui te bouffe la colonne.
Pas parce que les gardes vont revenir.
Pas parce qu’il risque sa peau.
Mais parce que c’est mon cœur à quatre pattes qui vient de disparaître.

— Putain, Oggy…

Il court.
Il court comme un fou.
Comme un père qui voit son gosse traverser l’autoroute.
La passerelle résonne comme une corde de piano tendue à la folie.
Le boyau tremble sous ses pas.
Il est bruyant, trop bruyant, il le sait.
Mais il peut pas faire autrement.
Il a plus le temps de penser.

Je me lance.
Pas de retour possible.

Il est dedans.
Moi aussi

Le pont est désert.. je cherche le petit rat..

— Oggy… Oggy putain réponds..

Pas de réponse.
Juste l’écho moisi de la carlingue.
La tôle qui sue l’huile, les néons morts qui pendent comme des langues de pendus.
Et puis… un bruit.
Un grattement.
Un reniflement.

Il est là à 10 mètre, une porte entrouverte.
Une vieilledalle de restaurant,
Il est la , planqué sous une banquette éventrée,
le salopard de chien le regarde avec ses yeux de merde, calme comme un pape, la langue pendue, content de lui.

— T’es complètement taré ! En chuchotant.

Oggy couine.
Je pourrais le frapper,
mais je le prends contre moi.
Fort.
Trop fort.
Comme si je voulais le faire rentrer ldans ma poitrine.

Les pas.
Merde.
Des pas.

Des voix.
Les gardes.
Ils sont revenus.

Je chope Oggy sous le bras comme un sac de linge sale, et me tapis sous la fenêtre, sans réfléchir.
Le dos contre le mur, Oggy entre les jambes.
Tous les deux.
Dans le même souffle. Même rythme.
Comme deux bêtes pourchassées.

Dehors, les pas passent.
Lents.
Un garde crache.
Un autre dit quelque chose, incompréhensible.
Puis le silence.

Je ferme les yeux.
Pas pour dormir.
Pour ne pas exploser.

Le danger, c’était pas les balles.
Le danger, c’était le chien.
Ce putain de chien.
Ce petit con d’amour.

Maintenant ils sont là.
À l’intérieur.
Et le ferry, il va faudrait le connaître.
Le comprendre pièce par pièce.

On sortira plus par la passerelle..

On est là. Coincés dans un resto de luxe pour touristes morts.
Un de ces endroits où ils servaient du homard en chantant *New York, New York* en playback,
avec des nappes blanches, des assiettes géantes, et des verres avec des pieds trop grands.
Maintenant tout est poussière, moisissure et silence.

Moi et Oggy, planqués derrière le comptoir, avec vue sur l’océan.
Et trois types de l’autre côté.
Je les entends.
Des bottes qui tournent.
Un rire étouffé.
Un bruit de clope.
L’un d’eux doit avoir un flingue en bandoulière, il claque contre le métal à chaque pas.

— On est vraiment dans la merde, Oggy.

Il répond pas.
Il respire fort, sa cage thoracique se soulève comme un soufflet.
Il me regarde.
Pas de peur. Juste l’attente.

J’imagine les options.

Je pourrais ouvrir la porte, les fumer tous les trois.
Simple. Brutal.
En plus des 2 partis en vadrouille, il restera deja plus grand monde dans l’équipage.

Ils vont débarquer les autres et ils s’attendront pas à me trouver là..

Je pourrais sauter.
Vingt mètres plus bas.
Et disparaître dans l’eau noire et grasse.
Mais j’ai pas traversé les cendres de ce monde pour me noyer comme une merde.

Alors ouais.
Reste les couloirs.

Ce navire, c’est une ville.
Une putain de ville fantôme.
Quatre mille cabines.
Des cuisines, des cinémas, des piscines vides, des salles de conférence,
des boutiques hors taxe pleines de souvenirs qui sentent encore la sueur.

Ils peuvent pas tout surveiller.
Pas tout le temps.
Ils sont quoi ?
Dix ? Douze, max ?
Et ce paquebot, c’est un labyrinthe de luxe,
une forteresse creuse.

Je pourrais me terrer.
Me fondre dans les murs.
Un fantôme.
Et les chasser un par un.
Quand ils dorment.
Quand ils pissent.

Comme dans Alien
Moi, la créature.
Eux, la cargaison du vaisseau.

Je touche mon arme.
Pleine. Chargée.
Pas beaucoup de munitions, mais assez pour faire pleuvoir la mort.

Je prends une grande inspiration.
Pas pour me calmer.
Juste pour sentir encore une fois l’air de l’océan.
Celui qui me fait croire qu’il existe un autre côté.
Une Europe. Une terre. Un après.

— *Oggy, tu pars plus en trombe, c’est pas bon..

Il remue un peu la queue.
Il a compris.
L’heure est à la fuite ou la chasse.

———————————

ALDO

Je regarde le silence de la salle des machines. Les coups de clefs à molette se perdent dans une immensité de cathédrale métallique.
Avant c’était plein de boucan, des gars, des machines, de la pression qui siffle dans les tuyaux.
J’étais dans le ventre du monstre.
Là où ça suinte, ça cogne, ça vibre.
Là où l’acier a des tripes et des chansons.
Le moteur est à l’arrêt, en veille plutôt. Juste de quoi alimenter le train train des occupants..
C’était ma créature, ma dernière épouse. Ça continue même après la fin du monde.

Depuis le blackout, je suis resté là.
En poste.
Comme un suricate opportuniste, le bateau bougeait pas c’était le monde qui partait.

Le jour où j’ai compris que ça reviendrait pas,
j’ai ramassé mes cliques, mes outils, et deux-trois souvenirs.
Et j’suis allé chercher mes potes.

Des vrais.
Pas des marins.
Des rats.
Des loups.
Des gars que j’connaissais d’avant, de la zone portuaire, des deals foireux.
Des types avec le regard sec et les mains sales.
Ils ont pas mis longtemps à comprendre le plan.
Le navire était plein.
Ravitaillement pour traverser l’Atlantique.
Eau, bouffe, fioul, électricité pour des milliers.
Un foutu bunker flottant.

Y’avait juste un problème.
Cinq cents membres d’équipage.

On leur a laissé le choix.
Ceux qui voulaient descendre ont pris la passerelle.
Les autres… on les a jetés à la mer.
Pas d’état d’âme, pas de tribunaux.
La première fois que j’ai vu un gars couler,
j’ai eu la gerbe.
La deuxième, j’ai fermé les yeux.
La troisième, j’ai tiré moi-même.
Mon âme un peu être au fond de l’eau, dans le noir elle aussi.

Mon père voulais que je sois mécano comme lui, surtout pas finir dans un gang de tueur.
Au final j’ai à moitié réussi.

Juan est resté aussi.
Le seul autre technicien.
Il est plus discret, mais il sait lire le moteur comme moi.
Et puis le capitaine, on l’a gardé.
Dans une cellule.
Pas par pitié.
Par précaution.
Si un jour faut faire bouger la bête.

Aujourd’hui, c’est routine.
Je règle les pistons, je teste les compresseurs,
je vide les réservoirs de leur air mort.
Le plan, c’est simple : on fait bouger le bateau.
Pas loin. Juste assez pour qu’aucun connard ne grimpe depuis la terre.

Mais ce matin, un truc m’a fait froncer les sourcils.
Un détail à la con.
Une flaque dans le couloir B.
Pas de flotte. Pas d’huile.

De la pisse.
Qui pue.
Fraîche.
Un filet d’urine sur la moquette feutrée d’un couloir.
Une zone qu’on occupe pas vraiment. Un passage.
Lequel de ces connards bourrés à pisser dans le couloir.
Pisser depuis le pont ne les amusent plus.

Parfois je les trouve si bête que j’ai peur que meme mon statut de technicien ne me protège plus d’un envoie à la mer.

Faut que je balance l’alcool par dessus bord. Mais il doit y avoir des milliers de bouteilles..

Ma clef anglaise à envie d’éclater des dents.

Je remonte le couloir comme un taureau en chaleur, les bottes cognent le métal, ça résonne comme des tambours de guerre. J’ai la clef anglaise encore dans la main, pendue comme une hache. Mes doigts puent le fioul et la tension.

Une traînée tiède, brillante, qui zigzague sur le lino poussiéreux.
Pas de doute. Quelqu’un a pissé là. Pissé comme un chien sur mon paquebot.

J’arrive dans le salon VIP où les autres glandent, affalés dans les fauteuils, un jeu de cartes crades sur la table, des mégots dans les verres. Ça pue le renfermé et la sueur.

— « QUEL EST CON QUI A PISSÉ DANS LE COULOIR ? »

Silence.
Des têtes se lèvent, l’air con et surpris, comme des gosses pris à piquer dans le frigo.

Raoul, toujours le premier à l’ouvrir, lève les deux mains.

— « J’te jure, Aldo, c’est pas moi, j’te jure sur ma mère. »

Je ricane, amer.

— « Ta mère vendait des clopes dans un bordel. Tu parles d’un gage de bonne foi. »

Ils se regardent. Ça gamberge sec dans leurs cerveaux rincés. Puis quelqu’un lâche :

— « C’est sûrement Luis ou Karim, ils sont en ville. »

— « Non c’est tout récent
, c’est de la fraiche figure toi!»

— « Hector. T’as pissé dans le couloir B ? »

— « T’es malade ou quoi ? La dernière fois que jai ete la bas cest pour nourrirle capitaine. »

Tuko hausse les épaules, il en a rien à foutre.

— « Peut-être Juan ? » dit il provoquant

Juan descend à ce moment-là, suant, les yeux comme deux olives trempées dans l’huile.

— « Je suis dans la salle hydraulique depuis deux plombes. Si j’avais pissé j’aurais pissé la bas »

Puis y’a Sasha qui lève la main. Discret, genre silencieux mais qui rate rien.

— « J’ai vu la porte du resto ‘Horizon Blue’ ouverte ce matin. »

Je me fige.

— « Le vieux restau moisi avec les lustres?»

— « Oui je m’en souviens parce que javais bloqué la porte avec un caisse. Sinon elle claque quand y’a du vent.»

Je sens un frisson me grimper le long de l’échine. Pas de panique. Pas encore. Mais y’a quelque chose. Un petit goût de merde dans la bouche.

Raoul pouffe :

— « Peut-être un putain d’espion ? »

— « Un espion qui marque son territoire ? Avec sa bite ? C’est quoi la suite, il va chier dans la salle des machines ? »

Personne rigole.

Je les regarde un par un. Des voyous, des laissés-pour-compte, des tueurs d’occasion. Des types qui peuvent découper un mec mais flippent devant une flaque de pisse.

— « Soit y’en a un ici qui se fout de ma gueule, soit on a un intrus à bord. »

J’approche. Je parle bas maintenant, mais y’a du feu dans les mots.

— « Et s’il a trouvé le resto, il peut être n’importe où. Dans une cabine, dans une soute, dans un conduit d’aération. C’est un putain se labyrinthe ce bateau. Je savais qu’on aurait du le bouger.»

Je tape ma clef anglaise dans la paume. Bruit satisfaisant de la densité de l’acier qui claque.

Je me retourne, lentement.

— «Il faut fouiller..
Et ca peut prendre des jours. Yen a 2 qui surveillent le pont et la mer, je veux pas dautres clandestin»

LEO ET OGGY

Je suis recroquevillé derrière le bar comme un bernard-lhermite maudit. Ça sent le vinaigre, le bois pourri, la fin de monde et le vieux vin blanc. Mes genoux craquent, le chien respire fort contre moi, comme s’il pouvait calmer l’univers avec ses poumons.

Le silence me laboure le crâne. Je tends l’oreille, et ça me confirme ce que je sais déjà : y’a rien. Rien sauf le danger qui respire quelque part, juste à la bonne distance pour me laisser croire que je suis encore vivant.

Je me redresse, doucement, chaque muscle proteste. Je pousse la porte du fond du restau, lentement, juste assez pour laisser passer un œil. C’est un long couloir comme dans les rêves de cauchemar. Moquette saumon dégueulasse. Ça sent la solitude.

— “Allez Oggy, on y va. Doucement. Tu marches comme un chat ou je te bouffe.”

Le chien me regarde, langue pendante, mais il comprend. Il comprend toujours.

On s’enfonce dans les entrailles. Couloirs, virages, portes mortes, murs pelés. Je cherche pas une sortie, je cherche un oubli. Un trou dans le monstre. Un recoin ou personne ne va aller.

Chambre 1984. J’entre. La chambre est nickel avec un peignoir accueillant sur le lit.

Le hublot est petit mais donne une vue parfaite sur le pont Est. Je respire un peu.

Je fais quoi, je panique en boule sous le lit.. ou je prend une douche en réfléchissant à un plan.

J’essuie la peau rougie par l’eau chaude.
Je jette un œil au paysage par le petit hublot comme un vrai vacancier.

Les deux types sont là.

Ils ne marchent pas en clopant, non. Ils trottinent. Ils tournent la tête, ils sont agités. Ils me cherchent c’est sur !

— “Oggy.”

Le mot sort de ma gorge, râpeux, acide.

— “Ils nous cherchent.”

Le chien grogne bas. Moi j’ai le cœur qui cogne derrière les yeux.

Ils vont finir par entrer dans le bâtiment. Fouiller les pièces. Ils ont le soupçon.

Même si ils mettent 2 mois ils finiront par trouver.

Oggy me fixe. Ce regard de gamin qui sait rien du monde mais qui ressent tout. Ce genre de regard qui te fait croire qu’y a une réponse, quelque part, enfouie dans l’instinct ou la moelle.

— Oggy… ça existe une cachette où on serait pas coincés comme des rats si on nous trouve ?

Il me répond, ce petit con. Un jappement sec, aigu, comme un élan. L’étincelle qui fout tout en branle.

Je respire. Une fois. Deux fois. Et je sors.

Retour dans le couloir saumon, celui-là même qui pue le velours mouillé et la peur. J’ai l’impression que chaque pas hurle dans l’écho. Mes semelles pleurent sur la moquette. Oggy trotte derrière moi, je prie pour croiser personne.

Je pousse la porte du restaurant, lentement. Personne. Les chaises sont toujours renversées.

J’avance jusqu’à la baie vitrée éventrée. Le vent de l’océan me gifle comme un rappel. Je grimpe sur la rambarde. Je tremble. C’est pas la peur de tomber. C’est la peur de pas avoir d’autre option.

Et là, l’idée me frappe comme un éclair.
Idée de génie, idée saugrenue..

La uspendu. Bâché. A un pas au dessus de l’eau.

Je fou Oggy sous ma veste, je saute. Mes mains agrippent le rebord du canot, mes bras tirent comme si ma vie était suspendue à un tendon.

Je m’y glisse. Sous la bâche. On s’enfouit, entre deux banquettes dures comme la pierre. On est là, coincés entre le ciel et la mer. Juste sous leur nez. La où ils penserons pas à regarder.

J’entends déjà les 2 types repasser.

Deux pas lourds sur le pont. Deux voix. Je retiens ma respiration, Oggy se fige, tremble contre moi, mais ne dit pas un mot.

— ils sont pas prêts se trouver quelque chose les autres.

— ça va prendre des plombes à mon avis

— Faudrait monter voir le capitaine, ya peut etre quelqu’un qui vient le libérer.

— Dis pas de conneries, plus personne sait qu’il est là !

Ils s’arrêtent. Juste là. Je les entends respirer. Une haleine de fer et de bile. Mon cœur me grimpe dans la gorge. Je prie un dieu que je hais. Je serre Oggy contre moi.

Ils ont gardé le pilote, il doit etre attaché ou enfermé dans sa cabine..

Ils repartent. Leurs pas s’éloignent lentement, bouffés par le vent salé.

Je me redresse à peine. Mes bras picotent, mes jambes fourmillent. Oggy me lèche le poignet comme pour dire on est pas morts, enfoiré.

Et moi, je pense au capitaine.

Je pense à cette cabine.

À cette idée qui germe.

Et pour la première fois depuis que je suis monté à bord, j’ai pas juste peur.

Ya ma peur de crever, ya elle au bout d’un tunnel, au bout d’une idée impossible.

Lisa, j’arrive.

————————–

Le bateau dort, ou fait semblant.
Le vent claque parfois comme une gifle sèche contre les tôles, et les ombres s’étirent dans les recoins.
Oggy roupille à moitié, mais moi, j’suis juste étendu, le dos broyé par le plastique du canot. Les yeux ouverts comme des fosses.

On attend la nuit.
Je me dis qu’ils finiront par se fatiguer, ces rois du radeau.
Ils s’endormiront peut-être dans leur luxe du tiers monde, paumés dans les cabines de première.
Alors un par un, je pourrais les pêcher comme on pêche les rats dans un entrepôt de farine.

Mais avant de jouer les chasseurs, faut des infos.
Ils vivent où ? Ils chient où ?
C’est quoi leur routine ?
Je peux pas juste rôder comme un fantôme, j’ai besoin d’une bouche qui me parle.

Et puis j’y pense.
Le capitaine.
Le bonhomme qui tenait la barre avant que les hyènes prennent le pont.
Un vieux loup encagé, gardé sous clef comme un extincteur.

Je quitte le canot à la faveur du vide.
On longe les passerelles à pas feutrés.
Oggy ouvre la marche.
C’est son moment de gloire, p’tit cabot de guerre.
Et comme une signature de l’absurde…
Il pisse.
Encore.
Juste là, dans le couloir qui mène à la tour de contrôle.

J’ai presque envie de rire. Un rire sec, nerveux.
Ce chien finira par me faire tuer.

Je monte, la ou je pense trouver la barre, la salle des commandes. Peut être qu’il est pas loin le capitaine. Dans les cabines du personnel.
La porte est pas fermée à clef.
Faut dire que le type est attaché directement à la barre. Comme une bête, avec des menottes.
Ils l’ont pas foutu dans une chambre, non.
Ils ont pas fait dans la dentelle, ils l’ont cloué sur place. Ça m’arrange, mais il est dans un état lamentable.

Il est là. Le capitaine.

Le regard d’un vieux chien battu, le pantalon en lambeaux, les cheveux gras plaqués sur le crâne.
Une odeur d’ammoniaque flotte dans la pièce.
Un carton ouvert sur le côté. Son chiotte.

Il tourne lentement la tête.

Je hoche la tête.

— Tu veux quoi ? Me crever ? Vas-y,

Il est même fatigué de parler.

— Je veux comprendre ce merdier. Toi, t’as vu le début. Raconte.

Il soupire.
Et je vois dans ses yeux que ça fait des mois qu’il a perdu la notion du temps.

Il a pas l’air de manger tous les jours.

— On attendait les passagers. Le gros plein. 5000 pigeons prêts à boire du mojito sur du plastique. On était ravitaillés, fioul, flotte, tout. Moi j’étais là-haut, à surveiller les niveaux. Et puis le blackout. Pouf. Plus rien. Plus de radios. Plus de GPS, plus de météo, plus de port. Plus d’ordre. Juste l’océan.

Il avale difficilement sa salive.

— Et eux… Ils étaient en bas, à la soute. Des types de la maintenance. Aldo et Juan. Ils ont tout pris. Ils ont invité tout un tas de déchets de la ville. Des voyous. Dix ou quinze au début. Aujourd’hui ils sont onze, je crois. Ils avaient des flingues. Il fallait etre d’accord ou il fallait mourir. *

Il regarde le sol.

— Les autres membres d’équipage, les serveurs, les cuistots, les femmes de chambre… Ils leur ont laissé le choix. Saute ou crève. La mer est pleine.

J’écoute, les poings serrés.

— Ils m’amènent à bouffer. Des fois. Des restes, du sec, de la merde. Et parfois rien pendant des jours.
Ils me detache parfois pour aller au chiotte quand ma litière pue trop.

Un bruit.

Dans le couloir.

Un pas, léger, lent, précis.

Le capitaine se fige.

Il lève la tête et murmure.

— C’est lui…

Un bruit sec contre le mur.
Le cliquetis d’un cran de sécurité.
Un souffle court, un murmure étouffé.

Je recule dans l’ombre.
Ma main glisse vers le pistolet, le cœur cogne.

Quelqu’un approche.
Et cette fois, c’est plus un pressentiment.
C’est l’heure du bal.

Je suis en place, dans un coin de prédateur.
Il entre sans douter.
Et là ça commence, il réalise.
Je vois le plateau trembler dans ses mains, les couverts s’entrechoquer.
Le serveur improvisé, un grand type mal rasé avec une gueule de poivrot repenti, fige.
Il bégaye, son cerveau rame comme un vieux PC sous la pluie.
Il sait pas s’il doit lâcher le plateau ou attraper l’arme en bandoulière.
Il fait ni l’un ni l’autre.

Et moi, je suis déjà sur lui, le flingue planté au milieu du front comme un troisième œil.
Un œil qui juge.
Un œil qui pardonne pas.

— Silence ou tu crèves. Bouge pas d’un millimètre, et je fais éclater ta vilaine tête comme une pastèque trop mûre.

Ça rentre lentement dans son esprit embué.
Il tente rien.
Il a pigé.
Même s’il gueulait comme un porc, personne entendait.
Même la détonation ils l’entendraient entendraient pas.
Les 2 qui patrouilleur sur le pont, peut-être..
Mais il sait pas.
Et ça suffit.

Je parle comme un flic..

— À plat ventre, les mains sur la tête. Doucement… ou le voyage s’arrête ici.

Je rajoute avec un sourire que j’espère assez psychotique :

— Oggy adore lécher les restes de cervelle… c’est son petit péché mignon.

Il se plaque au sol.. sans rien dire. Comme si il cherchait dans le silence une solution.

Je lui balance un coup de talon dans la gueule, sec, méthodique.
Il s’écroule.
Un craquement, un râle.
Il va dormir un moment.

Le capitaine me regarde comme si je venais d’enfoncer la dernière vis de son cercueil.

Il souffle, las, à bout de nerfs.

— J’suis pas contre le balancer à la flotte…

Je demande :

— C’est lui, le mécano ?

— Non.

Dommage.
Mais on peut faire avec.

Je vais l’emballer.
Pas de corde, mais des rouleaux de scotch industriel.
Parfait.
On pourra le suspendre à un mât si ça nous chante.
Non faut le cacher bien sur.. dans la mer peut-être ..

Et c’est là qu’elle me frappe.
L’idée.
L’idée de taré. Encore perdue entre le génie et le ridicule. Un plan d’enfant..

Mais les plans ridicules ont l’avantage d’être innatendus.

Je le regarde.
Le corps étalé, le front qui commence à gonfler comme un fruit pourri.

Et je me dis : pourquoi pas ?

Je le déshabille complètement.
Tout. Jusqu’aux chaussettes.
Le capitaine me regarde.
Il pige pas.
Il a les yeux d’un môme perdu dans une foire aux monstres. Je crois qu’il a peur d’avoir quitté un cauchemar pour un autre..

Et quand j’enlève mes propres fringues, je le vois chavirer.
Il est à deux doigts de pleurer.
Le cauchemar prend forme.

Je le rassure
« On va se sauver capitaine! »
Faut mentir à la mort.

J’enfile la casquette graisseuse, le gilet en cuir, le T-shirt militaire, le pantalon noir, les rangers.
Je prends son arme, la bande en bandoulière.
Je laisse au capitaine un flingue à moi, discret.

— « On va se sauver hein. T’es avec moi. »

Maintenant, je ressemble à un de ces connards.

Si j’en croise un, j’aurai une seconde d’avance.
Peut-être deux.
Et c’est tout ce qu’il faut.

Je regarde le capitaine :

— Tu me suis de loin. Tu gardes un œil sur Oggy. On va te doucher d’abord, t’as une odeur de fausse septique »

Il me regarde. Les lèvres sèches.

Puis il murmure, presque pour lui-même :

— Tu sais ce qu’ils ont fait…? Les corps ?

Je dis rien.

— Des dizaines. Les cuistots. Les hôtesses. Les mecs de la sécu.
Yen a beaucoup dans le fond du port..

Il me fixe.

— Y’en avait qui etait trop jeune. Jai entendu les cris…

Il s’arrête.

Il veut que je comprenne.
Que je sache. Que je me méfie peut-être
Ou que je fasse pas de prisonniers.

Je dis rien.

Dans ma tête, la liste se grave.
Ça sera plus facile.

On va se chargé de ceux qui rôdent dehors.. au moins ceux là on sait où ils sont..
On va se planquer dans le vieux restau, celui dont les fenêtres en miettes donnent directement sur le pont. Je connais l’endroit. On aura plus qu’à attendre qu’ils passent.

Dehors le vent de la mer charrie l’odeur du sel, du gasoil et des souvenirs qui ont bu la tasse.
On est accroupis tous les deux dans le vieux restaurant, juste sous les fenêtres béantes.
Elles donnent sur le pont Est, comme des meurtrières un peu trop larges.
À l’abri derrière le bar, le dos collé au carrelage gras.
Je sens Oggy trembler sous la table, pas de peur, mais d’anticipation.
Il sait. Il sait que ça va péter.

Je tends l’oreille, Oggy les entend depuis un moment déjà.
Ils approchent.
Les deux sentinelles, toujours les mêmes. Leurs bottes frappent la tôle comme un métronome malade.
L’un a la clope au bec, l’autre traîne sa carabine comme si elle pesait trois tonnes.
Fatigués.
Inconscients.

Je chuchote au capitaine :

— On va les allumer ici. Les autres vont peut-être rappliquer, faut être rapide. Après on monte. Poste de commande. On pourra mieux observer si ça bouge.
Un seul accès, c’est plus sur si ils nous retrouvent.

Il hoche la tête.

Je rajoute :

— Le mécano, je veux le garder en vie… Peut-être.

Le capitaine comprend. Il dit rien. Son regard pèse, mais il comprend.

Ils passent sous les fenêtres.
Juste là.
Vingt centimètres de distance et une éternité de plomb.

Je me redresse lentement, l’arme bien calée, le souffle arrêté.
Les mots s’éteignent.
Plus rien n’existe.

Je vois leurs nuques.
Je vois la vie tendre son cou.

Et je presse la détente.

Blaamm blamm !
Une rafale sèche, rapide.
Le premier s’écroule comme une marionnette désarticulée, le sang éclabousse les vitres brisées.
Le deuxième tourne à peine la tête, l’œil rond, avant de s’effondrer contre la rambarde. Il s’accroche, crache un rouge epais sur son menton, la tête nous suit, Le corps ne sait plus bouger, des soubresauts terrifiants, inhumains.

Pendant une seconde suspendue, je crois que le monde retient son souffle.
Puis j’entends le cliquetis d’une sécurité.
Le capitaine s’est levé aussi.
Il a pointé son flingue, mais n’a pas tiré.
Il pouvait.
Il voulait.
Mais il sait pas encore.

Il me regarde.

—————————-

Le bateau dort, ou fait semblant.
Le vent claque parfois comme une gifle sèche contre les tôles, et les ombres s’étirent dans les recoins.
Oggy roupille à moitié, mais moi, j’suis juste étendu, le dos broyé par le plastique du canot. Les yeux ouverts comme des fosses.

On attend la nuit.
Je me dis qu’ils finiront par se fatiguer, ces rois du radeau.
Ils s’endormiront peut-être dans leur luxe du tiers monde, paumés dans les cabines de première.
Alors un par un, je pourrais les pêcher comme on pêche les rats dans un entrepôt de farine.

Mais avant de jouer les chasseurs, faut des infos.
Ils vivent où ? Ils chient où ?
C’est quoi leur routine ?
Je peux pas juste rôder comme un fantôme, j’ai besoin d’une bouche qui me parle.

Et puis j’y pense.
Le capitaine.
Le bonhomme qui tenait la barre avant que les hyènes prennent le pont.
Un vieux loup encagé, gardé sous clef comme un extincteur.

Je quitte le canot à la faveur du vide.
On longe les passerelles à pas feutrés.
Oggy ouvre la marche.
C’est son moment de gloire, p’tit cabot de guerre.
Et comme une signature de l’absurde…
Il pisse.
Encore.
Juste là, dans le couloir qui mène à la tour de contrôle.

J’ai presque envie de rire. Un rire sec, nerveux.
Ce chien finira par me faire tuer.

Je monte, la ou je pense trouver la barre, la salle des commandes. Peut être qu’il est pas loin le capitaine. Dans les cabines du personnel.
La porte est pas fermée à clef.
Faut dire que le type est attaché directement à la barre. Comme une bête, avec des menottes.
Ils l’ont pas foutu dans une chambre, non.
Ils ont pas fait dans la dentelle, ils l’ont cloué sur place. Ça m’arrange, mais il est dans un état lamentable.

Il est là. Le capitaine.

Le regard d’un vieux chien battu, le pantalon en lambeaux, les cheveux gras plaqués sur le crâne.
Une odeur d’ammoniaque flotte dans la pièce.
Un carton ouvert sur le côté. Son chiotte.

Il tourne lentement la tête.

Je hoche la tête.

— Tu veux quoi ? Me crever ? Vas-y,

Il est même fatigué de parler.

— Je veux comprendre ce merdier. Toi, t’as vu le début. Raconte.

Il soupire.
Et je vois dans ses yeux que ça fait des mois qu’il a perdu la notion du temps.

Il a pas l’air de manger tous les jours.

— On attendait les passagers. Le gros plein. 5000 pigeons prêts à boire du mojito sur du plastique. On était ravitaillés, fioul, flotte, tout. Moi j’étais là-haut, à surveiller les niveaux. Et puis le blackout. Pouf. Plus rien. Plus de radios. Plus de GPS, plus de météo, plus de port. Plus d’ordre. Juste l’océan.

Il avale difficilement sa salive.

— Et eux… Ils étaient en bas, à la soute. Des types de la maintenance. Aldo et Juan. Ils ont tout pris. Ils ont invité tout un tas de déchets de la ville. Des voyous. Dix ou quinze au début. Aujourd’hui ils sont onze, je crois. Ils avaient des flingues. Il fallait etre d’accord ou il fallait mourir. *

Il regarde le sol.

— Les autres membres d’équipage, les serveurs, les cuistots, les femmes de chambre… Ils leur ont laissé le choix. Saute ou crève. La mer est pleine.

J’écoute, les poings serrés.

— Ils m’amènent à bouffer. Des fois. Des restes, du sec, de la merde. Et parfois rien pendant des jours.
Ils me detache parfois pour aller au chiotte quand ma litière pue trop.

Un bruit.

Dans le couloir.

Un pas, léger, lent, précis.

Le capitaine se fige.

Il lève la tête et murmure.

— C’est lui…

Un bruit sec contre le mur.
Le cliquetis d’un cran de sécurité.
Un souffle court, un murmure étouffé.

Je recule dans l’ombre.
Ma main glisse vers le pistolet, le cœur cogne.

Quelqu’un approche.
Et cette fois, c’est plus un pressentiment.
C’est l’heure du bal.

Je suis en place, dans un coin de prédateur.
Il entre sans douter.
Et là ça commence, il réalise.
Je vois le plateau trembler dans ses mains, les couverts s’entrechoquer.
Le serveur improvisé, un grand type mal rasé avec une gueule de poivrot repenti, fige.
Il bégaye, son cerveau rame comme un vieux PC sous la pluie.
Il sait pas s’il doit lâcher le plateau ou attraper l’arme en bandoulière.
Il fait ni l’un ni l’autre.

Et moi, je suis déjà sur lui, le flingue planté au milieu du front comme un troisième œil.
Un œil qui juge.
Un œil qui pardonne pas.

— Silence ou tu crèves. Bouge pas d’un millimètre, et je fais éclater ta vilaine tête comme une pastèque trop mûre.

Ça rentre lentement dans son esprit embué.
Il tente rien.
Il a pigé.
Même s’il gueulait comme un porc, personne entendait.
Même la détonation ils l’entendraient entendraient pas.
Les 2 qui patrouilleur sur le pont, peut-être..
Mais il sait pas.
Et ça suffit.

Je parle comme un flic..

— À plat ventre, les mains sur la tête. Doucement… ou le voyage s’arrête ici.

Je rajoute avec un sourire que j’espère assez psychotique :

— Oggy adore lécher les restes de cervelle… c’est son petit péché mignon.

Il se plaque au sol.. sans rien dire. Comme si il cherchait dans le silence une solution.

Je lui balance un coup de talon dans la gueule, sec, méthodique.
Il s’écroule.
Un craquement, un râle.
Il va dormir un moment.

Le capitaine me regarde comme si je venais d’enfoncer la dernière vis de son cercueil.

Il souffle, las, à bout de nerfs.

— J’suis pas contre le balancer à la flotte…

Je demande :

— C’est lui, le mécano ?

— Non.

Dommage.
Mais on peut faire avec.

Je vais l’emballer.
Pas de corde, mais des rouleaux de scotch industriel.
Parfait.
On pourra le suspendre à un mât si ça nous chante.
Non faut le cacher bien sur.. dans la mer peut-être ..

Et c’est là qu’elle me frappe.
L’idée.
L’idée de taré. Encore perdue entre le génie et le ridicule. Un plan d’enfant..

Mais les plans ridicules ont l’avantage d’être innatendus.

Je le regarde.
Le corps étalé, le front qui commence à gonfler comme un fruit pourri.

Et je me dis : pourquoi pas ?

Je le déshabille complètement.
Tout. Jusqu’aux chaussettes.
Le capitaine me regarde.
Il pige pas.
Il a les yeux d’un môme perdu dans une foire aux monstres. Je crois qu’il a peur d’avoir quitté un cauchemar pour un autre..

Et quand j’enlève mes propres fringues, je le vois chavirer.
Il est à deux doigts de pleurer.
Le cauchemar prend forme.

Je le rassure
« On va se sauver capitaine! »
Faut mentir à la mort.

J’enfile la casquette graisseuse, le gilet en cuir, le T-shirt militaire, le pantalon noir, les rangers.
Je prends son arme, la bande en bandoulière.
Je laisse au capitaine un flingue à moi, discret.

— « On va se sauver hein. T’es avec moi. »

Maintenant, je ressemble à un de ces connards.

Si j’en croise un, j’aurai une seconde d’avance.
Peut-être deux.
Et c’est tout ce qu’il faut.

Je regarde le capitaine :

— Tu me suis de loin. Tu gardes un œil sur Oggy. On va te doucher d’abord, t’as une odeur de fausse septique »

Il me regarde. Les lèvres sèches.

Puis il murmure, presque pour lui-même :

— Tu sais ce qu’ils ont fait…? Les corps ?

Je dis rien.

— Des dizaines. Les cuistots. Les hôtesses. Les mecs de la sécu.
Yen a beaucoup dans le fond du port..

Il me fixe.

— Y’en avait qui etait trop jeune. Jai entendu les cris…

Il s’arrête.

Il veut que je comprenne.
Que je sache. Que je me méfie peut-être
Ou que je fasse pas de prisonniers.

Je dis rien.

Dans ma tête, la liste se grave.
Ça sera plus facile.

On va se chargé de ceux qui rôdent dehors.. au moins ceux là on sait où ils sont..
On va se planquer dans le vieux restau, celui dont les fenêtres en miettes donnent directement sur le pont. Je connais l’endroit. On aura plus qu’à attendre qu’ils passent.

Dehors le vent de la mer charrie l’odeur du sel, du gasoil et des souvenirs qui ont bu la tasse.
On est accroupis tous les deux dans le vieux restaurant, juste sous les fenêtres béantes.
Elles donnent sur le pont Est, comme des meurtrières un peu trop larges.
À l’abri derrière le bar, le dos collé au carrelage gras.
Je sens Oggy trembler sous la table, pas de peur, mais d’anticipation.
Il sait. Il sait que ça va péter.

Je tends l’oreille, Oggy les entend depuis un moment déjà.
Ils approchent.
Les deux sentinelles, toujours les mêmes. Leurs bottes frappent la tôle comme un métronome malade.
L’un a la clope au bec, l’autre traîne sa carabine comme si elle pesait trois tonnes.
Fatigués.
Inconscients.

Je chuchote au capitaine :

— On va les allumer ici. Les autres vont peut-être rappliquer, faut être rapide. Après on monte. Poste de commande. On pourra mieux observer si ça bouge.
Un seul accès, c’est plus sur si ils nous retrouvent.

Il hoche la tête.

Je rajoute :

— Le mécano, je veux le garder en vie… Peut-être.

Le capitaine comprend. Il dit rien. Son regard pèse, mais il comprend.

Ils passent sous les fenêtres.
Juste là.
Vingt centimètres de distance et une éternité de plomb.

Je me redresse lentement, l’arme bien calée, le souffle arrêté.
Les mots s’éteignent.
Plus rien n’existe.

Je vois leurs nuques.
Je vois la vie tendre son cou.

Et je presse la détente.

Blaamm blamm !
Une rafale sèche, rapide.
Le premier s’écroule comme une marionnette désarticulée, le sang éclabousse les vitres brisées.
Le deuxième tourne à peine la tête, l’œil rond, avant de s’effondrer contre la rambarde. Il s’accroche, crache un rouge epais sur son menton, la tête nous suit, Le corps ne sait plus bouger, des soubresauts terrifiants, inhumains.

Pendant une seconde suspendue, je crois que le monde retient son souffle.
Puis j’entends le cliquetis d’une sécurité.
Le capitaine s’est levé aussi.
Il a pointé son flingue, mais n’a pas tiré.
Il pouvait.
Il voulait.
Mais il sait pas encore.

Il me regarde.

Trois minutes.
Cent quatre-vingt secondes à mâcher le silence.
Les dents serrées, le cœur en boule, coincé entre deux battements.

Je suis là, dans le canot de sauvetage suspendu au-dessus de la mer, comme une foutue mouette.

Le plastique de la bâche pue le moisi et la graisse, mais j’y ai creusé mon trou.
J’ai une vue parfaite sur le pont.
Les deux corps s’étalent juste en dessous, les bras en croix comme des mannequins de vitrine fracassés.

Oggy est planqué derrière le bar, avec Hugo notre capitaine avarié.
Je lui ai montré.
Comment tenir une arme, comment viser, comment presser la détente sans y mettre son âme.
Juste un doigt.
Juste une ligne droite entre l’intention et la survie.

Et puis j’ai tiré en l’air, comme un avertissement, une cloche qui sonne le debut de la fin.
Pour lui montrer que j’ai pas peur qu’on m’entende.
Pour lui dire qu’on est pas ceux qui ont peur.

Maintenant j’attends.
Et j’écoute.

Le vent siffle entre les rambardes, la bâche claque par instant, comme un cœur nerveux.
Mon doigt glisse contre la gâchette.
Mes yeux passent de l’ombre à la lumière, cherchent la moindre forme.
Tout est calme.

Puis.

Un grincement.
Pas une alarme.
Pas un cri.
Juste un pas qui trahit une intention.

Un frottement de semelle sur le palncher.
Puis un deuxième.
Et des murmures.

Ils arrivent.
Pas en courant.
Pas en hurlant.
Comme des charognards prudents, les flingues à la main, l’instinct aux aguets.

Je retiens ma respiration.

Un visage surgit enfin sous moi.
Le même genre de gueule que les autres.
Rasé de près, les yeux vides.
Un autre suit.
Puis un troisième.

Trois.

Je pense au poids des balles, à la cadence de mes deux flingues.
Je pense au sang.
Au bruit.
À Hugo derrière son bar, ses mains qui tremblent peut-être déjà.

Je les laisse s’approcher.
Encore un pas.
Encore un.

Ils commencent à gueuler
Ils regardent partout.

Et quand ils sont à portée, quand je sens leur souffle remonter dans mes narines depuis le pont…
Je retiens le temps.
Je le serre dans ma paume.

Et j’attends le signal intérieur, celui qui dit :
Maintenant.

Ils gueulent. Les trois.
Un cri de hyènes, de mecs qui sentent que la merde vient d’en haut.
Je n’attends pas la suite. Pas le moment d’être philosophe.

Je sors de la bâche comme un démon de sa boîte.
le flingue crache avant même que j’aperçoive toute la scène.
J’arrose, j’ajuste.
Le premier se prend tout.
Une gerbe rouge lui explose du cou, comme un geyser de vin chaud.
Il tombe net, la bouche encore ouverte sur un juron jamais fini.

Le deuxième — réflexe de pro ou de bête —
se jette de côté, roule au sol,
et son arme part dans un éclair.
La balle déchire la bâche du canot,
j’ai juste le temps de me jeter derrière la coque suspendue,
les genoux râpés, la lèvre qui saigne à force de mordre dedans.

Le plan dérape.
Mais c’est toujours mieux que de crever dans son pieu.

Je me relève en biais, le bras tendu,
je l’ai dans le viseur,
mais il me devance.
Il tire encore.
La balle me frôle l’oreille, me gifle comme un rappel à l’ordre.

Et là
BANG BANG BANG
une autre rafale.
Venue du bar.

Hugo.

Il tire.
Les bras tendus,
les yeux fermés,
la bouche tordue entre haine et panique.
Il hurle pas, il tire.
Et ça touche.

Le deuxième s’effondre,
les jambes qui cherchent le sol et trouvent rien.
Un râle qui s’étale sur le sol, les yeux écarquillés dans le sang.

Mais le troisième…
le troisième, il prend une balle dans le buffet, et il hurle comme un animal.
Mais il tombe pas. Enfin il heurte Le sol et se releve comme soulevé par la peur.
Il court en laissant derrière lui un filet de sang et un bras en sharpie,
broyé, qui pend comme une guirlande de viande.
.
Mais quand je le met en joue,
il est déjà loin.
Une silhouette titubante qui plonge dans un couloir, traînant son lambeau.

Plus rien.

Silence.

Un silence qui vibre encore des cris,
des tirs, du sang.

Hugo sort du bar, blanc comme une voile.
Il tremble, mais il est debout.
Son flingue fume encore.

— T’as vu ?… j’ai tiré… j’l’ai eu, hein ?

Je hoche la tête.
Et je pense à ce putain de troisième.
Cette fois ils savent ou on est et combien on est.

Faut qu’on bouge.

Je cherche une grande salle à travers les couloirs. Pendant que les autres s’occupent de leur blessé.

Partout, j’écris.
Au feutre, au sang, au charbon, avec mon ongle si faut.
Sur les murs poisseux, sur les papiers froissés, sur les miroirs fendus, sur les vitres éclatées et les portes :

« Le mécano. Rend toi. Viens avec nous. Les autres cassez-vous. »

Un message pour les chiens. Pour les âmes fatiguées.
Pour semer la peur. Le doute. L’odeur de la trahison dans leur meute.
Je veux qu’ils me trouvent, oui.
Mais pas comme on trouve un rat.
Je veux qu’ils se fassent dessus avant même d’arriver.

Dans les couloirs, on avance.
Oggy trotte, renifle, remue la queue comme si c’était un jeu.
Le capitaine serre son arme comme on serre un crucifix.
Moi, je cherche une salle. Une vraie. Un piège grand ouvert.

Et on la trouve.

Une immense salle de bal, avec des néons morts qui pendent comme des intestins, une piste collante, des fauteuils renversés,
des verres fossilisés sur des tables bancales.
Le grand dancing du paquebot.
Vestiges d’un monde qui puait déjà avant de crever.

Y a un balcon au-dessus.
Un endroit pour lancer la musique et la mort.

— C’est ici.
je dis en posant la main sur la poche où dort ma grosse grenade.
Elle aussi veut danser.

Avec elle je peux faucher tout un régiment.

On prend place.
Chacun dans un coin.
Oggy au centre, posé comme une peluche damnée.

Et l’attente recommence.

Des minutes qui s’étirent comme du vieux chewing-gum.
On entend des pas parfois. Des murmures.
Mais rien ne vient.

Puis un bruit.
Pas des pas de chasse.
Pas des pas de rage.

Un pas seul.

Et là,
il entre.
Les mains bien hautes.
Le torse à découvert.
Pas de fusil.
Pas de haine.

— Je suis Aldo, qu’il dit.
Je suis le mécano. On peut s’arranger alors ?

Le capitaine se fige, moi aussi.

Un type large, le regard creusé par des années de cambouis et de regrets.
Il transpire la fatigue et la ruse.

— Ils sont blessés, paumés…, qu’il dit.
Moi je veux pas finir en morceaux. Je veux sortir d’ici. Je peux vous montrer où ils sont. Les 5 autres. Ils se planquent. Ils ont peur. Vous avez qu’a finir le travail »

Je le fixe.
Je dis rien.
Je le regarde comme on regarde une bête qui parle.

Et je sens que c’est vrai. Mais j’ai un doute.
Ou en tout cas,
Il veut vivre.

———————-

Compris. On reprend, brut et sec, à hauteur d’homme et de chien. Point de vue de Léo, dans cette salle de dancing où le sol colle encore à la sueur des corps disparus.

Je le fais asseoir sur un vieux canapé en velours rouge, éventré, comme le reste du monde.
Oggy le fixe sans broncher, les oreilles en avant.
Moi je m’accroupis. Juste à hauteur de sa gueule.

— Alors, Aldo… tu viens seul ? Tu me prends pour un con ?
Il tique à peine. Il tente un sourire. Je le laisse crever dans sa gorge.

— « Les autres… ils m’ont pas vu sortir. J’ai pris un détour. »

— *Et ils t’ont laissé faire ? Comme ça ? Vas-y Aldo, va discuter avec le gars qui a buté la moitié du crew ?*

Il s’essuie le front avec sa manche. Elle est sale. Tout est sale chez lui, jusqu’à ses paupières.

— « Ils paniquent, tu vois pas ? Tu leur as foutu la trouille. J’ai dit que j’allais vérifier un truc sur le pont. Je suis pas revenu. Ils s’en foutent tant qu’ils se planquent. »

Je me lève. Je fais les cent pas comme un prof en sueur avant l’interro.
Puis je reviens. Je le regarde dans les yeux.

— *Pourquoi tu trahis ? Pourquoi maintenant ?*

Il met un temps. Il veut me sortir la carte du remords. Je le vois venir.

— « C’est plus gérable, mec. J’voulais juste survivre au début. Maintenir les moteurs, le courant. Mais eux… ils ont pris goût au reste. Les exécutions. Les filles qu’ils trouvaient dans les cales… »

Il s’arrête. Il a compris qu’il est allé trop loin. Qu’il a dit un mot de trop.

Je me penche vers lui.

— *T’as rien dit, Aldo ? T’as continué à faire chauffer les douches pour les violeurs ?*

Il baisse les yeux. Je résiste à l’envie de le cogner.

— « J’étais coincé, merde… j’ai rien fait, j’ai rien pu faire. »

— *Tu t’es pas levé non plus. Maintenant tu veux juste sauver ta peau, hein ?*

Il ferme les yeux. Il a envie de pleurer.
Il a plus l’âge, ni le droit.

— « Je veux juste que ça s’arrête. J’peux t’aider. Je connais leurs planques, je peux t’y amener. Tu les veux ? Je te les sers sur un plateau. »

Je le regarde. Longtemps.

Puis je balance un « peut-être » dans l’air moite du dancing.

— *Tu passes devant, et à la moindre embrouille, je te crève.*
Il hoche la tête.

Oggy grogne. Lui non plus, il y croit qu’à moitié.

Il m’amène peut-être dans un piège, quelque part ou ils nous attendent, postés, bien cachés.

Ils l’ont peut-être forcer à le faire même. Lui le responsable illicite de ce bateau.
….

J’ai le cœur qui cogne comme un moteur trop vieux sous le capot.
Aldo me parle, mais j’entends plus grand-chose. Juste mon propre cerveau qui tourne à vide.
Ce type pue la trahison. Il me la vend trop facilement, sa paix. Sa conversion.

Et moi, j’ai pas été fait pour croire. Ni aux saints, ni aux repentis.

Alors je le garde près de moi. Trop près.
Si ça pète, il prendra pour les autres.
Je me répète ce principe stratégique : ne jamais prendre de décision tant qu’on y ait Pas contrain.
Laisser le monde montrer ses cartes.
Alors je change de plan.

Je pourrais démarrer le navire.
Suivre mon plan, commencer Le voyage.
On va les laisser sortir.

On monte dans la salle des commandes.
Le prisonnier est toujours là. À poil, les mains mal ficelées, un œil comme un fruit trop mûr.
Karl. C’est son nom. J’avais oublié.

Et la j’ai une idée. Une belle saloperie d’idée.

Il me regarde comme un chien battu, puis détourne les yeux.
Hugo me suit, il comprend rien. Ou plutôt si. Il commence à comprendre que j’ai un truc en tête.

Je le tire à l’écart, je lui murmure :

— j’ai une idée, on va savoir où ses potes se cachent et on va savoir si le mécano nous ment.

On va le laisser s’enfuir, Hugo. Volontairement. Juste un peu. Il va filer rejoindre son équipe, il va nous montrer le chemin comme un bon toutou.
Et ya intérêt que ça corresponde à ce que Aldo va nous dire..

Hugo blêmit, mais il dit rien. Il sait que j’ai peut-être pas tort.

Je reviens vers Karl avec ma gueule la plus douce.

— Tu veux pisser, Karl ? Hein ? T’en as marre de puer la merde ?

Il hoche la tête. Il croit que c’est Noël.

Je lui attache vaguement les pieds et les poignets, mais pas trop serré. Je lui fous deux bons coups avant, pour qu’il titube plus vite, et qu’il voie plus flou.

Puis on sort de la salle comme si on avait autre chose à foutre.

Je prends Aldo dans à part.. je luis demande précisément où est le terrier des autres rats, ou est le piège..

Il me parle d’une salle de jeu auw néons roses. Et de chambres juste à côté.

Et maintenant j’attends.
Accroupi dans un renfoncement du couloir, l’oreille en alerte, les yeux fixés sur cette foutue porte.
Oggy respire fort à côté de moi. Il a compris. Il sait qu’on est encore dans un de ces plans tordus et que ça peut tourner au vinaigre.

Je le suis comme une ombre collée au carreau.
Karl avance en crabe, il boîte, il titube, il s’essuie le nez sur l’avant-bras.
Il croit que personne le regarde. Que c’est son heure.
Il s’aide des murs, respire comme un chien blessé.
Je sens presque son soulagement transpirer jusque dans mes narines.
Ce moment où il pense qu’il va s’en sortir, qu’il a glissé entre les mailles.

Il bifurque à gauche, puis à droite, comme s’il suivait une mémoire ancienne, une routine de planqué.
Puis soudain, loin apres au fond de la cale, apres de longs couloirs, il s’arrête devant une double porte. Une salle avec des vitres fumées.
Et là — cette lumière rose. Étrange. Presque douce.

Je reste figé une seconde.
Bordel.
Aldo avait dit vrai.

Une salle de jeu qui clignote encore.
Ils ont même pas cherché à se planquer ailleurs.
Un peu de luxe pour mieux oublier les cadavres dans le port.
Des plantes en plastique, des banquettes en cuir synthétique, un putain de néon rose qui clignote « Paradise Club ».
Paradise, ouais. L’ironie me donne presque envie de vomir.

Karl s’y glisse, lentement, referme derrière lui.
Je me rapproche, très lentement, le cœur froid comme une lame.

Aldo n’a pas menti.
Je le déteste pas moins pour autant.
Il a balancé l’emplacement.
Offert ses potes à la première occasion
Des gars avec qui il a mangé la veille
Et là, il les vend pour une petite chance de rester en vie.
Ou pour s’en débarrasser.. il est peut être moins noir.

Il avait peut etre un pavillon et un labrador dans le monde d’avant

Je lève doucement mon arme.
Je sais où ils sont maintenant.
Ils sont à portée.
Je pourrais faire sauter le tout.

Mais j’ai encore un choix à faire.
Un de ces choix qu’on ne peut plus jamais défaire après.
Alors je reste là.
Juste derrière la lumière rose.
À écouter les voix, les rires nerveux.
Et à décider si l’enfer commence maintenant.

——————–

2 aout